L’un des plus anciens monuments (temple araméen puis grec, église byzantine, mosquée) et des plus prestigieux de l’architecture musulmane. Les mosaïques, l’un des joyaux du patrimoine mondial, sont reproduites dans leur intégralité.
Édifiée par le sixième calife omeyyade, le conquérant al-Walid (705-715), pour la plus grande gloire de l’islam, de la dynastie et de sa personne, sur l’emplacement d’un ancien temple païen d’Hadad-Jupiter devenu église depuis Théodose, la grande mosquée de Damas fut d’emblée considérée comme l’une des merveilles du monde, surpassant en beauté et en majesté toutes les créations du calife et de son père, ‘Abd al-Malik, à Jérusalem (Dôme du Rocher, mosquée al-Aqsa) ou à Médine.
Géographes, historiens, voyageurs : al-Idrisi, Benjamin de Tudèle, Ibn Battuta, Ibn Khaldun, rivalisèrent de superlatifs pour en louer le caractère unique; jusqu’à cet ambassadeur de Byzance qui, selon la chronique, tomba évanoui en découvrant l’intérieur de la salle de prière! Cette universelle admiration tient d’abord à l’ampleur de ses dimensions et à l’audace de sa conception architecturale, tranchant avec celle des mosquées précédentes pour mieux rivaliser avec les plus fameuses églises de la Syrie.
L’immense salle de prière, désormais séparée de la cour par une façade monumentale, adopte le plan basilical d’inspiration antique et se développe de part et d’autre d’un « transept » médian, déployant ses colonnes de marbre à chapiteaux corinthiens, reliées par des arcs outrepassés selon la tradition byzantine. La coupole à tambour octogonal, les trois minarets, la cour pavée de marbre blanc, entourée de piliers et de colonnes alternées, les portes ouvragées, la Maison de l’argent (Bayt al-Mal), de structure octogonale, elle aussi, et construite selon la technique byzantine: tout porte la marque d’un grandiose dessein.
Mais la merveille des merveilles, ce sont les mosaïques. En grande partie détruites par l’incendie de 1893, elles ornaient originairement les murs de la salle de prière et des vestibules, les murs de fond des portiques ainsi que tous les piliers. Un grand panneau, redécouvert en 1927 sur le mur du portique ouest et restauré depuis, est à lui seul un chef-d’oeuvre artistique absolu. La richesse chromatique, incluant une gamme de quarante tons :douze verts, neuf bleus, cinq violets, plusieurs tons d’or et d’argent, est accentuée par les incrustations de nacre illustrant la lumière, symbolique, des lampes omniprésentes dans le décor.
L’univers entier est représenté en ce lieu qui s’affirme le centre du monde : la luxuriance d’une nature souvent qualifiée de « paradisiaque » ; la théâtralité des architectures de villes et de palais qui rappellent les plus glorieuses créations de Rome et de Byzance, à Pompéi, à Boscoreale, à Sainte-Marie-Majeure, à Saint-Georges de Salonique, au Grand Palais des empereurs de Constantinople. Livre de splendeurs, d’érudition aussi.
L’auteur relate en détail, citant chacune des sources, la lente redécouverte par l’Occident d’un lieu dont il était exclu et dont il refusa longtemps, jusqu’au milieu du siècle dernier, d’attribuer la création à l’islam, prétendant que la mosquée n’était rien d’autre que l’ancienne basilique chrétienne. Ainsi, le livre participe-t-il de l’incessant mouvement de reconstruction et de restauration qui, au fil des siècles et de leurs catastrophes, séismes et incendies, rétablit dans sa gloire l’unique, la sans pareille mosquée des Omeyyades.