Suspendre la vente des armes à l’Arabie Saoudite

« La France doit suspendre la vente des armes à l’Arabie saoudite et à l’Égypte »

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Publié le | Le Point.fr
Jean-Yves Le Drian et son homologue égyptien Sedki Sobhi sous le regard de François Hollande et du président al-Sissi le 17 avril 2016.  
Jean-Yves Le Drian et son homologue égyptien Sedki Sobhi sous le regard de François Hollande et du président al-Sissi le 17 avril 2016.   © AFP/ KHALED DESOUKI

La France carillonne ses succès dans les ventes d’armes, mais celles-ci ne sont pas toutes conformes aux exigences d’un traité ratifié en 2013. Interview.

Attentat à Nice

Source : FIGAROVOX – Nice : après le temps de la cécité volontaire, réapprendre à défendre ce qui nous est précieux – Bouger les lignes.

Nous vous invitons à lire l’article de notre amie Caroline Galactéros qui rejoint l’Association France Syrie en vue de renforcer son pôle  » géopolitique et intelligence stratégique ».

Publié le par Caroline Galactéros

FIGAROVOX - Nice : après le temps de la cécité volontaire, réapprendre à défendre ce qui nous est précieux

Pleurer nos morts et ceux, touristes étrangers, qui ont chez nous perdu la vie, Oui. Se recueillir et leur rendre hommage, évidemment. Mais pour eux, pour tous ceux qui tomberont encore, passer enfin des paroles aux actes. Ouvrir les yeux en grand, prendre courage et aller au choc.

Un choc de lucidité en premier lieu.

Il ne s’agit pas d’accabler nos dirigeants. Mais sans doute doit-on les exhorter à quitter enfin les hauteurs de leurs certitudes satisfaites pour se confronter à la triste réalité. Nous ne sommes pas à bord du Titanic prêt à sombrer, regardant l’eau qui monte en état de sidération. Nous sommes la France. Nous pouvons encore redresser la barre. Il faut juste le vouloir enfin et le faire avec courage, lucidité et méthode. Des vertus qui paraissent en perdition elles aussi.

D’abord le diagnostic.

Le terrorisme islamique ne frappe pas seulement la France, pas seulement l’Europe. Il frappe le monde entier. L’Afrique a perdu plus de 20 000 personnes dans des attaques islamistes depuis 2002. La guerre est totale et globale. La problématique aussi. Comme la solution. Gageons que la présence à Moscou du secrétaire d’Etat américain Kerry marque une inflexion sérieuse dans la gestion de la crise au Moyen-Orient.

En Europe, depuis plus de 18 mois, notre pays est frappé, comme d’autres certes, mais clairement plus massivement que d’autres. Pourquoi? Car nous avons la première communauté musulmane d’Europe, qu’il s’agit elle aussi de sidérer pour la dominer et la retourner contre son pays d’accueil. Car nous menons au loin des actions militaires nombreuses et importantes, qui visent à contenir ou affaiblir certains foyers de l’islamisme conquérant. Cet activisme militaire sert malheureusement aussi de défausse à une politique étrangère brouillonne et incohérente. Une incohérence qui produit des fruits vénéneux. Nous combattons les islamistes au Mali, nous les soutenons en Syrie, nous hésitons en Libye. Nous tirons à hue et à dia. Mais nos forces armées loyales et vaillantes agissent légitimement en fonction de ces mandats politiques. Elles font des miracles avec des moyens trop comptés et sont sur tous les fronts d’une menace intérieure et extérieure dont le spectre s’étend toujours plus. Nos forces de police et de l’appareil de sécurité aussi sont courageuses, compétentes, et totalement dévouées à la protection du pays et de nos concitoyens. L’ennemi lui, observe cette posture combattante courageuse, mais mesure aussi nos ambivalences et nos soutiens contradictoires. Il sent enfin la faiblesse du politique face à l’emprise délétère d’un communautarisme que l’on n’ose plus endiguer et que l’on prend pour de la modernité politique. Alors la terreur mute. Daech, affaibli territorialement en Irak et en Syrie, donne de nouvelles consignes. «Ne venez plus ici ; Restez chez vous, et frappez chez vous. Des civils surtout».

L’emploi du véhicule comme arme avait aussi déjà été expressément conseillé par ses porte-parole. «Porter la guerre au Loin» était d’ailleurs déjà la stratégie d’Al-Qaïda, maison mère du Califat. Une preuve de plus que celui-ci n’est que la face spectaculaire d’une hydre gigantesque qui irrigue nos sociétés à divers niveaux et selon des modes de relation différents, et travaille au corps et au cœur une partie de notre jeunesse en mal de lien avec la nation. Des adolescents ou des jeunes hommes et femmes, chacun en mal d’identification à «quelque chose de plus grand que soi». Un destin commun, un faisceau de vertus et de principes de vie qui rassemble et inspire fierté et projets. C’est aussi cela qu’il faut reconstruire.

Cette terreur a de nombreux visages. Il y a ceux, de confession musulmane ou fraîchement convertis, qui reçoivent des ordres précis, des cibles et des «top départ» pour agir. Il y en a d’autres qui, chez nous ou ailleurs, «s’auto saisissent» d’un mandat de tuer et passent à l’acte sur impulsion ou opportunité, au terme d’une radicalisation – humaine ou de plus en plus souvent numérique – directe mais aussi diffuse, sans être «recrutés» sur le net ni exhortés personnellement à l’action. L’appel du djihad vient conforter, justifier leurs névroses propres, donner un sens à leur ressenti vertigineux d’une inutilité, d’un abandon, d’un égarement qui les «salit» en nos pays encore majoritairement «mécréants». Cela peut nous paraître fou, stupide, irréel. Mais ce sont des faits, aussi immatériels que concrets dans leurs tragiques conséquences. Nombre de ces djihadistes, petits délinquants ou «jeunes» plutôt intégrés, qui n’ont rien à voir avec «les damnés de la terre» auxquels nos bonnes âmes voudraient les identifier – pour les excuser ou pour s’excuser peut-être elles-mêmes de n’y rien comprendre – vivent en fait dans une schizophrénie glaçante. Ils grandissent et vivent au cœur de nos cités ou de nos campagnes, sans rien dévoiler de la rage qui les étreint, en lien avec leur voisinage, buvant, fumant, dissimulant leur dessein macabre sous un masque de normalité «laïque», fomentant ainsi leur passage à l’acte à l’abri de tout soupçon. Car ce sont des combattants, qui ont besoin de secret, d’une double vie pour propager la mort et échapper ainsi à la souillure des mécréants dans un martyr envisagé comme une échappatoire bénie.

Le pronostic ensuite. Il est très sombre si l’on persiste à ne pas mesurer la profondeur de l’emprise du mal sur notre société. Il y aura d’autres camions, d’autres voitures piégées ou folles, d’autres attaques kamikazes dans nos écoles ou nos bâtiments publics les plus symboliques. Il y aura toujours pire.

Le choc de l’action enfin.

Les symboles importent mais ne suffisent pas. Jamais. Après ce nouveau carnage il faut mettre en actes une politique ferme et sans pitié. Il faut enfin faire preuve d’autorité. Le manque de moyens? Evidemment. Il en faut plus, beaucoup plus pour traquer, déjouer et répondre à la violence qui cible notre pays. Mais les moyens ne suffiront pas. Et ce n’est pas comme on l’entend parfois, parce qu’il y a eu un nouvel attentat que les dispositifs mis en place sont inutiles! Qui peut oser par exemple dire que le dispositif Sentinelle n’a pas permis d’éviter bien d’autres attaques à Paris? Ces soldats sont lourdement protégés, armés, entraînés et très courageux. Les tueurs du Bataclan avaient soigneusement étudié et esquivé leurs positions… aucun dispositif n’est toutefois imparable et l’imagination du mal est foisonnante. Il faut en tout cas donner des ordres clairs et des règles d’engagement adaptées qui libèrent le courage et l’initiative de nos forces policières et militaires sur le territoire national. Il faut étendre le dispositif, le rendre très mobile, aléatoire et extrêmement coordonné. Il faut en finir avec les querelles territoriales des services de police et de gendarmerie, comme avec l’inhibition et cette autre schizophrénie du pouvoir qui parle de guerre, dénonce l’innommable, multiplie les déclarations martiales et se gargarise d’avoir assuré la sécurité de l’Euro, baissant immédiatement la garde en réduisant des effectifs de Sentinelle, certes comptés, de 10 000 à 7000 hommes. Sans prendre garde au message qu’il envoie ainsi à ceux qui guettent et en oubliant presque le terrifiant signal qu’a constitué le double meurtre d’un couple de policiers chez eux, à Magnanville. Il n’y a plus de limites ni de frontières à la terreur. Plus aucun tabou, plus aucune inhibition. Comment, dans un tel contexte, croire encore possible d’exorciser le mal en le niant? La guerre, que d’aucuns refusent même de nommer, est sans trêve. La France est ciblée car elle a peur. Peur de prendre des mesures répressives symboliques. Or, quel que soit le rapport de force, ce sont toujours les forces morales qui assurent la victoire.

Réapprendre à mourir pour vivre enfin. Réapprendre ce qui est précieux, ce qu’il faut aimer, le prix des idéaux, et les contraintes personnelles que les individus doivent tolérer pour pouvoir vivre pacifiquement ensemble, quelle que soit leur confession et entre confessions sur le territoire français. Nous sommes arrivés au stade terminal de la cécité volontaire, du déni de réalité, de la croyance dans le pouvoir des seuls mots, du refus de tirer les conséquences politiques d’une impuissance trop longtemps supportée voire encouragée.

Le pouvoir qui prendra la sécurité des Français en main dans quelques mois aura le devoir d’oser l’impopularité, d’affronter pressions et controverses et de prendre des mesures radicales pour protéger nos concitoyens et rétablir sans équivoque ni angélisme une claire autorité de l’Etat au service des principes et valeurs incarnés par notre nation. Celui qui est encore en place pourrait, devrait engager ce processus douloureux indispensable et assumer pleinement ses erreurs et ses défaillances. Il le doit aux Français de nouveau pris pour cibles.

A la guerre comme en amour, la peur n’évite pas le danger. Il faut assumer ce que l’on est, ce que l’on veut être. On peut résister à la tentation ou y succomber, mais en connaissance de cause. Aucune liberté ne vaut sans responsabilité.

La folie meurtrière et barbare a encore frappé

La folie meurtrière et barbare a encore frappé et, à n’en point douter, frappera encore malheureusement.
Ce sont, cette fois-ci, des niçois et des vacanciers de toute nationalité, sur la promenade des Anglais, après avoir assisté au feu d’artifice du 14 juillet qui ont sauvagement été assassinés.
Les membres du Conseil d’Administration et l’ensemble des adhérents de l’Association d’Amitié France-Syrie présentent leurs sincères condoléances aux familles touchées par ce drame en s’associant à leur douleur indicible.
Cette violence sans fin ne s’arrêtera que lorsque les puissances internationales de concert avec les puissances régionales au Moyen-Orient se mettront autour d’une table avec tous les acteurs de ces crises pour ouvrir un dialogue en vue d’entrer dans une logique de paix se substituant à la logique de guerre qui ne mène qu’à toujours plus de violence, de destructions et de malheurs.

La bataille de Raqqa.

La course pour Raqqa et le grand échec des Sunnites en Syrie

Publié le par Caroline Galactéros

Carte de la Guerre civile syrienne avec notamment les batailles de Manjib (au Nord-Est d'Alep) et de Tabqa (à la pointe Sud du lac Assad).

Carte de la Guerre civile syrienne avec notamment les batailles de Manjib (au Nord-Est d’Alep) et de Tabqa (à la pointe Sud du lac Assad).

 

Les choses bougent rapidement en Syrie alors que les deux coalitions principales, derrière les Etats-Unis et la Russie, commencent à envisager une avancée vers Raqqa, siège syrien de l’Etat islamique. En quelques mois, force est de constater que c’est surtout du côté occidental que les cartes ont été rebattues en s’appuyant désormais principalement sur les forces kurdes largement majoritaires au sein du Front Démocratique Syrien (FDS) et non plus sur les « rebelles modérés », formule généreuse pour décrire le vaste camaïeu de vert foncé que forme le camp islamiste sunnite en Syrie, appuyé par le Qatar, l’Arabie Saoudite et la Turquie. Dans le nouveau grand jeu syrien, les Sunnites parraissent les grands perdants.

Quelques points factuels.

Du côté du régime syrien, l’Iran, son principal soutien au sol, augmente considérablement son aide. Désormais, ce n’est plus seulement la Force Al-Qods – le corps d’élite des Gardiens de la Révolution – qui intervient en Syrie, mais également les troupes régulières de l’Armée iranienne, commandées en Syrie par le Général Mohsen Ridaii. Parmi les diverses forces iraniennes et les brigades chiites venus d’Irak, du Liban, d’Afghanistan et du Pakistan, cette force de soutien à l’armée régulière syrienne compterait près de 80 000 hommes répartis sur les différents théâtres d’opération. Les enjeux sont en effet de taille pour le régime de Bachar el-Assad :

  • Le régime est attaqué au Nord, notamment à Alep, par le Front Al-Nosra, branche d’Al-Qaïda en Syrie, qui dispose par de savantes entourloupes, des armes fournies par les Américains et les puissances sunnites aux « rebelles modérés ». L’avenir de la bataille d’Alep, capitale économique du pays – et seconde grande ville, avec Idleb, sur laquelle misent les rebelles sunnites – sera probablement un tournant de la guerre. Si la ville d’Alep a largement été libérée par l’Armée syrienne, de sorte à couper notamment l’accès à la Turquie par le Nord pour les rebelles, le Front Al-Nosra poursuit sans trève ses offensives tout autour de la ville, infligeant des pertes au régime. Néanmoins, Bachar el Assad pourrait prendre l’avantage car les Américains semblent de plus en plus conscients du nouveau rapport de force qui s’établit en faveur de Damas au détriment du camp des“ rebelles”, désormais clairement dominé par Al-Qaïda. Ainsi, Le Figaro reprend la déclaration duministère russe des Affaires étrangères selon laquelle « le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et le secrétaire d’Etat américain John Kerry ont évoqué ce mercredi au téléphone la nécessité « d’actions communes décisives » contre le Front Al-Nosra. La discussion concernait la situation en Syrie, plus particulièrement le besoin d’actions communes décisives contre le Front Al-Nosra, comme la partie russe l’a constamment proposé». En soi, il n’y a là rien d’étonnant. Si les Etats-Unis et les Occidentaux ont eu au départ des relations très troubles avec le Front Al-Nosra, Washington considère depuis quelques temps officiellement l’officine d’Al-Qaïda comme un groupe terroriste, d’ailleurs exclu du « cessez-le-feu » conclu à la toute fin du mois de février 2016. En revanche, envisager une collaboration avec Moscou (une campagne commune de frappes aériennes avait d’ailleurs été proposée pour le 25 mai par Vladimir Poutine, essuyant une nouvelle fin de non recevoir américaine) reviendrait à admettre pour Washington la nécessité d’envisager des actions renforçant le pouvoir de Damas. La position américaine, volontairement encore très floue pour entretenir un certain chaos et préserver les apparences, a dans les faits sensiblement évolué sous la pression constante de Moscou.
  • Le régime a libéré, fin mars 2016, la cité antique de Palmyre au cœur du désert syrien, comptant bien poursuivre son avancée vers l’Est (région où les exploitations pétrolières sont nombreuses) pour rejoindre finalement Deir ez-Zor, ville du régime assiégée par l’Etat islamique depuis le début du conflit. Une reprise de cette large zone vers l’Est couperait largement les liaisons de l’Etat islamique entre la Syrie et l’Irak et montrerait la capacité de Bachar el-Assad à sortir de la « Syrie utile » à l’Ouest pour contrôler une partie de l’immensité désertique sunnite, loin des côtes. Néanmoins, cette avancée vers l’Est marque le pas. Entre Palmyre, deux points stratégiques restent à « reprendre » : Arak d’abord, puis As-Sukhnah. Gênée notamment par les champs de mines laissés par Daech, l’armée syrienne piétine devant Arak. Les prochaines semaines diront si le régime parvient à avancer vers Deir ez-Zor.
  • Mais aujourd’hui, d’après le correspondant à Beyrouth de RFI, c’est directement vers Raqqa que l’Armée syrienne a lancé une offensive. Dans un premier temps, Damas compte reprendre la ville intermédiaire de Tabqa, près du lac artificiel d’El-Assad situé sur l’Euphrate. C’est d’ailleurs le barrage de Tabqa qui a permis la création de ce lac dans les années 1970 avec l’aide des Soviétiques. Pour l’Armée syrienne, cette ville est essentielle : en plus de comporter un aéroport, elle se situe sur la route qui relie Raqqa à Alep. Si l’Armée syrienne s’emparaît de Tabqa, le fief de l’Etat islamique aurait beaucoup de mal à rejoindre la frontière turque par laquelle transitent armes, djihadistes et pétrole. Paul Khalifeh explique ainsi que « l’armée syrienne est appuyée, dans cette offensive, par les unités d’élite appelées les « aigles du désert », entraînées par les Russes, et qui ont joué un rôle important dans la reconquête de Palmyre, en mars dernier (…) Cette bataille avait fait 700 morts dans les rangs de la garnison, dont des centaines de soldats massacrés après la chute de l’aéroport. En prévision de cette bataille, planifiée depuis longtemps, l’armée syrienne avait pris le contrôle des hauteurs surplombant les vastes espaces désertiques menant jusqu’à Tabqa ». Si l’Etat syrien est aujourd’hui poussé à accélérer la cadence de ses opérations, c’est aussi pour réagir à l’offensive du Front démocratique syrien (FDS) dominé par les Kurdes et soutenu par les Américains et qui tentent eux aussi d’avancer vers le Sud pour rejoindre en premier le lac El-Assad. Ce mouvement est toutefois ralenti par leurs difficulté pour reprendre la ville de Manbij au Nord (nous y revenons dans le paragraphe suivant). A l’heure où j’écris ces lignes, le quotidien L’Orient le Jour révèle que l’armée syrienne serait à 30 kilomètres de l’aéroport proche de Tabqa et à 24 km du lac El-Assad (Tabqa étant à une cinquantaine de km à l’Ouest de Raqqa).

Le Front démocratique syrien avance vers le Sud depuis plusieurs mois, mais le mouvement semble bien s’accélérer. Une difficulté considérable attend néanmoins le camp américain : les FDS sont très largement composés des forces YPG kurdes, branche armée du parti kurde PYD partisan d’une Syrie fédérale au sein de laquelle les trois cantons kurdes de Djézireh, d’Afrin, de Kobané disposeraient d’une très large autonomie, sur le modèle du Kurdistan irakien, et seraient réunis sous l’entité de « Rojava ». Le PYD contrôle déjà très largement ces trois cantons et ne souhaite aucunement déborder dans ses offensives au Sud vers des zones non peuplées par les Kurdes. Même s’ils le souhaitaient, poussés par les Américains, la chose serait malaisée dans la mesure où les guerres de contre-insurrection se font lentement avec le soutien progressif des populations civiles (cf. les thèses du stratège français David Galula). Or, les populations civiles sunnites ne souhaitent pas être libérées par des Kurdes ! En particulier à Raqqa, grande ville sunnite, les Kurdes se heurteraient à un fort ressentiment de la population locale, ce qui rendrait très difficile le contrôle de cette ville où, en réaction, les djihadistes pourraient compter sur un soutien beaucoup plus fort. Les Américains poussent au développement du rôle des Arabes et des Syriaques au sein des FDS, mais le rapport de force en faveur des Kurdes demeure largement inchangé. En témoigne les combats à l’Ouest de Kobané, dans cette bande de terre entre Alep et la frontière turque encore contrôlée par l’Etat islamique, créant une enclave entre les deux cantons kurdes d’Afrin et de Kobané. Evidemment, les Kurdes souhaiteraient reprendre ce territoire pour relier enfin ces deux territoires et constituer le grand Rojava (Kobané et Djézireh sont déjà reliés) tout le long de la frontière turque. Mais dans cette enclave entre les deux territoires kurdes, la population est majoritairement sunnite et turkmène, ce qui limite l’avancée des FDS. Les Américains ont promis que, pour cette offensive-ci, les FDS seront davantage composées d’Arabes que de Kurdes, mais Ankara et la population civile restent sceptiques à raison. Si les Kurdes en général ne souhaitent pas contrôler de territoire non-kurde, celui-ci a un statut stratégique très différent : les YPG kurdes qui dominent globalement les FDS accepteront-ils de ne pas contrôler un territoire qui les intéresse particulièrement et pour lequel ils ont consenti de grands sacrifices depuis le début de la guerre civile ? En même temps, les FDS ont tout intérêt à occuper ce territoire qui priverait Daech de tout accès à la frontière turque, notamment si les FDS reprennent les villes de Manbij et de Jarabulus, toutes deux encore aux mains des islamistes. Manbij est aujourd’hui complètement encerclée, mais les djihadistes de l’Etat islamique font preuve d’une résistance particulièrement forte. On s’attend néanmoins à ce la ville tombe sous peu. Quant à l’avancée vers Raqqa, le problème posé sera le même : plus les FDS iront au sud, plus les populations civiles seront hostiles aux Kurdes et risqueront de soutenir les djihadistes. Problème insoluble, car ce sont les Kurdes qui se battent le mieux contre l’Etat islamique !

Les Kurdes de Syrie et les Américains ne sont donc pas tout à fait sur la même ligne, d’autant que les premiers désapprouvent le jeu des seconds avec les « rebelles » islamistes dans les provinces d’Idleb et d’Alep. Nous avions écrit un article sur cet épisode grotesque et cynique il y a quelques semaines, quand on a vu un groupe rebelle islamiste, Fursan al-Haq, soutenu activement par la CIA affronter près d’Alep les FDS soutenu par les Kurdes. TTU – lettre d’informations stratégiques et de défense – est allé encore plus loin en révélant récemment que, « alors que le Congrès américain avait interdit toute aide en matériel à ce groupe en décembre 2014, la découverte que la moitié des missiles TOW aient été trouvés en possession du Front Al-Nosra, lié à Al-Qaida, laissait supposer que la CIA avait poursuivi sa coopération avec ce groupe pour tenir en échec l’offensive russe ». Dans le même ordre d’idée, L’Orient le Jourrévèle que « 3 000 tonnes d’armes et de munitions auraient été livrées depuis le mois de décembre 2015 (par les Américains aux rebelles islamistes, ndlr). Un premier cargo serait parti de Bulgarie le 5 décembre pour Constanza, en Roumanie, puis arrivé à Aqaba dix jours plus tard avec à son bord 81 containers, dont 994 tonnes de mitrailleuses AK-47 et PKM mais aussi de calibres 12,7 mm et 14,5 mm pour véhicules, ainsi que 864 tonnes de missiles antichars russes Fagot et Factoria, et de lance-roquettes RPG-7, destinés à être acheminés par la route jusqu’en Syrie en traversant le territoire jordanien. Un second cargo aurait quitté la Bulgarie le 28 mars avec à son bord 2 007 tonnes d’armements et 162 tonnes d’explosifs. Une opération dont le manque de discrétion frise la caricature, puisque l’achat de ces matériels à la Bulgarie et leur transport par des sociétés américaines avaient fait l’objet d’un appel d’offres publié sur le site FedBizGov.org en septembre dernier ! ». TTU estime finalement que, « après avoir échoué à monter une armée de volontaires syriens luttant à la fois contre les forces loyalistes et djihadistes, le Pentagone a perdu la fidélité du YPG kurde rallié à Moscou ». Nous avions consacré un dossier entier à la question kurde pour montrer à quel point ceux-ci étaient historiquement proches des Russes et faisaient l’objet de toute leur sollicitude. Le PYD kurde est en effet la branche syrienne du PKK turc, soutenu par Moscou pour entraver les actions d’Ankara. Mais ce n’est pas tout : à quelques rares exceptions près, les Kurdes syriens et le régime de Damas ne sont en rien ennemis, voire sont parfois tactiquement alliés. Un positionnement kurde qui est donc très éloigné de la position américaine de départ et qui est également très rarement évoqué dans les médias.

C’est précisément à cette aune que deux grands enseignements se dégagent :

  • Moscou n’a jamais eu autant de cartes en main pour imposer sa place sur l’échiquier géostratégique en Syrie. Non seulement la Fédération de Russie soutient l’axe chiite qui pourrait très progressivement avancer à Alep, vers Raqqa et Deir ez-Zor, mais elle exerce également une influence considérable auprès des Kurdes en jouant des différends entre ces derniers et les Américains, mis en défaut par leur attitude ambigüe entre les Forces démocratiques syriennes et ce qui reste de « rebelles ».
  • C’est le second enseignement des dernières évolutions du conflit syrien : les puissances sunnites n’ont jamais été aussi affaiblies. Le Qatar, la Turquie et l’Arabie Saoudite avaient dépensé force d’argent et d’énergie pour cacher aux Occidentaux la véritable nature des « rebelles modérés ». Acculés par les forces du régime, les rebelles apparaissent aujourd’hui pour ce qu’ils sont : des djihadistes tenus sur le terrain par le Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaïda, dont même les Etats-Unis sont obligés de s’éloigner peu à peu pour ne pas aggraver leur sort en révélant davantage encore leur jeu d’alliance avec ceux qui firent tomber les tours du World Trade Center en 2001. Duplicité et cynisme s’accommodent mal de la transparence médiatique…

Des rebelles islamistes coupables de « crimes de guerre » en Syrie.

Des rebelles islamistes coupables de « crimes de guerre » en Syrie, selon Amnesty

Le Monde.fr avec AFP | 05.07.2016 à 04h13 • Mis à jour le 05.07.2016 à 09h00

Amnesty International a accusé mardi 5 juillet des groupes rebelles islamistes en Syrie d’« exécutions sommaires et de torture » appelant la communauté internationale à retirer tout soutien aux mouvements responsables de crimes de guerre. L’organisation de défense des droits de l’homme sise à Londres pointe du doigt des milices dans les provinces d’Alep (Nord) et d’Idleb (Nord-Ouest). Certaines « auraient le soutien du Qatar, de l’Arabie saoudite, de la Turquie et des Etats-Unis », insiste l’ONG.

Lire aussi :   En Syrie, comprendre qui soutient qui en deux clics

L’organisme estime ainsi dans un nouveau rapport que ces groupes armés ont aujourd’hui « le champ libre pour commettre en toute impunité des crimes de guerre et d’autres violations du droit humanitaire international ». Amnesty cite les formations Noureddine Zinki, le Front Al-Chamia et la Division-16, qui font tous trois partie de la coalition islamiste Fatah Halab (« la conquête d’Alep »), mais aussi la puissante milice salafiste Ahrar Al-Cham, soutenu par Riyad, ainsi que les djihadistes du Front Al-Nosra, la branche syrienne d’Al-Qaida.

Déclenchée en 2011, la révolte contre le régime de Bachar Al-Assad s’est transformée en guerre dévastatrice, dans laquelle sont impliqués des acteurs régionaux et internationaux. Elle a fait plus de 280 000 morts et des millions de déplacés.

« Peur constante »

Le rapport d’Amnesty recense « 24 cas d’enlèvements par des groupes armés entre 2012 et 2016 », ciblant notamment « des militants pacifiques ou même des enfants », ainsi que des minorités religieuses. « Beaucoup de civils vivent dans la peur constante d’être enlevés s’ils critiquent la conduite des groupes armés, ou s’ils ne respectent pas les règles strictes qu’ils leur imposent. »

 Selon l’ONG, entre 2014 et 2015, cinq personnes affirment avoir été torturées par Noureddine Zinki et le Front Al-Nosra. L’organisme pointe par ailleurs les exécutions sommaires conduites par la branche syrienne d’Al-Qaida, le Front Al-Chamia, et les puissants tribunaux islamistes qui leur sont affiliés et rendent justice en vertu de la charia, la loi islamique.

« Parmi ceux qui ont été tués, on compte des civils – notamment un adolescent de 17 ans accusé d’être gay et une femme accusée d’adultère. »

Amnesty en appelle aux pays du Groupe international de soutien à la Syrie (GISS), notamment les Etats-Unis, le Qatar, la Turquie et l’Arabie saoudite, pour « cesser tout transfert d’armes ou tout autre soutien aux groupes impliqués dans des crimes de guerre ou d’autres violations flagrantes ».

 

Colloque au Sénat du 11 mars : « Détruire l’Etat islamique, et après ? » Les conditions d’un retour à la paix au Moyen-Orient.

A la demande du Conseil d’administration de l’AFS qui a participé activement à l’organisation de ce colloque, vous avez dû probablement recevoir une invitation. Dans le cas où vous souhaiteriez y assister, nous vous invitons à y répondre très rapidement, car les places sont limitées.
Les conditions de participation figurent à la page 4 du programme joint.

Accueil de 25.000 réfugiés syriens en France

L’État se prépare à accueillir 24.000 réfugiés supplémentaires sur les deux prochaines années a annoncé François Hollande le 7 septembre. «C’est le devoir de la France, où le droit d’asile fait partie intégrante de son âme, de sa chair» a déclaré le chef de l’Etat. Jusqu’à présent, la France avait pris un engagement de principe pour l’accueil de 9.000 réfugiés et demandeurs d’asile. «J’espère que tous les Etats membres agiront avec le même courage» a salué la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini.

Pour coordonner et organiser l’accueil de ces personnes, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a nommé un «coordinateur national»: Kléber Arhoul, qui était jusqu’à présent préfet délégué pour l’égalité des chances auprès du préfet de la région Nord-Pas-de-Calais. «J’ai décidé de nommer un coordinateur national sur la question de l’accueil des réfugiés» a annoncé le ministre, le même jour.
 Comment la France se prépare-t-elle à accueillir les 24.000 réfugiés ?
 

4 millions de réfugiés syriens

Le nombre total de réfugiés ayant fui le conflit en Syrie vers les pays voisins s’élève désormais à plus de quatre millions, confirmant que cette crise de réfugiés est la plus importante au monde depuis près d’un quart de siècle dans le cadre du mandat du HCR.

Accueil des réfugiés syriens en France (4)

M. le Préfet Jean-Jacques Brot a succédé le 9 mars 2015 à M. Dominique Blais, en qualité de chargé de la mission de coordination pour l’accueil des réfugiés syriens et irakiens auprès du Directeur général des étrangers en France. Au cours d’un échange de vues le 5 mai avec le Président Patrice Mouchon et Didier Destremau, le Préfet a souhaité renforcer son partenariat avec l’AFS afin de mieux cerner les besoins et l’accueil des réfugiés syriens. Des actions communes sont envisagées comme la visite de réfugiés dans les régions où ils ont été accueillis et logés, avec l’aide des membres syriens de l’AFS afin qu’ils se sentent plus libres de s’exprimer sur leurs besoins et leur avenir.

Les membres qui souhaiteraient participer à cette action sont priés de se faire connaître.
Par ailleurs l’AFS a insisté sur l’impérieuse nécessité d’augmenter le quota officiel de l’accueil des réfugiés syriens en France  et surtout de développer les visas humanitaires et universitaires.
 
 Octroi de 3.450 visas depuis 2012 :
La France a accordé 3.450 visas à des réfugiés syriens depuis 2012, dont près de 500 en 2014, a déclaré le 30 avril le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, lors d’une rencontre à Paris avec le Haut-commissaire des Nations-Unis pour les réfugiés.
À l’issue d’un sommet européen extraordinaire consacré aux migrants en Méditerranée, le 23 avril, le président François Hollande avait affirmé que la France prendrait sa part de l’accueil de réfugiés syriens, à hauteur de « 500 à 700 » personnes.
En 2014, l’Union européenne a reçu 625.000 demandes de visas, (+44% par rapport à 2013) et la France en a quant à elle reçu 45.000 en 2014, (-2,2% par rapport à 2013), selon le ministère de l’Intérieur.
Crédit : AFP BERLIN, AFP/GIL/FH / AFP

Carte de la Syrie avec le nombre de réfugiés dans les pays voisins et de déplacés internes.
Voir nos fiches précédentes :
http://www.francesyrie.org/fr/le-dispositif-francais-de-l-asile-,article-258.html
http://www.francesyrie.org/fr/accueil-des-refugies-syriens-en-france-2-,article-280.html
http://www.francesyrie.org/fr/accueil-des-refugies-syriens-en-france-3-,article-281.html