Mathias Enard, ou la passion pour l’Orient

Boussole, un « roman d’une extraordinaire richesseParmi les quatre ouvrages de qualité qui constituaient leur ultime sélection, les Goncourt ont donc choisi de miser sur l’exigence, voire l’excellence, en mettant en avant le livre fleuve, sinueux et dense, érudit et nomade de Mathias Enard. Boussole, un « roman d’une extraordinaire richesse », résumait Gilles Heuré, rendant compte de sa lecture enthousiaste dans Télérama, dès le 22 août dernier. Il évoquait l’ampleur des motifs et des thèmes qu’embrasse Mathias Enard dans cet ouvrage, à travers le monologue intérieur de son personnage, Franz Ritter, musicologue passionné par l’Orient, ses cultures, ses artistes et ses atmosphères.
Du rapport entre Occident et Orient, son histoire millénaire aussi conflictuelle et violente que portée par une fascination réciproque, Mathias Enard a fait depuis plus de dix ans, le cœur de son travail romanesque, inscrit dans la continuité des études d’arabe et de persan qu’il a suivies à l’Inalco et de nombreux et longs séjours effectués au Moyen-Orient, entre Damas, Téhéran, Le Caire, Tunis ou Beyrouth. Mathias Enard est arrivé dans le paysage littéraire en 2003, avec la parution du très remarqué La Perfection du tir. Une fiction dans laquelle il mettait en scène un homme en armes participant à une guerre civile non identifiée – mais on pouvait y reconnaître les déchirements du Liban.
“Il fallait montrer ou rappeler que l’Islam et l’Orient ne sont pas que violence aveugle et bêtise absolue, que nous sommes tous un peu orientaux.” Mathias Enard
Ont suivi notamment le virtuose Zone (2008), qui a valu à Mathias Enard le prix du Livre Inter, puis Parle-leur de batailles, de rois et d’éléphants (2010) pour lequel il a reçu le Goncourt des lycéens – Enard y met en scène Michel-Ange le Florentin, débarquant à Constantinople pour y bâtir un pont qui enjambera la Corne d’or –, ou encore Rue des voleurs (2012). Interrogé cet été par le quotidien L’Humanité à propos de Boussole, l’écrivain déclarait : « Malheureusement oui, c’est aussi un geste politique. En écrivant ce livre j’étais sans cesse rattrapé par l’actualité, l’horreur de la guerre, au moment où j’ai écrit les scènes de Palmyre, Daesh était encore loin. Mais je pense qu’il fallait montrer ou rappeler que l’Islam et l’Orient ne sont pas que violence aveugle et bêtise absolue, que nous sommes tous un peu orientaux. »
P.S. Voir Pages 163 et 164 de la « Boussole »,  Mathias Ennard donne une vision clairvoyante sur l’apport de Julien Weiss avec un hommage appuyé, sur Al Kindi et son pouvoir de « passeur » de la musique orientale En tout cas un ouvrage passionnant qui évoque la Syrie vivante que nous avons connu. 
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