CARTOGRAPHIE DES RELIGIONS (1)

CARTOGRAPHIE DES RELIGIONS (1) – APERÇU RÉGIONAL AU XXI e SIÈCLE
ARTICLE PUBLIÉ LE 02/12/2016

Par Oriane Huchon  

Plusieurs articles sur les différents courants de l’islam sont déjà parus sur Les clés du Moyen-Orient. Celui-ci a pour objectif de présenter une cartographie de l’implantation des religions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Les courants principaux y sont représentés, ainsi que les principaux lieux saints (sunnites et chiites), les lieux de naissance des principaux ordres soufis, et les minorités religieuses.

Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord sont les terres d’expansion de l’islam aux VIIe et VIIIe siècles de notre ère. Il ne faudrait pourtant pas considérer ces vastes territoires comme un monde unifié religieusement. Les religions antérieures à l’islam, le christianisme sous ses diverses formes (maronite, orthodoxe, copte, catholique…) et le judaïsme, demeurent au sud et à l’est de la Méditerranée et disposent d’un statut spécial dans le droit musulman, le statut de dhimmi. Jusqu’à la chute de l’Empire ottoman, le statut de dhimmi était communément appliqué dans les diverses communautés musulmanes.

Les musulmans sont de nos jours environ un milliard et demi sur la planète, soit 23% de la population mondiale. Ils forment le groupe religieux le plus important au monde après le christianisme. Les sunnites (toutes écoles confondues), représentent 87,4% de la population musulmane ; les chiites duodécimains 8,4 %, les autres mouvances chiites 3,5% et les ibadites 0,7% (1). La majorité de ces musulmans se trouve désormais en Asie, avec entre 700 et 800 millions de pratiquants, principalement en Indonésie (premier pays musulman du monde), en Afghanistan, en Inde, au Pakistan, au Bangladesh et en Chine (2). Au Moyen-Orient (Turquie, Egypte et Iran compris), ils seraient entre 350 et 400 millions ; alors qu’au Maghreb ils seraient un peu moins de 90 millions.

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A titre comparatif, les chrétiens représentent 32% de la population mondiale et sont 2,2 milliards sur Terre. Les hindous sont 1 milliard, les bouddhistes 500 millions et les juifs 14 millions (4). Les juifs ont globalement fui les terres d’islam depuis la création d’Israël, et 25 % de la population juive globale vit actuellement en Israël. Les chrétiens d’Orient sont entre 10 et 16 millions au début du XXIe siècle (5).

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Dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient à l’exception d’Israël, les musulmans représentent la grande majorité de la population nationale, toutes confessions de l’islam comprises. En 2013, on estimait ainsi le nombre de musulmans au Maghreb et au Moyen-Orient, par pays :

Pays Population totale (en millions) % de musulmans dans la population
Algérie 39 99%
Arabie saoudite 27 100% (dont chiites entre 10 et 15%)
Bahreïn 1,3 70% (chrétiens 14%, hindouisme 10%, bouddhisme 2,5%, autres)
Egypte 87 90% (coptes 10%)
Emirats arabes unis 8,3 96% (dont chiites 16%)
Irak 32,5 97% (dont chiisme 65%, sunnisme 35%)
Iran 81 98% (dont chiisme 89%)
Israël 8 18% (judaïsme 75%, autres 7%)
9 Nigéria 2.7 Yémen 100
Jordanie 8 92% (christianisme 6%)
Koweït 4 85% (dont chiisme 30%, christianisme et hindouisme 15%)
Liban 6 54% (dont 27% chiisme, 27% sunnisme ; christianisme 40.5%)
Libye 6 97%
Maroc 33 98,7%
Oman 3,2 90% (dont ibadisme 75%)
Qatar 2,2 77% (christianisme 8,5%, autres 14%)
Syrie 22 98% (dont alaouite 10%, druze 3%, chiite 2% ; christianisme 5%)
Territoires palestiniens 5 Cisjordanie : 75% (judaïsme 17%), Bande de Gaza : 99%
Tunisie 11 99%
Turquie 82 99,8% (dont alévis 20%)
Yémen 26 100% (dont zaydisme entre 25 et 40%)

Source : Revue Moyen-Orient, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris.

L’islam ne se résume pas aux deux grands courants connus, le sunnisme et le chiisme. Ces confessions connaissent des divergences de croyances en leur sein. Le sunnisme, courant majoritaire, se divise en plusieurs écoles juridiques interprétant de diverses façons le Coran et la sunna (ou tradition, comportement du Prophète) enregistrée dans les hadiths.
Le chiisme est né de la « grande discorde » du premier siècle islamique, liée à la succession à Mahomet au titre de calife. Les trois groupes chiites existants toujours aujourd’hui (zaydite, duodécimain et ismaélien) sont issus des allégeances aux différents imams ayant succédé à Ali.

Un troisième courant nommé kharidjisme est également né au moment de la « grande discorde ». Si les kharidjites ont aujourd’hui disparu, les ibadites en sont leurs héritiers (bien que certains d’entre eux s’en défendent). Ils subsistent à Oman, à Djerba en Tunisie, en Libye à Zuwarâ et Djebel Nafusa, en Algérie à Mzâb et en Tanzanie à Zanzibar.

Enfin, de multiples confréries soufies se sont développées dans toute la région. Le soufisme est le penchant mystique de l’islam, souvent méconnu en France. Les soufis cherchent l’accès direct à la divinité d’Allah à travers des pratiques particulières dont le dhikr (répétition du nom de Dieu), la musique et la danse parfois, et la méditation. Ils s’appuient sur une théorie des hommes et du divin développée par les théologiens soufis au cours des siècles. Les confréries soufies sont nombreuses, et constituent toujours une réelle influence dans certains pays, notamment en Egypte.

Cette richesse cultuelle s’exprime par la présence de nombreux lieux saints et sanctuaires musulmans, chrétiens et juifs. Au-delà des villes saintes de Jérusalem, de Médine et de La Mecque, diverses villes attirent chaque année des milliers de pèlerins. Les sunnites les plus rigoristes interdisent le culte des saints. La mosquée n’est pas sacralisée comme l’est l’église. Les chiites toutefois célèbrent de nombreux saints, et la plupart des sunnites ressentent le besoin de « localiser le sacré, de l’inscrire dans l’espace, au travers de rites », selon les propos de Dominique Logna-Prat et de Gilles Veinstein, qui poursuivent : « Il existe ainsi des lieux [de culte des saints], généralement des sépultures, dotées de mausolées, et, le cas échéant, d’un complexe de bâtiments, dont des mosquées, que sanctifie la présence des restes d’un saint et à travers lesquels se diffuse sa baraka » (6) (Influence bénéfique qu’exercent certains personnages révérés de l’islam, ou certains objets sacrés, Larousse). Ces lieux saints et sanctuaires constituent des éléments centraux de la vie du musulman et les plus importants d’entre eux nécessitent d’apparaître sur une carte générale des religions de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, puisqu’ils génèrent d’importants flux de population.

Lire sur Les clés du Moyen-Orient :

Hichem Djaït, La Grande Discorde, Religion et politique dans l’Islam des origines

Sunnites/chiites : aux origines du grand schisme de l’Islam

Notes :

(1) DUPONT Anne-Laure, Atlas de l’islam. Lieux, pratiques et idéologie, Autrement, 2014, Paris.
(2) Ibid.
(3) Revue Moyen-Orient n°23, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris
(4) http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/12/18/les-chretiens-sont-le-premier-groupe-religieux-au-monde_1807767_3224.html#VTY0lHpcA3iuy91U.99
(5) LORIEUX Claude, Chrétiens d’Orient en terres d’Islam, Perrin, 2001, Paris.
(6) « Lieux de culte, lieux saints dans le judaïsme, le christianisme et l’islam : Présentation ».

Bibliographie :

- DUPONT Anne-Laure, Atlas de l’islam. Lieux, pratiques et idéologie, Autrement, 2014, Paris.
- HOURANI Albert, Histoire des peuples arabes, Seuil, 1991 (traduction française en 1993), Londres.
- HANIF, N, Biographical Encyclopaedia of Sufis : Central Asia and Middle East, Sarup & Sons, 2002.
- SELLIER André, SELLIER Jean, Atlas des peuples d’orient. Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale, La Découverte, 2002, Paris.
- Revue Moyen-Orient n°23, “Bilan géostratégique 2014”, Juillet-Septembre 2014, Paris.
- BALANCHE Fabrice, Atlas du Proche-Orient arabe, PUPS/RFI, 2012.
- LORIEUX Claude, Chrétiens d’Orient en terres d’Islam, Perrin, 2001, Paris.

Sitographie :

- Le dessous des cartes, « L’islam en conflit », Parties 1 et 2, Arte, Janvier 2015.
- Encyclopédie Larousse en ligne
- Encyclopedia Universalis
- http://www.lemondedesreligions.fr/actualite/les-ahmadis-musulmans-malgre-les-autres-05-02-2015-4492_118.php
- http://www.lemonde.fr/societe/article/2012/12/18/les-chretiens-sont-le-premier-groupe-religieux-au-monde_1807767_3224.html#VTY0lHpcA3iuy91U.99

La rébellion s’effondre à Alep-Est

Le Monde du 29 novembre 2016

La rébellion s’effondre à Alep

L’armée syrienne et ses milices tiennent désormais près d’un tiers de la partie insurgée de l’ancienne capitale économique de la Syrie. La chute de la ville marquerait un tournant dans le conflit

 

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Jamais, sans doute, le désespoir des -civils n’avait été aussi grand dans les quartiers rebelles d’Alep. Dans ces faubourgs assiégés, les bombardements menés par les forces du régime syrien et ses alliés sont dévastateurs, depuis leur nouvelle offensive lancée il y a quinze jours. Depuis samedi 26  novembre, plusieurs positions rebelles se sont effondrées sans véritable résistance. Alors que l’armée syrienne et ses milices tiennent désormais près d’un tiers de la partie insurgée, et que le désastre humanitaire s’aggrave, de nombreux habitants pressentent que le sort de l’est d’Alep est scellé.

 » Si les bombardements se poursuivent avec la même intensité, et que le régime maintienne sa tactique de siège, la chute d’Alep va s’accélérer « , juge Bassam Al-Ahmad, un militant des droits de l’homme exilé en Turquie, qui recense les exactions commises par les acteurs du conflit syrien. Ville symbole, ancienne -capitale économique de la Syrie avant que son activité industrielle soit anéantie par les combats, Alep est aujourd’hui l’épicentre de la guerre. Divisée en deux depuis 2012, entre quartiers loyalistes à l’ouest et faubourgs rebelles à l’est, séparés par une ligne de démarcation qui traverse la vieille ville, la cité revêt aussi une place à part en raison de l’importance de sa population : 1,5  million d’habitants, dont la plupart résident aujourd’hui dans la zone gouvernementale.

Le pouvoir de Bachar Al-Assad ne s’est jamais résigné à la perte des quartiers de l’est d’Alep, qui comptaient parmi les plus défavorisés de la ville. Avant d’être en mesure de lancer les offensives d’ampleur qui se sont succédé depuis le début de l’année, grâce au puissant soutien aérien apporté par Moscou, les forces loyalistes n’avaient eu de cesse de cibler, au moyen de bombes barils, la partie orientale de la ville. Des frappes qui ont entraîné de vastes destructions sans réellement affaiblir, alors, une rébellion bien armée, composée en grande partie de combattants locaux, et divisée en plusieurs groupes sou-tenus, selon leur bannière, par des parrains régionaux – Qatar, Arabie saoudite, Turquie – ou internationaux, Etats-Unis en tête.

 » Mais, aujourd’hui, les combattants de l’opposition sont isolés, estime Elias Farhat, analyste militaire et ancien porte-parole de l’armée libanaise. Leurs tentatives pour briser le siège de l’est d’Alep – imposé en juillet, brièvement levé en août, puis à nouveau en vigueur depuis septembre – ont toutes échoué. Chaque perte humaine est cruciale : leurs effectifs ne peuvent plus être reformés, pas plus que leur stock d’armes ne peut être regarni. « 

Idlib,  » tombeau  » des rebelles ?Pour les combattants anti-Assad, perdre Alep signerait une défaite majeure, la plus grave peut-être depuis la chute des principaux quartiers rebelles d’Homs en  2012, ville que l’opposition avait surnommée la  » capitale de la révolution « . Sans minimiser l’importance des revers essuyés depuis samedi, quand les forces prorégime se sont emparées du vaste quartier d’Hananu ainsi que d’autres faubourgs voisins, des groupes rebelles – comme Jabha Chamia ( » le Front syrien « ), cité par l’agence Reuters – assurent que la -bataille s’annonce féroce dans les zones qu’ils contrôlent encore, pour l’essentiel dans le sud-est d’Alep. D’autres, en revanche, insistent sur la pression à laquelle ils sont soumis. L’offensive du régime est menée par des milliers de combattants financés par -Téhéran – les hommes du Hezbollah libanais et les miliciens chiites irakiens en tête – aux côtés de l’armée syrienne, qui a déployé dans la région d’Alep ses unités d’élite.

Le rapport de forces s’était déjà profon-dément modifié en faveur du régime depuis que la Russie avait volé au secours de son  » protégé « , en septembre  2015. Mais la chute d’Alep pourrait marquer un tournant décisif, car l’opposition armée, qui s’est aussi -affaiblie dans les alentours de Damas, perdrait ainsi le principal champ de bataille qui lui permettait de peser militairement. Les quelque 8 000 rebelles d’Alep risqueraient alors de se retrouver cantonnés dans la province voisine d’Idlib.

Celle-ci est devenue un fief de l’Armée de la conquête, une alliance rebelle dominée par l’ex-Front Al-Nosra affilié à Al-Qaida et le mouvement salafiste Ahrar Al-Cham, qui s’en était emparé au printemps 2015. C’est aussi le lieu vers lequel ont été conduits les combattants chassés de plusieurs poches rebelles – dans les régions de Damas ou d’Homs – au terme d' » accords  » locaux négociés avec le régime. Cette province, depuis laquelle des renforts étaient parvenus vers les quartiers insurgés d’Alep, en août, est aujourd’hui la cible d’intenses bombardements russes. Des caciques du régime de Damas ont promis qu’Idlib serait le  » tombeau «  des rebelles.

 » Occasions manquées « L’accélération de l’offensive à Alep est due, selon plusieurs observateurs, au vide diplomatique international ouvert par la transition présidentielle en cours aux Etats-Unis. La seconde ville de Syrie est devenue, au fil du temps, l’un des principaux théâtres de la guerre par procuration que se livrent les puissances étrangères en Syrie.

Certains analystes, pro ou antirégime, relaient aussi la thèse d’un abandon par la Turquie des insoumis d’Alep, en vertu d’une entente supposée avec l’Iran et la Russie, en contrepartie d’un feu vert donné à ses opérations contre les Kurdes. Ankara a longtemps joué un rôle essentiel dans le conflit syrien, en laissant passer à ses frontières les armes destinées à la rébellion.

Assiégée, affaiblie par le fiasco de sa contre-offensive à l’ouest d’Alep en novembre, divisée par de récents affrontements internes, l’opposition armée a vu sa capacité d’agir diminuer. Pour Elias Farhat, l’isolement des rebelles d’Alep-Est s’explique aussi par les  » occasions manquées «  par les combattants anti-Assad.  » Ils se sont opposés aux différentes initiatives : celle de Staffan de Mistura – l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie – pour obtenir le départ des djihadistes du Front Fatah Al-Cham – l’ex-Front Al-Nosra – , celle de Damas et de Moscou, qui avaient proposé des couloirs de sortie – pour les civils assiégés – , estime l’ancien militaire libanais. Les djihadistes ont imposé une ligne jusqu’au-boutiste. « Les appels à la reddition ou au départ de certaines factions s’apparentaient, aux yeux des rebelles, modérés ou radicaux, à une défaite. Au-delà des djihadistes, puissants mais minoritaires, cible affichée des raids aériens russes, Moscou n’a pas hésité à pilonner les infrastructures de santé et l’ensemble de la zone rebelle, faisant de nombreuses victimes civiles.

Avec les succès militaires engrangés par le régime, le destin des quelque 250 000 habitants d’Alep-Est est en train de se jouer. Plusieurs milliers ont fui vers des zones sous contrôle gouvernemental ou tenues par les forces kurdes. De nombreux autres se sont déplacés à l’intérieur de la poche rebelle, en quête d’un lieu moins exposé aux bombardements et aux combats de rue.

 » Ce sont les civils qui paient le prix le plus élevé de la bataille, déplore Bassam Al-Ahmad, consultant pour la Fédération internationale des droits de l’homme. Ils sont utilisés comme des instruments. Le régime dit les évacuer pour leur sécurité, l’opposition dit les protéger et les Kurdes sont dans le même discours. «  Il estime que le  » déplacement forcé «  de civils par le régime a déjà commencé.

Amnesty International s’inquiète du risque de  » représailles «  qui pèse sur les habitants. L’organisation cite un activiste local, selon lequel des familles vivant dans les quartiers d’Hananu et de Jabal Badro, repris par les forces prorégime, sont terrées  » dans leurs maisons et ont peur de se déplacer à cause de la présence partout de soldats du gouvernement syrien « . Les médias d’Etat ont pour leur part filmé des opérations d’évacuation de civils vers des  » lieux sûrs «  mais inconnus, et le pouvoir syrien – comme Moscou – a accusé à de multiples reprises les groupes rebelles de tenir en otage les habitants. Le sort des Alépins de l’est de la ville est d’autant plus dramatique que les stocks de nourriture sont quasi épuisés, et que les moyens des secouristes locaux se sont amenuisés.

Laure Stephan Le Monde

L’assaut final sur Alep et une tentative de médiation Russe.

Opposition démocratique syriennne.

Opposition démocratique syriennne.

Syrie: Recomposition politique en Syrie dans la perspective de l’assaut d’Alep.

NOVEMBRE 14, 2016

UNE CONFÉRENCE DE RÉCONCILIATION INTER-SYRIENNE SOUS PARRAINAGE EXCLUSIF DE LA RUSSIE

Une spectaculaire recomposition politique est en passe de s’opérer en Syrie dans la perspective de l’assaut final sur Alep (Nord de la Syrie) et de l’élection de Donald Trump à la présidence des États Unis.

Maître d’œuvre de cette redistribution des cartes en gestation est la Russie, qui a déployé une importante armada aux larges des côtes syriennes, établissant une zone d’exclusion tacite allant d’Iskenderoun (ex Alexandrette) en Turquie à l’extrémité Nord Liban, selon des informations concordantes recueillies tant auprès des milieux progressistes arabes de Beyrouth qu’au sein de l’opposition démocratique syrienne en Europe

L’assaut final d’Alep, imminent, devrait se conclure par une intervention télévisée du président en exercice Bachar Al Assad depuis Alep même, dans un geste symbolique destiné à saluer la réintégration de la capitale économique du pays sous l’autorité du pouvoir central, au terme de cinq ans de sédition djihadiste multicolore, selon ces mêmes informations.

Pour le lecteur arabophone

  • http://www.raialyoum.com/?p=562502

En prévision de cet assaut, destiné à créer une nouvelle réalité sur le terrain en prévision de la prise de fonction du successeur du Président Barack Obama, la Russie a doublé sa concentration militaire par une manœuvre diplomatique destinée à tenir, sous son parrainage exclusif, une conférence élargie groupant des représentants du pouvoir et de l’opposition dans ses diverses composantes.

La conférence se tiendrait à l’intérieur du territoire syrien et non hors du territoire national. Le projet initial prévoit sa tenue dans le périmètre de l’aéroport international de Damas, ou à défaut au Caire, qui a opéré un sensible rapprochement avec la Syrie, selon ces mêmes informations.

LES PRINCIPALES FIGURES DE L’OPPOSITION SOLLICITÉES.

Des contacts en ce sens ont été entrepris faits auprès des principales composantes de l’opposition syrienne, notamment:

  • Ahmad Al Jarba, ancien Président chef de la branche syrienne de la puissante confédération tribale Al Chammar, qui s’étend sur 4 pays (Syrie, Irak, Jordanie, Arabie saoudite);
  • Le comité de coordination (Hai’at al tansiq);
  • Qadri Jamil, ancien vice premier ministre démis de ses fonctions et proche de Moscou,
  • Haytham Manna, président du QAMH;
  • Moaz Al Khatib, Islamiste modéré et Premier Président de la Coalition Syrienne (CNFOR);
  • Saleh Muslem, coprésident du PYD (Parti de l’Union démocratique), principal parti kurde de Syrie, des officiers nationalistes dissidents ainsi que des hommes d’affaires de l’opposition et des opposants proches du Caire, de Moscou et Riyad.

Le comité de coordination des forces œuvrant pour le changement démocratique (hai’at al tansiq) a confirmé explicitement les informations dans un communiqué parvenu au site www.madaniya.info

«Le bureau exécutif suit avec intérêt les contacts, dispositions prises, de même que les consultations se déroulant au sein des forces progressistes attachées à un règlement politique et à un changement démocratique radical er complet» en Syrie, indique le communiqué signé du bureau de presse du comité.

«Ces démarches visent à édifier un état civique, démocratique, pluraliste, bénéficiant du régime juridique de la décentralisation administrative, précise le communiqué. Le comité apporte sa contribution à la tenue à Damas d’une conférence nationale de l’opposition en vue de constituer un rassemblement des forces démocratiques et de sauver la Syrie», conclut le communiqué.

Dans le journal al Watan (Damas 14 Novembre 2016), Fateh Jamous, de la coalition Qadri Jamil, insiste sur l’impotance des conférences préparatoires teues au niveau des gouvernorats avant de passer à la deuxième étape.

HAYTHAM MANNA, L’OPPOSANT HISTORIQUE AU RÉGIME BAASISTE

Coordinateur général adjoint de la Coordination Nationale (2011-2015), qui a rompu avec son ancienne formation pour fonder son propre mouvement QAMH (Valeurs, Citoyenneté, Droits), Haytham Manna subordonnerait sa participation à la préparation d’une conférence nationale à la libération de quatre opposants, détenus dans les geôles syriennes:

Abdel Aziz Al Khaier, dirigeant communiste, Iyas Ayash, Responsable des socialistes arabes, Maher Tahhan, Représentant de la jeunesse du mouvement pacifique, tous trois arrêtés le 20 septembre 2012, ainsi que Raja al Nasser, secrétaire général du Parti de l’Union socialiste) arrêté en Novembre 2013.

Selon le quotidien en ligne « Rai al Yom», la conférence pouvoir-opposition devrait dégager les grandes lignes d’un accord sur une nouvelle constitution, la formation d’un gouvernement d’unité nationale ainsi que la tenue d’élections législatives. http://www.raialyoum.com/?p=562502. Le groupe al Ghad, d’Ahmad al Jarba n’a pas démenti « Rai al Yom» qui attribue à son chef un rôle primordial dans la préparation de la conférence.

Pour aller plus loin

  • http://www.madaniya.info/2015/12/13/haytham-manna-president-de-lopposition-democratique-laique-syrienne/

UN MÉDIATEUR PALESTINIEN ET L’EXHORTATION DE MAHMOUD ABBAS AUX ARABES

Pour garantir le succès de son entreprise, la Russie a eu recours à un procédé inédit, déléguant ses bons offices pour l’organisation de la conférence internationale, au Docteur Anwar Abdel Hadi, Ambassadeur de Palestine à Damas, dans une démarche destinée à valoriser le rôle des Palestiniens dans le jeu diplomatique régional alors que la Palestine semble être «la grande oubliée du printemps arabe», et à inciter le Arabes et les Syriens à puiser en eux les solutions à leur problème.

  1. Abdel Hadi a effectué récemment une tournée en Europe au sein de l’opposition syrienne de la diaspora en vue de la sonder et de l’inciter à participer à cette conférence de réconciliation nationale.

Le choix d’un intercesseur palestinien justifie a posteriori les propos de Mahmoud Abbas, chef de l’autorité palestinienne, qui conseillait aux arabes de se tourner vers Moscou – et non vers l’Occident- pour récupérer leurs droits.

L’intervention massive russe en Syrie pour sauver un allié de longue date avait incité Mahmoud Abbas, dépité par le comportement des occidentaux, notamment les Américains, à exhorter les Arabes en ce termes: «Ne faites jamais confiance aux Américains. Si vous voulez récupérer vos droits, adressez-vous aux Russes», avait lancé le dirigeant palestinien exacerbé par les nouvelles requêtes américaines concernant de nouvelles concessions palestiniennes en faveur d’Israël.

Pour le lecteur arabophone, la totalité de cette déclaration sur ce lien

  • http://www.al-akhbar.com/node/202185

LA RELÉGATION DIPLOMATIQUE DE LA FRANCE

Cette éventuelle conférence se tiendrait sous le parrainage exclusif de la Russie, signant par la même la relégation définitive de la France, un des plus fébriles membres de l’Otan dans la guerre de Syrie.

Au début de la guerre, en sa qualité d’ancienne puissance mandataire, la France se positionnait en chef de file du «Groupe des pays ami de la Syrie», qui regroupait 105 pays, plaçant de surcroît à la tête de l’opposition offshore syrienne, deux bi nationaux franco syriens: Bourhan Ghalioun (Président) et Basma Kodmani (porte-parole). Près de six ans après, elle doit se contenter du statut d’«affinitaire», c’est dire la régression diplomatique française.

Pour aller plus loin sur ce sujet

  • http://www.renenaba.com/la-controverse-a-propos-de-basma-kodmani/
  • http://www.madaniya.info/2016/10/20/casques-blancs-a-lelysee-tapage-mediatique-compensatoire-a-relegation-diplomatique/

 

Le conflit au Moyen-Orient vu par un colonel russe

Observations préalables de l’AFS:

Notre ami Alain Corvez, Administrateur de l’AFS, nous transmet une interview d’un Colonel Russe du renseignement opérant en Syrie. Cet avis est intéressant mais doit être mis en perspective avec les nombreux articles que nous avons publiés mettant en relief une lecture différente de la crise en Syrie.

Quelques que soient les approches et analyses géopolitiques pour chercher à comprendre ce qui se passe en Syrie depuis près de 6 ans, l’AFS ne cessera pas d’appeler à la négociation et à la paix afin que cessent les souffrances du peuple syrien.

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 Texte de l’interview dont la traduction laisse à désirer:
> Cette situation n’est pas sans rappeler EN PARTIE , celle de l’Afghanistan dans les années 70  / 80
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>  En Syrie, nous combattons pour la Russie
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> Le conflit au Moyen-Orient vu par un colonel russe du renseignement agissant en Syrie
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> Par Vladislav Chouryguine, expert militaire russe – Le 25 août 2016 – Source old.zavtra.ru<http://old.zavtra.ru/content/view/v-sirii-myi-byomsya-za-rossiyu/>
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> La cause principale de cette opposition en Syrie, si longue et si saignante, c’est en fait l’intervention en Syrie d’une internationale terroriste créée et soutenue par tout un groupe de pays, à savoir des monarchies du Golfe avec en tête l’Arabie saoudite, le principal client du soi-disant Printemps arabe, ce projet géopolitique de la dynastie des Séouds, à savoir le repartage wahhabo-salafiste du Grand Moyen-Orient réalisé depuis plus de quarante ans par les Saoudiens, leurs alliés du Qatar et la Turquie islamiste d’Erdogan qui s’y est jointe ces dernières années.
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> Après les tentatives échouées des années 1960 de rassembler l’Orient arabe et l’Afrique du Nord dans une formation géopolitique unie sous le drapeau du parti socialiste panarabe Baas, auxquelles la dynastie saoudite s’est opposée avec rage, y voyant une menace à son existence, Riyad lui-même s’est mis à l’unification du Moyen-Orient, mais sous son propre protectorat cette fois-ci.
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> Dans le cadre de ce plan, les Saoudiens ont établi, depuis le début des années 1970, des relations on ne peut plus étroites avec les États-Unis, en jouant le rôle d’alliés prodigues et généreux des Étasuniens au Moyen-Orient et prêts à les suivre partout. Deux générations de politiciens et diplomates étasuniens ont grandi grâce aux investissements et pots de vin de plusieurs milliards de dollars saoudiens. Avec leur soutien et par leurs propres actions, les Saoudiens, dans les années 1990-2000, ont d’abord affaibli et isolé, puis « nettoyé » les régimes laïques les plus puissants du Moyen-Orient, l’Irak et la Libye, et éliminé le parti Baas en tant qu’adversaire géopolitique.
>

> L’étape suivante de l’expansion saoudite a commencé par le soi-disant «Printemps arabe» durant lequel des détachements et des armées entières d’extrémistes alimentés par l’argent de l’Arabie saoudite ont entrepris leur marche victorieuse à travers le Moyen-Orient en s’emparant des pays l’un après l’autre. L’Arabie saoudite et le Qatar sont les sponsors et les curateurs principaux de Daesh comme d’al-Nosra, cette fameuse al-Qaïda, ainsi que de tout un peloton de groupements terroristes de toute sorte.
>

> Les États-Unis ont soutenu ce plan d’une manière on ne peut plus active, ayant cru aux promesses des Saoudiens de «modeler» cette région clé selon les intérêts étasuniens, ce qui s’inscrivait parfaitement dans le projet géopolitique des États-Unis visant à mettre sous leur contrôle total le «robinet» pétrolier principal de la planète.
>

> Mais le plan des Saoudiens a très rapidement échoué. Leur progression vers un califat mondial a suscité l’opposition stricte de l’autre pôle du monde arabe, l’Iran chiite, qui a vu dans cette expansion une menace directe à son existence même. Tous les pays occupés par des forces saoudiennes ont vu apparaître des manifestations chiites, très vite transformées en opposition armée. Un autre échec du plan a eu lieu en Égypte, où les curateurs étasuniens, apeurés par une revanche brusque des islamistes, ont éliminé le groupement pro-saoudien de Morsi par l’intervention des militaires égyptiens. Ensuite le Drang nach Osten de Riyad a dérapé définitivement en Syrie, quand le gouvernement d’Assad a été soutenu par l’Iran puis par la Russie.
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> La position de Riyad a été affaiblie encore davantage par le soutien iranien des chiites en Irak qui, ayant pris le pouvoir, repoussent peu à peu Daesh de plus en plus loin dans le désert.
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> Après la levée des sanctions contre lui, l’Iran sort activement de l’isolement politique, démontrant de plus en plus clairement sa volonté de prendre part, avec détermination, au processus du repartage du Moyen-Orient et de faire valoir ses intérêts nationaux.
>

> Nous sommes en présence d’une crise systémique où l’Arabie saoudite, n’ayant visiblement pas mesuré ses forces, s’est avérée incapable d’appliquer son plan géopolitique de s’emparer du Grand Moyen Orient.
>

> Afin de se tirer de cette impasse, les princes saoudites essaient de transformer la guerre anti-Assad en Syrie – devenue sans perspective – en guerre de tous les sunnites contre les kouffar, les mécréants, en tentant de faire passer pour tels l’Iran et la Russie, une guerre dans laquelle les Saoudiens se réservent le rôle des défenseurs de la foi, des Saladins contemporains.
>

> Sans l’Arabie saoudite, cette «matrice» du terrorisme, la guerre contre les islamistes serait depuis longtemps devenue une affaire locale des gouvernements des pays atteints. Mais le soutien financier, militaire et pratique des radicaux islamistes par les Saoudiens et les Qataris rend cette hémorragie chronique.
>

> La Syrie actuelle est devenue en fait le champ de bataille global de trois projets géopolitiques, à savoir saoudo-salafiste, iranien et étasunien. Curieusement, la Russie paraît demeurer le seul pays [Protection de son ventre mou ??, NdT] qui, tout en prenant une part active au conflit, ne réalise pas ici son propre projet géopolitique, mais ne fait que défendre ses intérêts nationaux. Les intérêts de la Chine sont encore moins visibles ici [Route de la soie ??, NdT], elle observe attentivement la lutte, selon le principe chinois ancien, comme un singe observant depuis sa montagne un combat de tigres…
>

> La Turquie, c’est un sujet à part. Il y a quelques années, les intérêts d’Erdogan, des Saoudiens et des Qataris dans la question syrienne ont coïncidé. À l’époque le «Printemps arabe» faisait rage. Des régimes tout-puissants tombaient les uns après les autres : la Tunisie, l’Égypte, le Yémen, la Libye… Des partis et des groupements islamistes y prenaient le pouvoir. Le tour de la Syrie était venu. Toute une concession, composée de l’Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, s’était formée pour son partage. Chacun des concessionnaires avait ses propres prétentions envers le gouvernement de Bachar el-Assad, avides qu’ils étaient de détacher de la Syrie des morceaux tentants tout en se renforçant par ce partage.
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> Pour le Qatar et l’Arabie saoudite le territoire de la Syrie est un corridor de transport pour des nouveaux oléoducs et gazoducs, ainsi que le contrôle de Damas, l’un des centres mystiques principaux du Moyen-Orient, dont la prise par Daesh aurait signifié une montée au niveau quasi-étatique et un affermissement définitif de son rôle de leader de la renaissance islamique. Pour les Turcs, le contrôle des provinces du nord de la Syrie et d’Alep aurait signifié une victoire stratégique dans sa guerre demi-séculaire contre les Kurdes – le mal de tête principal de la Turquie – qui se seraient trouvés dans l’isolement complet, coincés entre les Turcs et Daesh. Voilà comment la coalition irréconciliable anti-Assad est née.
>

> Mais bientôt la divergence des buts entre les Saoudiens et les Turcs s’est manifestée. Les princes saoudiens bâtissent un califat wahhabite mondial qui devrait réunir tous les sunnites sous son drapeau noir, tandis que la Turquie aspire à élever son influence jusqu’au niveau d’une puissance régionale. Erdogan, tout en restant islamiste, n’est pas un fanatique religieux et ne voit guère la Turquie en tant que partie d’un califat saoudite. Son but est de moderniser la Turquie en empire indépendant Osman du XXIe siècle.
>

> Tandis que pour les Saoudiens une marche arrière est impossible, Daesh étant impliqué dans la guerre implacable contre le monde entier et des centaines de milliards de dollars de l’Arabie saoudite et du Qatar y étant déjà investis, pour Erdogan tout semble encore possible. 
>

> Pendant deux années la Turquie a essayé de manœuvrer entre les centres de force mondiaux, en cherchant l’appui tantôt auprès des États-Unis, tantôt auprès de l’Allemagne, tantôt auprès de la Russie. Pourtant les Étasuniens, comme les Européens, n’ont pas manifesté d’intérêt à rapprocher  la Turquie, tout en la laissant dans l’antichambre de l’UE à laquelle la Turquie aspirait tant à adhérer. 
>

> Les partenaires d’hier dans la coalition anti-Assad, mécontents de l’incohérence d’Erdogan, ont frappé ostensiblement l’aéroport d’Istanbul, ce qui était une « marque noire » adressée à Erdogan pour lui faire comprendre qu’il pourrait bien emboîter le pas à Hussein, Kadhafi et Assad et, après eux, être déclaré hors la loi s’il continuait à mener sa politique ambiguë, et pour démontrer leur empressement à étendre le djihad au territoire turc. En même temps un putsch militaire a été provoqué à Ankara et à Istanbul, visant au renversement d’Erdogan et au rétablissement du modèle «traditionnel» de gestion de la Turquie, à savoir du régime laïque sous le protectorat de l’armée. Il est évident que les Étasuniens possédant des possibilités énormes de renseignement dans cette région clé ne pouvaient pas ignorer un putsch en préparation et peut-être se trouvaient derrière ses organisateurs, si l’on considère les liens solides entre l’administration militaire turque et les états-majors américains. Néanmoins ils n’ont pas prévenu Erdogan du putsch en préparation et de ce fait se sont solidarisés avec les rebelles à ses yeux.
>

> Dans cette situation Erdogan a décidé de rétablir manifestement ses relations avec la Russie, malgré le fait de les avoir rompues définitivement il y a un an en abattant le bombardier russe. Cette volte-face de la Turquie ne peut pas ne pas susciter une inquiétude extrême chez les Étasuniens, qui comprennent très bien que le rapprochement éventuel entre la Russie et la Turquie deviendra la menace la plus sérieuse à leurs plans géopolitiques pour cette région. Il est évident que les Étasuniens cherchent fébrilement des moyens d’y faire obstacle, mais ils n’ont pas de possibilités réelles. En tout cas, l’administration d’Obama ne les a pas. Il ne leur reste qu’une mesure extrême, celle de l’élimination physique d’Erdogan. Mais après le putsch récent ce serait très difficile…
>

> Évidemment la Syrie est devenue une véritable écharde qui attire vers elle tout le pus du radicalisme islamiste. Qui n’a-t-on pas rencontré ici ? Il y a des Arabes, des Afghans, des Malaysiens, des Ouzbeks, des Kirghizes, des Ouïgours, des Caucasiens de Russie, des Africains, des Turcs, des Pakistanais, des Étasuniens, des Européens. Quels passeports n’a-t-on pas cueilli sur les cadavres ? On peut en faire toute une collection de tous continents, sauf peut-être l’Antarctique. Toute la basse pègre mondiale afflue ici comme dans une warzone où il est permis de tout faire : tuer, piller, violer, torturer, martyriser, exécuter par des procédés les plus sadiques. Et les soi-disant «combattants» se pervertissent en leurs fantaisies sanglantes : des décapitations, des incinérations, des immersions, des démembrements collectifs. Ils organisent des vrais spectacles de la mort, aux rituels et à la mise en scène minutieusement réfléchis. Cette cruauté devrait, selon eux, priver leurs adversaires de toute volonté de résistance, les démoraliser et les paralyser.
>

> Il faut dire que les chefs des radicaux, connaissant bien la valeur de leur matériel humain, ne se gênent guère avec lui. La mort est la seule punition admise ici. On tue pour tout. Le degré de punition ne diffère que par le procédé du meurtre. Pour la lâcheté, pour «l’espionnage» (c’est le «complexe» principal des soldats de l’Islam, le soupçon permanent de tous d’espionnage et de trahison), pour la non-exécution d’un ordre, pour des erreurs et des échecs. De sorte qu’une fois la frontière syrienne traversée, le combattant est poussé en avant par les transes de la mort, qu’il noie dans une atrocité envers tout ce qui n’est pas partisan de l’islamisme. Ce sont de vrais zombies ! Et il est impossible de comprendre s’ils sont mûs par leur foi fanatique ou par leur peur de recevoir la mort de la main de leurs confrères.
>

> C’est pourquoi il est si facile d’enrôler ici des chahîds suicidaires. Maintes fois nous les avons capturés vifs, donc nous sommes au courant du mécanisme de cet enrôlement. C’est qu’en fait il n’existe pas ! On prend simplement des combattants ordinaires, pour la plupart des recrues jeunes et sans l’instruction nécessaire, et on leur annonce une volonté suprême, à savoir accepter le destin du chahîd. Si tu n’acceptes pas, une mort douloureuse dans une mise en scène sanglante de plus t’attend en tant que poltron et traître. Tout le monde est au courant de tels spectacles, car des exécutions publiques sont effectuées régulièrement dans des localités plus ou moins peuplées, occupées par des islamistes, dans le but d’effrayer les leurs et de maintenir la population locale dans une soumission servile. Donc la recrue peut choisir entre l’éparpillement instantané dans l’explosion ou les tortures suivies d’une longue mise à mort. D’habitude on choisit la première solution. 
>

> Ensuite on se met à préparer le chahîd : des prédicateurs spéciaux l’imbibent pendant des semaines de récits sur l’exploit suicidaire pour la foi ; on le nourrit bien ; on lui amène des femmes, pour la plupart des esclaves captives, tout en lui promettant davantage de vierges dans les cieux ; on lui fournit souvent de la drogue, pas du tout interdite pour un vrai chahîd. De sorte qu’à la veille d’une attaque on a à sa disposition tout un détachement de chahîds tenus, jusqu’à leur «utilisation», séparément d’autres combattants, en fait en situation de prisonniers sous la garde de bandits expérimentés. Juste avant le combat, on leur annonce que leurs proches recevront une aide généreuse s’ils accomplissent leur devoir, ou qu’ils seront tués s’ils flanchent. Ensuite on les met au volant d’un camion bourré d’explosifs, aux leviers d’une BMP pleine d’obus ou bien on leur met une ceinture de chahîd – et en avant ! Allahou akbar ! Ces attaques de kamikazes sont le know how militaire principal des islamistes.
>

> La plus grande illusion des philistins éloignés du sujet, c’est que toute la Syrie serait divisée sur le principe religieux. Selon eux, tous les sunnites seraient pour les islamistes, tandis que les chrétiens, les alaouites, les Kurdes et les chiites seraient pour le Damas officiel. 
>

> Et que nous soutiendrions ceux qui sont en minorité. Un délire d’ignorant ! Les 90 % de la population de la Syrie actuelle sont tout simplement pris de peur tripale pour leur existence même et haïssent ceux qui ont fait dérailler leur vie paisible d’autrefois. Il suffit de visiter une seule fois un village sunnite libéré des islamistes pour voir des larmes aux yeux des gens que l’on vient de tirer littéralement de l’enfer. Il faut voir avec quel bonheur ils rasent leurs barbes détestées et se changent pour mettre un costume civil ordinaire, comment ils se redressent au sens propre du mot et comment ils reviennent à eux après le cauchemar.
>

> Peut-on vaincre en Syrie ? C’est une question épineuse.
>

> Si une telle tâche était fixée à l’armée russe, je crois qu’elle serait résolue en deux mois environ. 
>

> Tandis qu’au plan tactique les combattants sont persévérants et fermes, combattent à mort pour chaque mètre, aux plans opérationnel et stratégique leurs actions ne sont qu’un ensemble de coups locaux, avec un manque total d’armements modernes. Les combattants ont des commandants expérimentés, capables de planifier et de porter des frappes imprévues, ils ont de bons éclaireurs, mais pour une résistance sérieuse, ils n’ont pas de moyens.
>

> Le fait est que l’armée russe ne mène pas de guerre ici. Nous n’effectuons qu’un soutien aérien de l’armée syrienne et des milices populaires. Et ça, c’est un niveau tout à fait différent d’une participation militaire.
>

> L’armée syrienne actuelle, c’est une équipe de sapeurs-pompiers qui se jette de tous côtés pour parer des attaques de terroristes. Elle n’a pas de forces pour agir d’un coup et partout. Les trois ans de guerre ont épuisé dramatiquement ses ressources humaines. C’est pourquoi ces ressources sont de plus en plus compensées par l’aide de chiites iraniens et libanais…
>

> À part cela, comme j’ai déjà dit, il sera très difficile de mettre fin à la guerre sans avoir résolu le problème du sponsor principal des terroristes, l’Arabie saoudite. Si à chaque attaque des terroristes nous répondions par la destruction d’un palais de princes saoudiens au moyen des bombes et des missiles, la guerre finirait très vite. Mais ils se sentent en sûreté sous le protectorat étasunien de longue date. Et personne ne se décide à les accuser directement d’avoir déchaîné la grande guerre du Moyen-Orient.
>

> Aujourd’hui nous visons à scinder la coalition anti-Assad en certains islamistes modérés prêts à dialoguer avec le pouvoir et en irréconciliables également inacceptables pour tous : pour les Étasuniens, pour les Iraniens et pour nous-mêmes. 
>

> Ce processus est en progression, mais très lent et patinant affreusement. En premier lieu, c’est conditionné par la conduite des Étasuniens qui, menant soi-disant la guerre contre Daesh, ne font plutôt que la simuler tout en se concentrant sur une autre tâche, à savoir le renforcement et le soutien des islamistes modérés de toute sorte qui mènent la guerre contre Assad. En fait les Étasuniens sont occupés à repousser la Russie d’ici, et pas à vaincre Daesh. 
>

> Il suffit de regarder les statistiques de leurs frappes aériennes sur les terroristes en Syrie et les comparer à celles en Irak durant la guerre du Golfe ou à celles en Libye, sur les troupes fidèles à Kadhafi.
>

> Avec cela la communauté internationale ne prête pas attention, pour des raisons inconnues, au fait que les États-Unis, à l’égal de Daesh, prennent part à l’occupation de la Syrie, ayant déployé ses détachements dans les régions nord-ouest du pays sans aucun consentement du Damas officiel.
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> Peut-être quelque chose changera-t-il après les élections aux États-Unis, au cas où les Républicains, avec leur aversion prononcée pour le radicalisme islamiste, l’emportent. Mais c’est une question du futur éloigné.
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> C’est pourquoi nous menons ici des opérations sans nous imposer la tâche de vaincre. Aujourd’hui nous exterminons méthodiquement la lie radicale islamiste internationale afin de ne pas lui permettre de se précipiter vers nos frontières, sur notre terre – l’intention que les leaders des islamistes ne dissimulent guère. Et ceux de nous qui disent aujourd’hui que nous n’avons rien à faire en Syrie et que Daesh ne nous menace aucunement, soit biaisent, soit ignorent les faits. Il y a quatre ans, les leaders des radicaux ont déclaré nettement que leur but suivant après la Syrie, c’est l’Asie centrale, le Caucase et les régions islamiques de Russie. Et nous n’avons pas à négliger ces menaces.
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> En Syrie nous combattons pour la Russie !
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> Traduit par Roman Garev, relu par Catherine pour le Saker francophone
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Donald Trump élu Président des Etats-Unis: incertitude

Donald Trump élu Président des États-Unis, est-ce une bonne ou mauvaise nouvelle pour la Syrie.

Pour sortir du chaos, il faut une stabilité dans les politiques, russe et américaine.

Le point positif serait de voir se rapprocher ces positions, mais pour cela il faut de la maturité politique et le moins que l’on puisse dire c’est que Donald Trump, au travers de sa campagne électorale, a montré qu’il en était totalement dépourvu.

Son inexpérience politique peut conduire à une catastrophe, mais il n’est pas interdit de penser qu’il saura bien s’entourer pour compenser son manque de compétence.

Son entourage aura ainsi une influence déterminante, mais si ce sont les faucons du parti républicain cela sera une très mauvaise nouvelle pour les relations Américano-Russe, si au contraire se sont des partisans d’une collaboration active avec la Russie, la Syrie et les Syriens pourront en bénéficier.

Nous souhaitons en conséquence que l’élection de Donald Trump ne soit pas une mauvaise nouvelle pour le Moyen-Orient et en particulier pour la Syrie.

Guerre en Syrie : qui sont les responsables de la tragédie ?

L’AFS soucieuse de respecter la pluralité des opinions sur les responsabilités en Syrie publie cet interview de Ziad Majed qui affiche clairement son parti-pris pour la rébellion armée syrienne même si elle a parti lié avec les djihadistes qui refusent toute idée d’une Syrie démocratique.

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Moscou et Damas ont annoncé avoir arrêté leurs raids aériens au-dessus d’Alep. Mais, pour le politologue franco-libanais Ziad Majed, il demeure que le régime de Damas et la Russie mènent un «lent génocide» dans les zones rebelles.

Source : Guerre en Syrie : qui sont les responsables de la tragédie ?

Pour Adonis, l’important, ce sont les aboutissements des révolutions et non leurs commencements.

dimanche 23 octobre 2016

Quelle est cette révolution qui prend pour ennemi une statue, un musée, ou une ethnie, cherchant à l’exterminer ?

Adonis

Je pense que personne n’a marqué de réticence à défendre ou soutenir les mouvements arabes pour le changement. (…) Néanmoins, ce que je reproche à ces mouvements, c’est l’absence de projet, préalable à tout véritable changement, non pas seulement un renversement du pouvoir, mais une mutation de la société tout entière, de ses idées et de sa culture. Or nous avons constaté que cet éclatement, ce bouleversement, ne s’était structuré autour d’aucun discours culturel novateur, et que son caractère général était religieux. Nous avons également remarqué que son projet politique misait sur le retour inéluctable à des principes abandonnés, et qui sont, d’une manière ou d’une autre, des principes religieux.
Si nous excluons Le Caire et Tunis, il ne s’est pas déclenché de véritable mouvement populaire et organique, dans le sens d’un bouleversement résultant de causes internes. Les éclatements qui ont suivi étaient plus d’ordre externe qu’interne. Notons par ailleurs la transformation de ces mouvements en factions armées et violentes, ouvrant la brèche à l’intrusion d’éléments extérieurs, de mercenaires venus occuper le terrain. L’observation de ces détails est importante, si nous voulons établir leur relation avec l’histoire arabe. En résumé, le motif sous-jacent de ce bouleversement était le seul pouvoir, son but étant de changer le régime, sans porter aucun projet global. Or, tout au long de l’histoire des révolutions, nul n’a jamais été témoin d’un projet de libération survenant de l’extérieur ; les mouvements arabes sont donc basés sur le suivisme, d’une manière ou d’une autre. Et aujourd’hui, les pays arabes semblent être plus que jamais dépendants de l’extérieur.
(…) Si nous examinons l’histoire arabe et les textes religieux, le texte coranique en particulier, nous constatons que la conception islamique de l’homme et du monde, comme elle a prévalu et telle qu’elle s’est institutionnalisée, est fondée sur quelques éléments immuables : en premier lieu, Mohammed est le Prophète ultime, nul autre ne viendra après lui ; en second lieu, les faits et principes véhiculés par la prophétie mahométane, dans tout ce qui se rapporte au religieux et au spirituel, mais aussi les valeurs qui en découlent, c’est-à-dire la morale et l’éthique, sont des vérités immuables qui ne peuvent être contestées ; enfin, l’islam abolit ce qui le précède, et abolit donc obligatoirement ce qui le suit. Ainsi, l’individu ne peut s’arroger le droit d’amender, de modifier, d’ajouter ou de supprimer, et sa liberté se limite à obéir et à exécuter. Ce qui signifie que l’individu existe dans un monde clos, qui n’éprouve pas la nécessité d’une évolution. (…) Le temps, dans cette vision, n’inclut pas l’avenir, il ne consiste qu’en une perpétuelle pratique d’ancrage dans les racines qui sont à l’origine de notre formation intellectuelle et spirituelle. Par conséquent, nous ne pouvons déchiffrer aucune notion de progrès dans l’ensemble de l’histoire islamique. La liberté n’existe pas dans cette vision du monde, le concept même de liberté lui est étranger ; la liberté de l’individu se réduit à sa liberté d’être un musulman et de pratiquer l’islam, et précisément l’islam qui a toujours prévalu.
(…) L’important, ce sont les aboutissements des révolutions et non leurs commencements. Bien sûr, il existe des exceptions. Mais en Syrie, par exemple, un tiers de la population a émigré. Et quand un peuple persiste à s’expatrier, on ne peut continuer à le définir comme un peuple révolutionnaire. Ce peuple dont on parle et qu’on espère voir se révolter, ce n’est pas lui qui s’est révolté. La Syrie en est la preuve flagrante. Et pourtant nous sommes tous, moi-même tout autant et plus que tous, pour le changement des régimes. Mais nous devons comprendre ce qui se passe. En peu de mots, je peux affirmer que ce ne sont pas du tout les régimes qui ont été pris pour cible. Ils n’ont été qu’un prétexte, puisque l’objectif principal était de détruire le pays par l’intermédiaire des puissances étrangères. Ce qui se trame en Syrie s’est déjà produit ailleurs, avec la destruction du régime irakien, ou celle du régime libyen. Comment la conjonction des forces réactionnaires et des puissances étrangères pourraient-elles mener une révolution ? Y a-t-il jamais eu dans le monde, à quelque période de l’histoire que ce soit, une révolution qui ait été menée par des réactionnaires et des agents au service de l’étranger ?
(…) La politique américaine n’a nulle part démontré qu’elle avait soutenu des peuples réduits à l’impuissance, ou dont le destin avait été hypothéqué, pour les affranchir ou les aider à s’affranchir. L’Amérique reste le premier pays à avoir utilisé la bombe atomique contre des êtres humains. Et le système américain lui-même n’a-t-il pas été établi sur l’extermination de tout un peuple : les Amérindiens ? Et pourtant, les « rebelles » arabes sont épris de l’Amérique. Ce qui se passe dans le monde arabe est absurde. En Libye par exemple, et même si nous tous étions pour la chute de Kadhafi, qu’est-ce qui justifie la destruction d’un pays tout entier ? Il en va de même pour l’Irak et la Syrie. Quelle est cette révolution qui prend pour ennemi une statue, un musée, ou une ethnie comme les Yézidis, cherchant à l’exterminer ?
Aujourd’hui, dans la tourmente de la révolution, elle qui devrait s’ouvrir tel un champ de liberté et résonner comme un hymne à la libération des peuples, nous découvrons que le penseur est plus exposé au danger qu’il ne l’était du temps de la tyrannie. Comment cela est-il possible ? Si l’être qui pense n’est pas libre de se mouvoir, de clamer son opinion ou de transmettre sa pensée en période de révolution, comment serons-nous encore capables de penser ?

La guerre de la communication après l’échec sur les résolutions à l’ONU

Nous avons estimé intéressant de procéder à une analyse comparative de certains articles parus dernièrement sur l’échec de l’accord des membres du Conseils de sécurité sur l’adoption d’une résolution en vue d’un cessez le feu et des conséquences notamment sur les relations entre la France et la Russie.

Nous avons publié in extenso l’article du Monde à défaut d’avoir un lien renvoyant à cet article.

La diplomatie explosive de Riyad

 Un méchant vent de sable souffle sur l’Arabie saoudite. Il vient de l’Ouest. Le royaume inspire une défiance croissante à ses amis occidentaux. Le mariage, économique et militaire, entre Washington et Riyad reste un des piliers de  » l’équilibre  » géopolitique au Moyen-Orient. Mais il est chaque jour un peu plus chahuté. Glissement progressif vers une lente séparation ? Sans doute pas, ou pas encore. Détérioration sans précédent de l’ambiance entre la maison des Saoud et son protecteur américain ? Assurément. C’est l’une des évolutions stratégiques profondes dans la région.

Mercredi 12  octobre, le New York Times appelait l’administration Obama à cesser d’être complice des atrocités commises au Yémen. Avec l’appui politique et la logistique militaire des Etats-Unis, l’Arabie saoudite bombarde la capitale yéménite, Aden. Un tiers des raids, au moins, disent nombre d’observateurs internationaux, visent la population civile. Si les frappes menées par l’aviation russe contre la ville d’Alep en Syrie relèvent du  » crime de guerre « , il en va de même de celles conduites par nos amis saoudiens au Yémen.

Depuis un an et demi, Riyad s’efforce sans succès de réduire l’insurrection de tribus houthistes au Yémen, au prétexte qu’elles sont soutenues par la République islamique d’Iran – l’ennemie des Saoud. Washington a donné son aval à cette mini-guerre régionale. Mais la grogne monte aux Etats-Unis, au Congrès notamment, à mesure que défilent des images aussi insoutenables que celles d’Alep : corps déchiquetés dans les décombres d’immeubles fauchés par les bombes saoudiennes.

Quelques jours plus tôt, le même Congrès votait une loi d’exception destinée à permettre aux familles des victimes du 11  septembre 2001 de poursuivre Riyad, au motif que quinze des dix-neuf auteurs des attentats étaient des ressortissants saoudiens. Il n’y a pas si longtemps, le Congrès passait pour l’un des piliers de l’alliance amé-ricano-saoudienne. «  Les temps changent… « , chantait Bob Dylan. Sur fond d’autonomie énergétique de mieux en mieux assurée, les Etats-Unis mènent dans la région une politique que l’Arabie saoudite juge contraire à ses intérêts : renversement en  2003 de l’Irakien Saddam Hussein, qui tenait l’Iran en respect ; sympathie affichée à l’égard des  » printemps arabes  » ; passivité, au mieux, dans la lutte pour le renversement du Syrien Bachar Al-Assad, l’un des pions de l’expansionnisme perse en terres arabes ; enfin, rapprochement esquissé, justement, vers l’Iran, ce concurrent du royaume pour la prépondérance régionale.

Quelque chose s’est cassé dans l’union baroque conclue en  1945 entre Ibn Saoud et Franklin Roosevelt : j’assure ton pétrole, tu garantis ma sécurité. Mais quoi ? Réponse : le 11  septembre 2001 – et la lente prise de conscience du rôle joué par le royaume dans la dif-fusion d’une version radicale de l’islam, qui est l’une des matrices idéologiques du terrorisme djihadiste. Agrégé d’histoire, -ancien haut fonctionnaire, essayiste, Pierre Conesa décrypte fort bien cette histoire dans son dernier -livre : Dr Saoud et Mr Djihad, la -diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite (Robert Laffont, 306 p., 20  euros, préface d’Hubert -Védrine).

L’Arabie saoudite est née de l’alliance scellée à la fin du XVIIIe  siècle entre la famille des Saoud et celle des Al-Shaikh. Pour assurer leur domination militaire et politique sur le pays, les Saoud sont en quête de légitimité religieuse. La tribu des Al-Shaikh va la leur fournir : elle abrite en son sein l’un des plus grands -prédicateurs de l’époque, Abdel Wahab, partisan d’un retour à ce qu’il croit être l’islam des ori-gines. Cette version de l’islam – brutale, haineuse, into-lérante – sera le brevet de légitimité intérieure des Saoud et leur passeport de légitimité extérieure dans le monde arabo-musulman.

Apprenti sorcierDonnant-donnant : les Saoud veulent assurer leur pouvoir temporel ; les oulémas wahhabites désirent propager leur interprétation de l’islam sunnite. Le prosélytisme religieux fait partie de l’ADN du royaume. Chaque fois que la famille régnante éprouve un besoin de relégitimation, elle fait des concessions aux oulémas. Au fil des ans, et de la hausse du prix du pétrole, ceux-là sont dotés des instruments d’une formidable diplomatie religieuse.

Elle est organisée en réseaux, -explique Conesa :  » Sans être totalement contrôlée au plus haut niveau de l’Etat « , elle est soutenue par lui,  » elle associe l’action publique et celle de fondations privées « . L’auteur décrit par le détail cette machine à distribuer des bourses, de l’argent, à construire des mosquées, payer des imams, faire de l’humanitaire, édifier des universités – l’ensemble au service d’un objectif : essaimer leur version de l’islam sunnite.

L’ambition des oulémas du royaume est planétaire : le monde arabe, l’Afrique, l’Asie et l’Europe de nos banlieues sont visés. Tout -allait bien tant que le wahhabisme servait, durant la guerre froide, à contrer le nationalisme arabe, tiers-mondiste et socialisant, ou, plus tard, les visées expansionnistes – réelles – de l’islam chiite révolutionnaire iranien, ou encore à entretenir la lutte contre l’URSS en Afghanistan. Mais, par une lente maturation souterraine, le wahhabisme va aussi être l’un des éléments de la folie meurtrière djihadiste. Apprenti sorcier, le royaume lui-même n’est pas épargné. Il a joué, il joue, avec le djihadisme pour s’opposer à ce qu’il perçoit comme une offensive de l’Iran chiite contre le monde sunnite.

Entre Washington, l’Europe et leur allié saoudien, les contrats d’armements sont toujours ver-tigineux, les relations financières aussi denses. Mais la responsabilité de Riyad dans la propagation du cancer wahhabite suscite une défiance croissante. Elle mine, doucement, la relation avec les Occidentaux.

par Alain Frachon

© Le Monde
-Comparer avec cet autre article publié par le blog Madaniya de René Naba

http://www.madaniya.info/2016/10/13/france-syrie-riposte-russe/

-et puis avec cet autre article publié dans Libération sous la signature notamment de Hala Kodmani.

 Alep : les intox des avocats de la Russie

Retrouvez cet article sur le site de Libération : http://www.liberation.fr/planete/2016/10/12/alep-les-intox-des-avocats-de-la-russie_1521580

Vous pourrez ainsi comparer et vous faire votre propre opinion. L’AFS quant à elle ne prend pas position à raison de son engagement de neutralité mais appelle à la cohérence politique de la France et des puissances occidentales pour arriver à une vrai dialogue pour sortir de cette guerre atroce.

Ces articles sont également à rapprocher de celui notre amie Caroline Galactéros dont la rigueur dans son analyse géopolitique n’est plus à démonter sachant qu’une telle analyse n’a pas oublié le massacre de la population d’ALEP-Est prise au piège des djihadistes. et des bombardements.

Dîner Annuel de l’AFS du 1er octobre 2016

Le Président Fayez Hoche, Le Président Patrice Mouchon

Le Président Fayez Hoche, Le Président Patrice Mouchon

Le dîner annuel de l’AFS, organisé cette année conjointement avec l’Association Médicale Franco-Syrienne a eu le 1er octobre 2016 au restaurant Al Dar près de Nôtre Dame à Paris.

Plus de 90 personnes des deux associations étaient présentes

Ce fût un moment de grande de convivialité.

Cette soirée a commencé par une intervention  du Président Fayez Hoche et du Président Patrice Mouchon suivie d’une présentation de Madame Caroline Galactéros spécialiste de géopolitique et d’intelligence stratégique, sur la situation en Syrie et les différentes positions des grandes puissances à la veille d’une négociation sur un projet de résolution devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

La décision de Vladimir Poutine humilie la diplomatie française

Caroline Galactéros au Dîner annuel de l'AFS du 1er octobre 2016

Caroline Galactéros au Dîner annuel de l’AFS du 1er octobre 2016

Nous vous conseillons de lire l’article publié par notre amie Caroline Galactéros, membre de l’Association d’Amitié France-Syrie qui analyse d’une manière lucide et sévère la position diplomatique de la France.

Dans le cadre de la poursuite de la recherche de la vérité sur la guerre en Syrie, et sur les responsabilités, nous nous efforçons de publier des analyses les plus objectives pour permettre à nos adhérents et sympathisants de suivre et de comprendre l’évolution de la situation en Syrie d’une complexité extrême.

Lors de notre dernier dîner annuel, le 1er octobre 2016 l’intervention de Caroline Galactéros avait été chaleureusement applaudie par nos amis Syriens d’opinions diverses.

Source : FIGAROVOX – « La décision de Vladimir Poutine humilie la diplomatie française » – Bouger les lignes.