Interview de Fabrice Balanche à l’AFP version originale en anglais
Les forces loyales au président Bachar al-Assad ont porté un nouveau coup au mouvement rebelle syrien, reprenant le contrôle d’un secteur stratégique près de Damas le week-end. La reprise de la région de Wadi Barada est un autre revers pour les rebelles après la perte de la deuxième ville d’Alep-Est en décembre 2016, le plus gros coup infligé à l’opposition depuis que le conflit a commencé avec des manifestations anti-gouvernementales en mars 2011.
- Que s’est-il passé à Wadi Barada?
R: Les forces gouvernementales syriennes ont repris dimanche Wadi Barada à l’extérieur de Damas, après un accord qui a permis à des centaines de rebelles de partir pour la province d’Idlib, située dans le nord de la Syrie.
Wadi Barada est la principale source d’eau de la capitale, et le gouvernement a accusé les rebelles de délibérément cesser les approvisionnements depuis le 22 décembre, laissant 5,5 millions de personnes sans eau. Les rebelles ont déclaré que les attaques gouvernementales avaient endommagé les infrastructures de pompage. Mais ils ont finalement accepté un accord qui a vu 700 rebelles et 1400 civils quitter Wadi Barada pour Idlib, selon l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme. Au cours de ces derniers mois, le gouvernement a lancé des accords semblables de rapprochement dans au moins six autres régions de la capitale. “Le mouvement rebelle a définitivement perdu Damas”, a déclaré Fabrice Balanche, analyste au Washington Institute pour la Politique du Proche-Orient. Il a déclaré à l’AFP que l’armée syrienne et ses milices alliées – comme le mouvement libanais Hezbollah – ont méthodiquement repris les villes tenues par les rebelles autour de la capitale depuis 2013. “Les rebelles les plus rationnels cherchent un moyen de négocier une amnistie avec le gouvernement syrien. Pour d’autres, leur seul espoir est d’être transférés à Idlib”, a déclaré M. Balanche.
Q: Qu’est-ce qu’il reste aux rebelles?
R: Presque six ans après le soulèvement de la Syrie, bon nombre des plus importantes conquêtes des mouvements d’opposition ont été annulées. Ils ont perdu une grande partie du territoire qu’ils avaient conquis autour de Damas, et ont subi leur plus grande défaite encore en décembre 2016, lorsque les forces gouvernementales ont pris le contrôle complet d’Alep-Est. Les rebelles ne détiennent plus que 13% du territoire syrien, selon Balanche, y compris sur la province d’Idlib, où l’ex-affilié à Al-Qaïda, le Front Al Nosra devenu le Fatah al-Sham , domine. Ailleurs, l’opposition armée tient une partie de la région de .la Ghouta orientale près de Damas et certains territoires dans le centre et le sud de la Syrie. “En 2013, les attaques répétées des rebelles ont menacé le centre de Damas et les lignes de communication vers l’extérieur”, a déclaré M. Balanche à l’AFP. “Mais aujourd’hui, ils sont sur la défensive, divisés, encerclés et sans espoir de victoire”, a t-il dit. Le régime d’Assad avait essentiellement mené une guerre d’usure, a déclaré Fabrice Balanche, « comptant sur l’épuisement des communautés bombardées, assiégées et à la merci des groupes rebelles ». “Cela a pris plus de quatre ans, mais le régime peut se considérer victorieux, même s’il fait face à des poches de résistance.”
Q: Que se passe-t-il dans Idlib?
R: Le nord-ouest de la province d’Idlib, qui borde la Turquie, est le principal bastion pour les combattants affaiblis de l’opposition armée syrienne. Mais la province a été secouée par les combats de l’opposition pendant plus d’une semaine, alors que Fatah al-Sham combat ses anciens alliés rebelles. Aymenn al-Tamimi, un expert des mouvements djihadistes, a déclaré que les combats pourraient devenir une guerre existentielle que Fatah al-Sham ne serait pas prêt à perdre. Certains rebelles ont pris parti pour Fatah al-Sham, tandis que d’autres ont soutenu le puissant Ahrar al-Sham, qui était autrefois un allié clé de l’ancienne filiale d’Al-Qaïda. Compte tenu de ces divisions, l’armée syrienne et son principal soutien, Moscou, pourrait choisir le moment opportun pour lancer une attaque sur la province d’Idlib, a averti Fabrice Balanche. “Il s’agit d’une guerre au sein de l’insurrection,” opposant les membres de la ligne dure à ceux qui cherchent une solution politique au conflit, a-t-il dit. “Cela correspond à la stratégie de la Russie pour diviser et conquérir, avant de soutenir une offensive militaire contre la province d’Idlib”, a déclaré M. Balanche à l’AFP