Syrie: blocage généralisé, au Conseil de sécurité comme à Genève

L’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura (cetre) lors des négociations sur la Syrie à Genève, le 28 février 2017 (Afp)

Le blocage est général autour du dossier syrien: au Conseil de sécurité, où Russie et Chine ont empêché des sanctions contre le régime de Damas, et à Genève, où les pourparlers de paix s’enlisent.

Le vote de mardi à l’ONU à New York, sur l’éventualité de sanctionner le régime syrien pour utilisation d’armes chimiques, a marqué le premier grand désaccord entre Washington et Moscou depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Le président russe Vladimir Poutine l’avait répété avant le vote: des sanctions contre le pouvoir syrien seraient « inopportunes » dans le contexte des pourparlers engagés à Genève sous l’égide de l’ONU. Et les actes ont suivi les paroles, avec le veto de la Russie mais aussi celui de la Chine et le vote négatif de la Bolivie face à neuf voix en faveur des sanctions et trois abstentions.
« C’est un triste jour pour le Conseil de sécurité quand les membres commencent à trouver des excuses à d’autres Etats membres qui tuent leur propre peuple », a réagi l’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley.
Les Etats-Unis et la Russie sont chacun impliqués sur le terrain en Syrie, Washington à la tête d’une coalition internationale luttant contre le groupe jihadiste Etat islamique, la Russie en soutien de son allié le président syrien Bachar al-Assad.
Les Européens s’étaient montrés inquiets ces dernières semaines d’un éventuel changement de position radical des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie. Mais sur le dossier syrien, Washington s’est donc de nouveau rangé du côté du Royaume-Uni et de la France.
Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Marc Ayrault a accusé la Russie de porter « une lourde responsabilité vis-à-vis du peuple syrien et du reste de l’humanité ».
C’est la septième fois que Moscou utilise son veto pour protéger le régime de Bachar al-Assad face aux sanctions de l’ONU. La Chine a rejoint la Russie pour bloquer six de ces sept résolutions.
La nouvelle proposition de sanctions suivait une enquête conjointe menée par les Nations unies et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui avait conclu en octobre que le régime syrien avait mené au moins trois attaques avec des armes chimiques en 2014 et 2015.
Les enquêteurs avaient déterminé que les jihadistes du groupe Etat islamique avaient eux aussi utilisé du gaz moutarde en 2015.
La Syrie a toujours nié avoir utilisé des armes chimiques dans ce conflit qui a fait plus de 310.000 morts depuis 2011.
Mercredi, à 13h00 GMT, de nouvelles révélations pourraient intervenir sur les exactions dans les deux camps, avec les conclusions de la commission d’enquête de l’ONU sur les allégations de violations des droits de l’Homme à Alep entre juillet et décembre 2016.
Blocage à l’ONU donc, et blocage à Genève, où les négociations patinent depuis leur ouverture jeudi, butant sur des questions de procédures et sur le fossé immense entre les deux parties.
Si l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura enchaîne les rencontres bilatérales avec les délégations syriennes, la perspective de négociations directes entre belligérants apparaît toujours très éloignée. Vladimir Poutine a fait allusion à ces difficultés mardi, reconnaissant depuis le Kirghizstan que « tout ne se passe pas aussi facilement qu’on le voudrait ».
Les discussions achoppent notamment sur la volonté de la Russie de faire de la lutte contre le terrorisme une priorité à l’agenda, ce qui pourrait aliéner certains groupes d’opposition ayant des liens avec des combattants islamistes.
Le régime syrien « n’est pas contre l’agenda proposé, mais il dit aussi que la question du terrorisme ne peut pas être ignorée », a insisté le ministre adjoint des Affaires étrangères russe, Guennadi Gatilov, qui doit rencontrer la délégation de l’opposition ce mercredi.
Ecarté de ces négociations de Genève, comme le groupe Etat islamique, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda ne compte pas renoncer à combattre militairement le régime de Damas.
Dans une rare vidéo, le chef de Fateh al-Cham a revendiqué une nouvelle fois les attaques qui ont tué des dizaines de personnes samedi à Homs, dont un proche du président Bachar al-Assad.
« Le régime ne comprend que le langage de la force et du sang », a déclaré Abou Mohammad al-Jolani, estimant que les « politiciens (présents à Genève) offrent au régime une victoire sans combat ». Et d’avertir que ces attaques « ne sont qu’une étape dans une série qui va se poursuivre ».
Al-Qaïda était également au coeur des préoccupations mardi aux Etats-Unis où, selon un responsable anonyme, les agences de renseignement sont mobilisées pour confirmer la mort en Syrie du numéro 2 d’Al Qaïda, Abou Kheir al-Masri.
Sa mort, si elle est confirmée, appellera « presque certainement » une riposte des jihadistes, « depuis la Syrie ou autre part dans le monde », a commenté Charles Lister, du Middle East Institute, un centre de recherche basé à Washington.

(01-03-2017 – avec les agences de presse)

 

Syrie: Les attentats fragilisent le processus de paix à Genève

Syrie: Les pourparlers de Genève pour tenter d’amorcer un règlement politique au conflit syrien apparaissent comme plus fragiles que jamais, au lendemain d’un attentat meurtrier contre un symbole du pouvoir à Homs qui a replacé le « terrorisme » au coeur du débat.

Contrôle de sécurité à Homs en Syrie, le 25 février 2017 (Afp)

L’attentat contre les services de renseignement du régime, sans précédent depuis une attaque en 2012 à Damas, a fait entre 30 et 42 morts selon les sources, et tué un proche du président syrien Bachar al-Assad, le chef du renseignement militaire de Homs, Hassan Daaboul. L’attaque, perpétrée par plusieurs kamikazes, a été revendiquée par le groupe Fateh al-Cham, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda.
Immédiatement, l’ONU s’est inquiétée d’une tentative de faire « dérailler » les négociations de Genève.
« A chaque fois que nous avons des pourparlers, il y a toujours quelqu’un qui essaye de faire dérailler le processus. Nous nous y attendions », a déclaré l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura.
Mais la réaction la plus forte est venue de Damas, qui a promis de ne pas laisser cet attentat impuni, et estimé, par la voix de son représentant aux négociations de Genève, que l’attentat envoyait un « message clair ».
Dans une conférence de presse particulièrement offensive après avoir rencontré M. de Mistura, le chef de la délégation du régime, Bachar al-Jaafari, a sommé l’ONU et surtout l’opposition de condamner clairement les attaques de Homs.
« Aujourd’hui, nous attendons de l’opposition qu’elle condamne le terrorisme », a martelé M. Jaafari, ajoutant que Damas considérerait comme « complice » toute partie refusant de condamner l’attentat.
« Ce qui s’est passé aujourd’hui a jeté une ombre sur les pourparlers de Genève », a-t-il poursuivi, même s’il a nié vouloir lier la poursuite des pourparlers à la condamnation des attentats par l’opposition.
« La priorité numéro un à Genève est de discuter du terrorisme », a-t-il répété à plusieurs reprises.
L’opposition, qui s’est exprimée dans la foulée lors d’une conférence de presse, a condamné « le terrorisme », mais sans mentionner explicitement Homs.
« Notre position est claire, nous condamnons le terrorisme et les terroristes, nous condamnons Daech (acronyme arabe du groupe Etat islamique) et Al Nosra (ex-branche syrienne d’Al-Qaïda) », a déclaré le chef de la délégation du Haut comité des Négociations (HCN, opposition), Nasr al-Hariri.
Interrogé pour savoir s’il parlait de Homs, il a répondu: « Nous condamnons toutes les opérations terroristes, et si ce qui s’est passé à Homs est une opération terroriste, alors mes déclarations sont claires ».
Un autre membre de la délégation du Haut comité des négociations (HCN, opposition), Fateh Hassoun, représentant d’un groupe armé, a lui accusé implicitement Damas d’avoir facilité l’attentat pour servir ses objectifs.
L’attentat de Homs, tout comme les 13 civils tués par des frappes aériennes du régime à travers le pays samedi, selon les chiffres de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), sont venus fragiliser des discussions de paix déjà singulièrement mal engagées.
Les négociations de Genève engagées jeudi font suite à trois précédentes sessions en 2016. A chaque fois elles avaient échoué, victimes de la reprise de la violence sur le terrain et du fossé entre les belligérants. Et comme samedi, Damas répétait à l’époque que sa priorité était de « lutter contre le terrorisme », quand l’opposition réclamait des négociations sur une transition politique.
Aucune avancée n’a été enregistrée depuis la cérémonie d’ouverture jeudi où les deux délégations se sont fait face à face dans une ambiance tendue. M. de Mistura a multiplié les bilatérales, mais les discussions s’enlisent dans des questions de procédure.
« Nous avons exclusivement parlé de questions relatives au format des discussions », avait ainsi déclaré M. Jaafari vendredi.
Censées aborder sur le fond la question d’un règlement politique du conflit, les discussions se retrouvent de nouveau dominées par la question du « terrorisme ».
Les attaques de Homs se sont produites au lendemain d’un autre jour sanglant en Syrie vendredi, où des attentats revendiqués par le groupe jihadiste Etat islamique (EI) ont fait 83 morts, dont 45 civils, près d’Al-Bab dans le nord du pays.
Comme Fateh al-Cham, l’EI est exclu des négociations et du cessez-le-feu parrainé par la Russie, alliée de Damas, et la Turquie, qui soutient les rebelles.
Ce cessez-le-feu, entré en vigueur le 30 décembre, est censé concerner uniquement le régime de Damas et l’opposition non jihadiste, mais il est régulièrement violé.
Cette violence générale illustre la fragilité de toute « normalisation » dans un pays ravagé par six ans de guerre, où interviennent des acteurs multiples aux agendas différents. La guerre en Syrie a fait plus de 300.000 morts et des millions de réfugiés.

(26-02-2017 – avec les agences de presse)

Des combattantes syriennes défient l’Etat-Islamique pour la reconquête de Raqa

Près de Raqa, des combattantes arabes défient l’EI et les traditions

PRÈS D’AL-TORCHANE (SYRIE) (AFP)
Une combattante arabe syrienne contre l’EI près de Raqa, en Syrie, le 6 février 2017 – AFP

Elles combattent la plus redoutable organisation jihadiste au monde, mais en suivant l’exemple de leur cons?urs kurdes, les centaines de guerrières arabes en Syrie doivent également braver le courroux de leur famille et le poids des traditions.

A 20 km de Raqa (nord), « capitale » du groupe ultraradical Etat islamique (EI) qu’une alliance arabo-kurde veut conquérir, Batoul, 21 ans, défend sa cause avec ferveur, derrière des digues de sable.

« J’ai bravé mon clan, mon père, ma mère. Maintenant je brave l’ennemi », affirme la jeune femme portant un gilet à munitions et au cou, un foulard fleuri de couleur bordeaux.

« Mes parents m’ont dit +tu abandonnes les armes ou te renies+ », raconte-t-elle. Depuis, ils ne lui ont plus adressé la parole.

AFP

Des combattantes arabes syriennes contre l’EI près de Raqa, en Syrie, le 6 février 2017

A la différence des combattantes kurdes qui, à l’instar des hommes, portent depuis longtemps les armes, l’engagement militaire des femmes arabes en Syrie sort de l’ordinaire et est mal vu par leur entourage familial.

Batoul, issue des Al-Charabyé, l’un des clans conservateurs les plus connus du nord-est syrien, se décrit comme une rebelle.

« Je portais le voile et mon père nous obligeait à prier devant lui, je refusais cela », dit-elle, la tête nue.

Elle se trouve avec ses compagnes d’armes en plein désert, près du village d’Al-Torchane aux mains de l’EI dans le nord-est de la province de Raqa en majorité tenue par les jihadistes.

– « Libérer la femme » –

« J’ai rejoint les YPJ pour libérer la patrie mais aussi libérer la femme de l’esclavage. Il ne faut plus qu’on reste cloîtrée entre quatre murs », ajoute Batoul, en référence aux « Unités de protection de la femme », l’équivalent féminin des forces kurdes masculines des YPG.

AFP

Des combattantes syriennes près de Raqa, en Syrie, le 6 février 2017

Combattants arabes et kurdes sont alliés sous la bannière des Forces démocratiques syriennes (FDS) qui luttent contre l’EI depuis fin 2015 avec le soutien de la coalition internationale dirigée par Washington.

Depuis les positions des combattantes arabes, on voit une épaisse fumée se dégager d’Al-Torchane, cible des raids des avions de la coalition et des tirs d’obus.

Batoul a rejoint les YPJ il y a deux ans mais c’est son premier combat contre l’EI, dans le cadre de l’offensive lancée par les FDS en novembre.

« La première fois que j’ai tenu une arme, j’ai eu terriblement peur », reconnaît-elle. « Désormais, mon arme fait partie de moi-même. Elle me libère et me protège ».

AFP

Des combattantes arabes syriennes près de Raqa, en Syrie, le 6 février 2017

Elle s’exprime en arabe mais ses propos sont entrecoupés de mots en kurde qu’elle a appris en côtoyant ses s?urs d’armes.

Les Kurdes en Syrie se targuent de mettre en avant l’égalité entre hommes et femmes, notamment en zone de combat.

D’après la porte-parole de l’offensive, la kurde Jihan Cheikh Ahmad, le nombre de combattantes arabes ayant rejoint les FDS s’élève actuellement à plus de 1.000. Les victoires remportées contre l’EI les ont encouragées à se rallier aux FDS.

– ‘Mêmes droits’ –

Près du front, sous une tente, six jeunes femmes blaguent et échangent des confidences en sirotant du thé.

« Mon but est de libérer la femme de l’oppression de Daech (acronyme en arabe de l’EI) mais aussi de l’oppression de la société », affirme Hevi Dilirin, souriante, vêtue d’une veste treillis et de baskets gris et blancs.

AFP

Des combattantes syriennes arabes près de Raqa, en Syrie, le 6 février 2017

« Chez nous, les femmes n’ont pas leur mot à dire. Elles doivent avoir les mêmes droits que les hommes », martèle la jeune femme qui a adopté un nom de guerre kurde après avoir rejoint les YPJ en 2015.

Sa s?ur d’armes Doza Jiyan, 21 ans, les cheveux bruns attachés en arrière, assure que la majorité des familles arabes acceptent « difficilement » qu’une femme participe aux combats.

« Dans notre société syrienne, on trouve bizarre qu’une femme prenne les armes », affirme la combattante aux sourcils épais, originaire de la ville Ras al-Aïn (nord-est).

« L’EI n’est plus invincible, (les jihadistes) ne se battent plus qu’à bord de motos et se contentent de miner les villages », ajoute-t-elle, en discutant avec ses compagnons masculins de la situation sur le terrain.

Cette tactique ralentit l’avancée des FDS qui se trouvent depuis un mois à 20 km de la ville de Raqa.

Doza Jiyan est confiante que les mentalités sur les femmes au combat changeront avec les futurs succès face aux jihadistes. « Je suis très heureuse ici », dit-elle, avec le sourire.

Reprise de la région de Wadi Barada après celle d’ALEP-EST

Interview de Fabrice Balanche à l’AFP version originale en anglais

Les forces loyales au président Bachar al-Assad ont porté un nouveau coup au mouvement rebelle syrien, reprenant le contrôle d’un secteur stratégique près de Damas le week-end. La reprise de la région de Wadi Barada est un autre revers pour les rebelles après la perte de la deuxième ville d’Alep-Est en décembre 2016, le plus gros coup infligé à l’opposition depuis que le conflit a commencé avec des manifestations anti-gouvernementales en mars 2011.

  1. Que s’est-il passé à Wadi Barada?

R: Les forces gouvernementales syriennes ont repris dimanche Wadi Barada à l’extérieur de Damas, après un accord qui a permis à des centaines de rebelles de partir pour la province d’Idlib, située dans le nord de la Syrie.

Wadi Barada est la principale source d’eau de la capitale, et le gouvernement a accusé les rebelles de délibérément cesser les approvisionnements depuis le 22 décembre, laissant 5,5 millions de personnes sans eau. Les rebelles ont déclaré que les attaques gouvernementales avaient endommagé les infrastructures de pompage. Mais ils ont finalement accepté un accord qui a vu 700 rebelles et 1400 civils quitter Wadi Barada pour Idlib, selon l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme. Au cours de ces derniers mois, le gouvernement a lancé des accords semblables de rapprochement dans au moins six autres régions de la capitale. “Le mouvement rebelle a définitivement perdu Damas”, a déclaré Fabrice Balanche, analyste au Washington Institute pour la Politique du Proche-Orient. Il a déclaré à l’AFP que l’armée syrienne et ses milices alliées – comme le mouvement libanais Hezbollah – ont méthodiquement repris les villes tenues par les rebelles autour de la capitale depuis 2013. “Les rebelles les plus rationnels cherchent un moyen de négocier une amnistie avec le gouvernement syrien. Pour d’autres, leur seul espoir est d’être transférés à Idlib”, a déclaré M. Balanche.

Q: Qu’est-ce qu’il reste aux rebelles?

R: Presque six ans après le soulèvement de la Syrie, bon nombre des plus importantes conquêtes des mouvements d’opposition ont été annulées. Ils ont perdu une grande partie du territoire qu’ils avaient conquis autour de Damas, et ont subi leur plus grande défaite encore en décembre 2016, lorsque les forces gouvernementales ont pris le contrôle complet d’Alep-Est. Les rebelles ne détiennent plus que 13% du territoire syrien, selon Balanche, y compris sur la province d’Idlib, où l’ex-affilié à Al-Qaïda, le Front Al Nosra devenu le Fatah al-Sham , domine. Ailleurs, l’opposition armée tient une partie de la région de .la Ghouta orientale près de Damas et certains territoires dans le centre et le sud de la Syrie. “En 2013, les attaques répétées des rebelles ont menacé le centre de Damas et les lignes de communication vers l’extérieur”, a déclaré M. Balanche à l’AFP. “Mais aujourd’hui, ils sont sur la défensive, divisés, encerclés et sans espoir de victoire”, a t-il dit. Le régime d’Assad avait essentiellement mené une guerre d’usure, a déclaré Fabrice Balanche, « comptant sur l’épuisement des communautés bombardées, assiégées et à la merci des groupes rebelles ». “Cela a pris plus de quatre ans, mais le régime peut se considérer victorieux, même s’il fait face à des poches de résistance.”

Q: Que se passe-t-il dans Idlib?

R: Le nord-ouest de la province d’Idlib, qui borde la Turquie, est le principal bastion pour les combattants affaiblis de l’opposition armée syrienne. Mais la province a été secouée par les combats de l’opposition pendant plus d’une semaine, alors que Fatah al-Sham combat ses anciens alliés rebelles. Aymenn al-Tamimi, un expert des mouvements djihadistes, a déclaré que les combats pourraient devenir une guerre existentielle que Fatah al-Sham ne serait pas prêt à perdre. Certains rebelles ont pris parti pour Fatah al-Sham, tandis que d’autres ont soutenu le puissant Ahrar al-Sham, qui était autrefois un allié clé de l’ancienne filiale d’Al-Qaïda. Compte tenu de ces divisions, l’armée syrienne et son principal soutien, Moscou, pourrait choisir le moment opportun pour lancer une attaque sur la province d’Idlib, a averti Fabrice Balanche. “Il s’agit d’une guerre au sein de l’insurrection,” opposant les membres de la ligne dure à ceux qui cherchent une solution politique au conflit, a-t-il dit. “Cela correspond à la stratégie de la Russie pour diviser et conquérir, avant de soutenir une offensive militaire contre la province d’Idlib”, a déclaré M. Balanche à l’AFP

Discours du Président Patrice Mouchon à l’AG de l’AFS

Discours du Président Patrice Mouchon à l’Assemblée Générale de l’AFS du 26 janvier 2017 et présentation de la conférence d’Antoine SFEIR .

 

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je réitère tous mes vœux pour cette année 2017, qu’elle vous soit bonne et profitable, ainsi qu’à vos familles.

Je veux également m’adresser, avec les membres du Conseil d’Administration qui m’entourent, et que je remercie pour leur disponibilité et l’excellence de leur travail, pour dire aux Syriens de Syrie combien nous pensons à eux.

Car ils continuent à souffrir dans toute la Syrie, ceux d’Alep qui ont subi les conséquences d’une guerre terrible.

Heureusement les canons se sont tus ainsi qu’à Damas qui continue à recevoir des obus de mortier et subir la guerre de l’eau.

Je tiens à citer les mots justes empreints d’une grande émotion de notre ami Samir Abdulac qui revient de Damas, et qui a retrouvé une ville appauvrie et en proie aux pénuries de la guerre.

Rendez-vous sur le site de la Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie qui publie les photos des villes meurtries par la guerre.

La reprise de Palmyre par l’État islamique est tombée comme une douche froide alors que sa libération avait suscité un espoir.

Plus grave encore, notre amie Ségolène de Pontbriand a été la première à nous annoncer la destruction des tétrapiles et une partie du Théâtre Romain de Palmyre.

Nous avons légitimement posé la question de savoir comment l’aviation russe et celle de la coalition avaient pu laisser passer des colonnes de camions de l’État islamique entre Deir ez-Zor ou Raqqa et Palmyre.

Le patrimoine de l’Humanité est en train de disparaître à Palmyre.

Certains dans leurs commentaires nous exhortent à nous occuper des humains et non des vieilles pierres.

Or, comme vous le savez, nous faisons à l’Association les deux, mais nous avons toujours dit avec nos amis archéologues du Conseil d’Administration, Christiane Delplace et Pierre Leriche, qu’un peuple sans histoire, sans mémoire est un peuple errant qui risque de perdre son identité.

Mais rassurez-vous, il suffit d’écouter nos amis Syriens pour se rendre compte à quel point ils sont attachés à leur culture, à leur patrimoine qu’ils sauront défendre face à la barbarie.

En ce début d’année 2017, nous avons néanmoins une note d’espoir.

Je veux parler de la Conférence d’Astana du 24 janvier.

Elle a permis de rassembler l’opposition et les représentants du gouvernement syrien sous le patronage de la Russie, de l’Iran et de la Turquie.

Outre la garantie du cessez-le-feu, cette rencontre a ouvert la voie aux négociations qui auront lieu à Genève le 8 février prochain.

Dans la déclaration commune, il a été déclaré qu’il n’y avait aucune solution militaire au conflit syrien, qui ne peut être résolu qu’au travers d’un processus politique.

Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a salué : « un évènement comme il n’y en avait jamais eu jusque-là » à l’occasion duquel « les représentants des groupes armées et le gouvernement syrien ont pu se parler ».

C’est ce que l’AFS n’a cessé de réclamer depuis le début de ce conflit.

Espérons que ce dialogue va se poursuivre et qu’une solution sera trouvée, mais tout cela est bien naturellement très fragile.

En tant qu’Association d’Amitié France-Syrie, nous déplorons que la France ne fasse pas partie de ces négociations.

Espérons qu’elle soit présente à Genève.

Car nous persistons à penser que la France a un rôle important à jouer.

L’amitié entre la France et la Syrie est très ancienne.

Elle fait partie des fondamentaux entre nos deux peuples, même si les Syriens de tous bords la critiquent d’une manière acerbe.

Au sein de l’AFS, nous continuons d’y croire, de croire qu’un esprit de médiation va continuer à souffler en Syrie et nous militons ardemment pour que le dialogue entre les Syriens s’amplifie et que la paix revienne.

Car nous ne nous y trompons pas, la Syrie au Moyen-Orient a toujours été un espace pluriculturel et pluriconfessionnel, représentant un modèle du vivre ensemble nourri de sa grande culture millénaire.

Ici à Paris et en France, l’AFS continuera à développer ces échanges, et le dialogue et, comme vous l’a annoncé notre ami Sami Chatila dans son rapport moral, nous allons lancer des rencontres dans des cafés pour permettre ce dialogue entre des personnes de bonne volonté qui vont s’appeler « carrefour de l’amitié franco-syrienne ». Nous vous y convions nombreux afin de faire vivre cette amitié.

Vive l’amitié franco-syrienne.

Je vous remercie de votre attention.

 

Restez tous en place car nous allons maintenant accueillir Monsieur Antoine Sfeir qui va donner une conférence sur le thème :

La crise syrienne : les conséquences géopolitiques.

Le modérateur de cette conférence sera notre amie Caroline Galactéros, Administrateur de l’AFS et Géopoliticienne et je coordonnerai le dialogue avec vous tous.

Négociations d’ASTANA sur la Syrie

Syrie : La Turquie, acteur clé des négociations

Interview

27 janvier 2017

Le point de vue de Didier Billion

Quels enseignements tirer de la conférence d’Astana entre la délégation syrienne et celle de l’opposition ?

Indépendamment des faibles résultats obtenus, le fait qu’une réunion entre le régime syrien et une partie des groupes rebelles ait pu se tenir constitue tout d’abord une première victoire. La reprise des quartiers orientaux d’Alep, à la fin du mois de décembre, marquant l’avancée du régime syrien et de ses alliés, a indéniablement créé un électrochoc, notamment dans les rangs des rebelles. Elle a, de ce fait, rendu nécessaire et possible la réunion au sein de la capitale du Kazakhstan.

Les trois parrains des négociations étaient bien sûr présents à Astana : la Russie, la Turquie et dans une apparente moindre mesure, l’Iran, même si sa délégation a été politiquement très active. En ce qui concerne l’opposition, une délégation représentant les principales factions rebelles était présente avec la participation de 13 chefs militaires à l’exception, bien sûr, des groupes qualifiés de terroristes. Ces derniers n’étaient pas conviés à ce début de processus de négociations, auxquelles ils s’opposent en outre par principe.

Cela étant posé, on peut constater que certains groupes rebelles présents à la table des négociations étaient qualifiés de terroristes par Moscou il y a quelques semaines encore. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, ce qui indique la volonté de la Russie de parvenir assez rapidement à des avancées.

Si les résultats de ces pourparlers restent ténus, ils ne constituent qu’une première étape avant un deuxième rendez-vous qui se tiendra à Genève le 8 février prochain, dans le cadre de l’ONU cette fois. A Astana, les accords trouvés concernent avant tout la confirmation de la volonté que le cessez-le-feu initié le 30 décembre soit appliqué. Cette décision ne signifie certes pas que tous les combats seront stoppés, mais un processus s’engage. Une deuxième décision importante concerne l’aide humanitaire. Des efforts seront mis en œuvre pour la faire parvenir dans les zones et villes encore assiégées par les forces du régime, la majorité, ou par des groupes rebelles.

Si la mise en place de ces décisions sera compliquée, elle traduit la volonté d’aller de l’avant malgré les nombreux obstacles, d’autant que le cadre de la déclaration commune fait explicitement référence à la résolution 2254 adoptée à l’unanimité du Conseil de sécurité de l’ONU, le 18 décembre 2015.

Certes, elle ne constitue qu’une première étape, et l’une des difficultés réside dans l’interprétation de ce compromis. Pour mémoire, outre la mise en œuvre d’un cessez-le-feu, la résolution prévoit qu’au terme de six mois de pourparlers, le processus doit établir « une gouvernance crédible, inclusive et non-confessionnelle » veillant à la préservation des institutions étatiques et qui aura la tâche de rédiger une nouvelle Constitution. Des élections libres devront ensuite être organisées dans les dix-huit mois sous la supervision de l’ONU.

La Turquie fait partie, avec la Russie et l’Iran, des « parrains » de la négociation. Quel est son rôle dans les pourparlers ? Quels intérêts défend-t-elle ?

La Turquie se trouve dans un partenariat quelque peu asymétrique avec la Russie et l’Iran. Ces deux derniers ont en effet toujours maintenu des positions en faveur du régime syrien. La Turquie, en revanche, a soutenu la rébellion mais a opéré un changement considérable en ne faisant plus du départ de Bachar al-Assad un préalable aux négociations. Ce changement de position lui a permis de se remettre au centre du jeu diplomatique.

Si la Russie, au vu de son long engagement militaire aux côtés de Bachar al-Assad, dispose de meilleurs atouts dans la négociation, pour en initier, contrôler et animer le contenu et l’agenda, la Turquie est néanmoins un acteur indispensable. Les Turcs ont, en effet, d’étroits contacts avec de multiples groupes rebelles présents. Plusieurs d’entre eux se sont réunis, quelques jours avant la conférence d’Astana, à Ankara, avec les services de renseignements turcs. La réunion visait, en quelque sorte, à préparer ce rendez-vous décisif. Désormais, la Turquie raisonne politiquement. Si elle s’est un temps bercée de l’illusion d’une solution militaire à la crise syrienne, ce n’est plus la ligne qu’elle développe depuis le début de l’été 2016.

Les parrains partagent au moins l’idée qu’une solution politique doit être trouvée. Sur ce point, la Turquie est un acteur incontournable : sans son accord, aucune avancée significative ne peut être réalisée sur ce dossier.

La Russie et la Turquie ont longtemps eu des positions antagoniques sur le conflit syrien, l’un soutenant Bachar al-Assad, l’autre la rébellion. Quelles stratégies se cachent derrière ce rapprochement qui a surpris plus d’un observateur ?

La position obstinément défendue par la Turquie durant cinq ans à propos du conflit syrien, a contribué à l’isoler sur la scène internationale. Sa persistance à exiger le départ de Bachar al-Assad comme préalable à toute hypothétique solution politique, lui a fait perdre en crédibilité. Et ce, alors que de nombreux pays qui avaient une position similaire, comme la France, ont progressivement modifié leur approche du dossier. Pour sortir de l’isolement diplomatique, la Turquie a été contrainte de réévaluer ses positions en cessant d’exiger un départ immédiat du président syrien.

En outre, à la frontière turco-syrienne, le groupe séparatiste kurde de Syrie, le Parti de l’union démocratique (PYD), a opéré une avancée significative au cours des derniers mois. Le PYD est une franchise du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et, à l’instar de ce dernier, il est considéré comme une organisation terroriste par Ankara. Or, nous savons que la question kurde reste un paramètre essentiel, voire existentiel, pour la Turquie. Elle considère qu’un accord politique sur le dossier syrien lui permettrait de contrôler la zone kurde de Syrie, et d’éviter son expansion. Les Kurdes de Syrie gèrent en effet, de facto, deux importantes portions du territoire syrien, néanmoins séparées par une zone qui leur échappe encore. Ils aspirent à conquérir cette dernière pour réaliser une jonction entre les deux territoires. Les autorités turques veulent à tout prix les en empêcher car cela signifierait alors qu’une très large partie de sa frontière avec la Syrie passerait sous contrôle d’une entité qu’elle considère comme terroriste.

Enfin, si la Turquie a longtemps manifesté une certaine forme de complaisance à l’égard des djihadistes, on peut considérer qu’elle est désormais engagée dans une lutte implacable contre les groupes affiliés à Daech, levant ainsi toute ambiguïté sur le sujet. Cette évolution lui a permis d’acquérir un rôle important dans les pourparlers.

Bilan de la conférence d’Astana du 24 janvier 2017

Bilan de la conférence d’Astana : une «première réussite» en vue d’une paix future en Syrie

Bilan de la conférence d'Astana : une «première réussite» en vue d'une paix future en SyrieSource: Reuters
La conférence d’Astana a permis de rassembler des parties qui s’étaient montrées jusqu’ici plus que réticentes à se rencontrer

L’opposition et le gouvernement syriens se sont enfin rencontrés sous le parrainage de la Russie, l’Iran et la Turquie. Outre la garantie du cessez-le-feu, la rencontre a ouvert la voie aux négociations qui auront lieu à Genève en février prochain.

La conférence d’Astana, réunissant le gouvernement syrien et les groupes d’opposition, sous le parrainage de la Turquie, la Russie et l’Iran, a pris fin ce mardi 24 janvier. Les trois pays l’ont qualifié de «succès» après avoir publié une déclaration commune par laquelle ils ont annoncé être parvenus à un accord pour «soutenir le cessez-le-feu en Syrie» et ainsi «ouvrir la voie aux discussions de Genève» qui auront lieu le 8 février prochain. «Il n’y a aucune solution militaire au conflit syrien, car celui-ci ne peut être résolu qu’à travers un processus politique», ont-ils ajouté.


Moscou, Téhéran et Ankara ont salué la volonté de ces derniers de «prendre part à la prochaine étape» des négociations à Genève. Afin de garantir la trêve, un mécanisme trilatéral sera mis en place dès le mois de février. Les groupes d’opposition armés seront d’ailleurs «invités à y jouer un rôle».

Le gouvernement syrien et l’opposition armée pour la première fois à la même table

C’était la toute première fois, depuis le début du conflit syrien, que l’opposition armée et le gouvernement se retrouvaient autour d’une même table d’une éventuelle sortie de crise en Syrie, sous le parrainage de la Russie, de la Turquie et de l’Iran. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a salué «un événement comme il n’y en avait jamais eu jusque là», à l’occasion duquel «les représentants des groupes armés et le gouvernement syrien ont pu se parler». «Cela exigeait un vrai courage politique de s’asseoir dans la même pièce et d’écouter leurs demandes respectives», a-t-il souligné.

Cette rencontre exigeait un vrai courage politique

En effet, du côté de l’opposition armée, la tension était plus que palpable. «Notre délégation est venue du front pour obtenir quelque chose, sinon nous avons toujours entre nos mains les armes» avait prévenu Oussama Abou Zeid, un de leurs représentants, le lundi 23 au soir. Les groupes d’opposition ont également à plusieurs reprises accusé l’Iran de continuer les combats ou la Turquie d’être trop faible négociatrice et de ne pas soutenir leur voix.

Une «réussite» qui augure bien de la suite des négociations à Genève

Le chef de la délégation russe à Astana, Alexandre Lavrentiev, s’est félicité que les groupes d’opposition armés syriens aient compris que «Moscou n’est pas un ennemi». Tout d’abord «réticents» à travailler avec les Russes, ceux-ci se sont montrés «finalement plus ouverts», selon lui. La délégation russe a même annoncé avoir proposé un projet de constitution pour la Syrie aux représentants des groupes d’opposition armés afin d’«accélérer la résolution du conflit». Selon Moscou, ces derniers se seraient montrés «coopératifs» et prêts à participer aux négociations futures.

 S’il a admis qu’un «un compromis sur la question constitutionnelle n’a pas encore été atteint», Alexandre Lavrentiev a néanmoins souligné que «le nombre croissant de points de contact entre les forces gouvernementales et l’opposition sur le terrain» allaient permettre d’améliorer la situation humanitaire. Mais elle sera également «un élément crucial pour instaurer de la confiance à l’avenir», et permettre ainsi «de construire la paix».

Les contacts croissants entre forces gouvernementales et d’opposition permettent de restaurer la confiance

Washington, qui a fait preuve ces derniers mois d’un désengagement progressif dans le règlement du conflit syrien, a «salué ces actions visant à réduire les violences et les souffrances en Syrie», appelant à créer un «environnement plus propice à des discussions politiques inter-syriennes». De même, la Grande-Bretagne, qui ne prenait pas part aux pourparlers, a apprécié l’initiative. «Nous saluons tout processus à Astana qui pourrait mettre fin aux violences, améliorer l’accès humanitaire et nous faire revenir aux négociations de Genève sur la transition [politique] en Syrie», a écrit sur Twitter le représentant britannique pour la Syrie Gareth Bailey.

 Si la déclaration conjointe de Moscou, Téhéran et Ankara évoque une «première vraie réussite», elle précise néanmoins que l’essentiel restait à venir. «Il y aura des spéculations sur le fait que Astana est considéré comme un substitut du processus de Genève. Ce n’est pas vrai – Astana est complémentaire de Genève», a expliqué Alexandre Lavrentiev. Tenues sous l’égide de l’ONU, les discussions qui auront lieu à Genève devront, entre autres, régler d’épineuses questions, comme celles des prisonniers ou de la transition politique.
Bilan de la conférence d'Astana : une «première réussite» en vue d'une paix future en SyrieSource: Reuters
La conférence d’Astana a permis de rassembler des parties qui s’étaient montrées jusqu’ici plus que réticentes à se rencontrer

L’opposition et le gouvernement syriens se sont enfin rencontrés sous le parrainage de la Russie, l’Iran et la Turquie. Outre la garantie du cessez-le-feu, la rencontre a ouvert la voie aux négociations qui auront lieu à Genève en février prochain.

La conférence d’Astana, réunissant le gouvernement syrien et les groupes d’opposition, sous le parrainage de la Turquie, la Russie et l’Iran, a pris fin ce mardi 24 janvier. Les trois pays l’ont qualifié de «succès» après avoir publié une déclaration commune par laquelle ils ont annoncé être parvenus à un accord pour «soutenir le cessez-le-feu en Syrie» et ainsi «ouvrir la voie aux discussions de Genève» qui auront lieu le 8 février prochain. «Il n’y a aucune solution militaire au conflit syrien, car celui-ci ne peut être résolu qu’à travers un processus politique», ont-ils ajouté.

Affirmant leur volonté de distinguer les organisations terroristes des «groupes d’opposition armés», Moscou, Téhéran et Ankara ont salué la volonté de ces derniers de «prendre part à la prochaine étape» des négociations à Genève. Afin de garantir la trêve, un mécanisme trilatéral sera mis en place dès le mois de février. Les groupes d’opposition armés seront d’ailleurs «invités à y jouer un rôle».

Le gouvernement syrien et l’opposition armée pour la première fois à la même table

C’était la toute première fois, depuis le début du conflit syrien, que l’opposition armée et le gouvernement se retrouvaient autour d’une même table d’une éventuelle sortie de crise en Syrie, sous le parrainage de la Russie, de la Turquie et de l’Iran. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a salué «un événement comme il n’y en avait jamais eu jusque là», à l’occasion duquel «les représentants des groupes armés et le gouvernement syrien ont pu se parler». «Cela exigeait un vrai courage politique de s’asseoir dans la même pièce et d’écouter leurs demandes respectives», a-t-il souligné.

Cette rencontre exigeait un vrai courage politique

En effet, du côté de l’opposition armée, la tension était plus que palpable. «Notre délégation est venue du front pour obtenir quelque chose, sinon nous avons toujours entre nos mains les armes» avait prévenu Oussama Abou Zeid, un de leurs représentants, le lundi 23 au soir. Les groupes d’opposition ont également à plusieurs reprises accusé l’Iran de continuer les combats ou la Turquie d’être trop faible négociatrice et de ne pas soutenir leur voix.

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La délégation du gouvernement syrien n’était pas non plus en parfaite confiance lors de l’ouverture des discussions. L’ambassadeur syrien à l’ONU, Bachar Jaafari, avait déclaré, un peu plus tôt, qu’il était «extrêmement douloureux» pour la délégation de Damas de faire face aux groupes qui «ont commis des actes terroristes». Il a néanmoins concédé que «la politique requiert parfois d’avoir affaire à ses ennemis pour sauver son pays». Il a finalement qualifié la rencontre de «succès». «Finalement, nous avons atteint un consensus auquel chacun a souscrit», s’est-il réjoui.

Une «réussite» qui augure bien de la suite des négociations à Genève

Le chef de la délégation russe à Astana, Alexandre Lavrentiev, s’est félicité que les groupes d’opposition armés syriens aient compris que «Moscou n’est pas un ennemi». Tout d’abord «réticents» à travailler avec les Russes, ceux-ci se sont montrés «finalement plus ouverts», selon lui. La délégation russe a même annoncé avoir proposé un projet de constitution pour la Syrie aux représentants des groupes d’opposition armés afin d’«accélérer la résolution du conflit». Selon Moscou, ces derniers se seraient montrés «coopératifs» et prêts à participer aux négociations futures.

S’il a admis qu’un «un compromis sur la question constitutionnelle n’a pas encore été atteint», Alexandre Lavrentiev a néanmoins souligné que «le nombre croissant de points de contact entre les forces gouvernementales et l’opposition sur le terrain» allaient permettre d’améliorer la situation humanitaire. Mais elle sera également «un élément crucial pour instaurer de la confiance à l’avenir», et permettre ainsi «de construire la paix».

Les contacts croissants entre forces gouvernementales et d’opposition permettent de restaurer la confiance

Washington, qui a fait preuve ces derniers mois d’un désengagement progressif dans le règlement du conflit syrien, a «salué ces actions visant à réduire les violences et les souffrances en Syrie», appelant à créer un «environnement plus propice à des discussions politiques inter-syriennes». De même, la Grande-Bretagne, qui ne prenait pas part aux pourparlers, a apprécié l’initiative. «Nous saluons tout processus à Astana qui pourrait mettre fin aux violences, améliorer l’accès humanitaire et nous faire revenir aux négociations de Genève sur la transition [politique] en Syrie», a écrit sur Twitter le représentant britannique pour la Syrie Gareth Bailey.

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Témoignage de Samir Abdulac de retour de Damas

Témoignage remarquable de Samir Abdulac, Président du groupe de travail ICOMOS pour la sauvegarde du patrimoine culturel en Irak et en Syrie, qui s’est rendu récemment à Damas pour assister à un congrès d’archéologues organisé par la DGAM( Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie). 02/01/2017.

« Je suis récemment rentré de Damas où je viens de passer quelques jours après une absence de près de six ans. J’y ai certes retrouvé des membres de ma famille, mais plonger dans une ville appauvrie et en proie aux pénuries de la guerre n’est guère une expérience agréable croyez-moi. La vieille ville d’Alep était déjà tombée sans davantage d’affrontements meurtriers et destructeurs. Le site internet de la direction générale des antiquités et des musées (DGAM) publie d’ailleurs en ce moment, quasi-quotidiennement des photos des différents quartiers de la vieille ville meurtris par la guerre fratricide menée par air, par terre et même sous terre. La nouvelle de la chute de Palmyre est par contre tombée comme une douche froide. Les nouveaux combats auraient épargné le site antique mais le pire reste à craindre. La population n’était presque pas rentrée encore.

Je me suis évidemment rendu dans la vieille ville de Damas que je connais bien. J’y étais accompagné de Stefan Simon de l’université de Yale. Elle change et sa composition sociale serait en cours d’évolution avec l’arrivée de nombreuses personnes déplacées. Une centaine de restaurants et d’hôtels y avaient ouvert au cours des années 2000, mais la plupart ont fermé leurs portes. Le vieillissement, le manque d’entretien et des adjonctions affaiblissent le bâti. Les services municipaux chargés des contrôles semblent relâcher leur vigilance. Beaucoup se plaignent du manque de matériaux traditionnels. Dernièrement plusieurs incendies se sont spontanément déclarés dans les souks. Il convient de mieux comprendre leur origine spécifique et de les prévenir. La chute aléatoire d’obus, la recherche de combustibles alternatifs, la multiplication de branchements électriques hasardeux et la pression insuffisante du réseau d’incendie représentent des menaces désormais permanentes. La reconstruction des locaux commerciaux est effectuée généralement vite, avec le respect d’une bonne échelle certes, mais trop vite, avec des fautes et sans matériaux appropriés dans un site du patrimoine mondial. L’ICOMOS avait déjà commencé des formations à la préparation aux risques avec l’ICCROM et l’UNESCO, mais il paraît nécessaire d’aller beaucoup plus loin encore.

Une visite au service de l’inventaire architectural de la direction générale des antiquités et des musées (DGAM) nous a révélé dans leurs archives des trésors concernant les monuments de Syrie, qu’il s’agisse des travaux passés de restauration à Palmyre dans les années 1930 signés Robert Amy ou des relevés de la synagogue de Jobar aujourd’hui détruite par des bombardements. J’ai en tout cas eu le bonheur de rencontrer une jeune équipe très enthousiaste de l’inventaire que nous (ICOMOS, CyArk, Université de Yale, Fonds Arcadia et UNESCO) équipons et formons aux techniques de relevés 3D. Ils commencent déjà des exercices pratiques dans le vieux Damas. Nous avons pu discuter de leurs attentes et des premiers problèmes concrets rencontrés. Une prochaine session de formation de deux semaines est prévue dès janvier prochain à Beyrouth. Nous espérons ainsi lancer, au sein d’une institution reconnue, une activité durable maitrisée et prise en charge par des enfants du pays.

Le musée national avait été jadis commencé par l’architecte français Michel Ecochard en 1936. Son architecture de style moderne correspond aux meilleures conceptions muséographiques de son temps. Ce bâtiment est en soi un monument du 20e siècle qui mériterait d’être classé. Sa visite commence désormais par l’ouverture d’un rideau d’acier qui se soulève lentement dans un vacarme épouvantable. Toutes les collections de petits objets ont été évacuées et les vitrines sont tristement vides. Par contre les grandes sculptures, les mosaïques et les peintures murales du musée national restent en place. Bien que la guerre se soit éloignée de Damas, un retournement de situation est toujours possible et des solutions adaptées doivent être planifiées. Le musée de Beyrouth est, d’une façon plus classique, un monument aussi. Autrefois situé sur la ligne de front, sa direction avait su protéger ses plus grandes pièces par des sarcophages de béton. Je suis allé au retour le visiter, il fait désormais l’objet d’une merveilleuse renaissance et vient tout juste d’inaugurer un sous-sol réaménagé.

Un colloque scientifique de haut niveau a été organisé par la DGAM pendant une partie de ce séjour dans la prestigieuse salle damascène de ce même musée national sur le thème « propositions pour la résilience du patrimoine syrien ». Une centaine de participants ont suivi les travaux : une vingtaine d’experts étrangers de toutes nationalités dont un seul russe et des Syriens : archéologues, architectes, universitaires, représentants d’associations, étudiants et- il faut le mentionner- des membres individuels de l’ICOMOS anciens, récents et postulants. Un condensé de société civile en somme. Au cours d’un programme dense, l’ordre des exposés alternait les contributions d’experts syriens et étrangers. Les différents services de la DGAM ont présenté les travaux qu’ils menaient par exemple sur les musées, les monuments, de la vieille ville de Damas, etc. Les exposés des spécialistes étrangers étaient riches aussi : les analyses de la forteresse croisée de Marqab, les prises de vues par drone, le projet d’inventaire national en 3D, la protection des ruines fragiles déterrées,  la recomposition de sites archéologiques bouleversés par le pillage, etc. Quelques propositions pour une évaluation rapide de l’état des lieux à Alep furent évoquées. Sa reconstruction n’est pas à l’ordre du jour, mais chacun pressent qu’elle pourrait être terriblement compliquée. Le professeur Pierre Leriche, l’archéologue de Doura Europos (il préfère dire Europos Doura) a proposé à ses collègues un moratoire généralisé sur les fouilles en Syrie, c’est à dire de ne plus fouiller pendant plusieurs années et se consacrer plutôt à la publication de la grande masse existante des travaux déjà entrepris et encore jamais divulgués aux collègues et au public. Les ministres annoncés ont par contre déserté la rencontre. Probablement inspirée de l’exemple des expositions le long des grilles du jardin du Luxembourg ou du siège de l’UNESCO, la start-up française ICONEM présentait des panneaux informatifs sur ses travaux en Syrie, accrochés sur la clôture extérieure du jardin du musée national. Une autre exposition, ailleurs en ville, présentait des pièces archéologiques volées et récemment récupérées.

Enfin, une visite à la faculté d’architecture de l’université de Damas en compagnie de Abir Arkawi et de Talal Akili, tous deux membres de l’ICOMOS, m’a enfin permis de rencontrer plusieurs professeurs et étudiants et de longuement discuter avec eux. J’ai été impressionné par la mise au point d’une grande maquette de la vieille ville de Damas, dans laquelle chacune des maisons figurait avec son patio. Par ailleurs des dizaines de panneaux accrochés aux murs d’une grande salle présentaient les quatre parties complémentaires de récents travaux d’étudiants sur Palmyre. La partie concernant l’analyse des ruines et de leur passé était franchement attendue, mais les projets d’évocation sur place des ruines dynamitées par des panneaux de verre ou des rayons lumineux l’étaient moins. La partie concernant la ville moderne commençait par un état des lieux, des statistiques chiffrées sur la dispersion actuelle de la population de Palmyre et se poursuivaient par un programme échelonné dans le temps de réparation des infrastructures, des logements et des services et même de sa future extension. La partie « écologique » était basée sur les ressources naturelles en eau du site et envisageait une future ville verte. Enfin la partie concernant la planification régionale tournait complètement le dos à l’ancien rôle touristique du site et tentait de lui donner un nouvelle vocation par le création de réserves naturelles et le développement d’énergies alternatives à l’échelle du pays. Par contre le temps m’a manqué pour visiter le centre Baroudi de l’université situé dans le quartier Qanawat, qui abrite l’ancienne antenne de l’Ecole de Chaillot et où se poursuivent des cours de restauration architecturale. Je n’ai pas non plus pu accompagner ses professeurs et étudiants à Maaloula, ce village inscrit sur la liste indicative et où s’effectuent actuellement des travaux de restauration et de reconstruction.

Que dire d’autre, sinon que Maamoun Abdulkarim, ce consensuel directeur général de la DGAM, était atterré (comme nous tous) par le retour de Daech à Palmyre. Il était également préoccupé par un projet turc de modification du cours du Tigre, qui risquait -par absence de concertation- de faire disparaître le pont de Ain Dewar de l’époque seljoukide au nord-est du pays (le « bec de canard »). Le soutien chaleureux de scientifiques étrangers difficilement parvenus à Damas le renforçait toutefois moralement dans sa bien difficile mission entamée en 2012″.

Samir ABDULAC

Docteur en urbanisme • Architecte DPLG • Dip. UCL Bartlett
Président, Groupe de travail ICOMOS pour la sauvegarde du patrimoine culturel en Syrie et en Irak

Vice-président, Comité scientifique international ICOMOS pour les villes et villages historiques (CIVVIH)

Membre, Comité d’Orientation, ICOMOS France
Membre de l’AFS.

Syrie: Assad appelle les rebelles à rendre les armes

Actualités

Syrie: Assad appelle les rebelles à rendre les armes contre une amnistie

SANA/AFP/Archives / HOLe président syrien Bachar al-Assad face aux médias le 8 janvier 2017 à Damas

Le président Bachar al-Assad a souhaité que les rebelles acceptent le principe de rendre leurs armes en échange d’une amnistie, lors des négociations la semaine prochaine à Astana consacrées au renforcement du cessez-le-feu en Syrie.

Entrée en vigueur le 30 décembre, cette trêve, qui tient vaille que vaille, connaît des violations régulières, notamment à Wadi Barada mais un arrêt des combats a été décidé jeudi selon les rebelles dans cette région où l’armée veut s’assurer le contrôle des sources d’eau.

Le cessez-le-feu, parrainé par Moscou, alliée du régime, et Ankara, soutien des rebelles, a constitué un prélude aux négociations qui s’ouvrent le 23 janvier dans la capitale du Kazakhstan avec l’objectif ambitieux de jeter les bases d’un règlement du conflit dévastateur qui a fait plus de 310.000 morts en près de six ans.

Dans un entretien à la télévision japonaise TBS, dont des extraits ont été publiés jeudi par la présidence syrienne, M. Assad a affirmé que ces pourparlers auraient « comme priorité » de consolider la trêve.

AFP / George OURFALIANDes syriens dans une rue du quartier Tareeq al-Bab d’Alep, le 18 janvier 2017

« Cela visera à protéger la vie des gens et permettra d’acheminer l’aide vers les différentes régions de Syrie », a-t-il dit, alors que l’ONU s’est plainte que la trêve n’avait pas permis l’acheminement d’aides humanitaires supplémentaires.

Pour M. Assad, au delà de la consolidation du cessez-le-feu, « les pourparlers devront permettre aux groupes (rebelles) de se joindre aux accords de ‘réconciliation’, ce qui signifie rendre les armes en échange d’une amnistie ».

« C’est la seule chose que nous pouvons espérer en ce moment », a dit le président syrien dont les troupes sont en position de force après plusieurs victoires face aux rebelles, principalement à Alep reprise totalement aux rebelles en décembre après un siège de plusieurs mois.

– Accord à Wadi Barada? –

Le pouvoir syrien espère élargir les accords dits de « réconciliation », ces pactes léonins qui se traduisent par l’évacuation des rebelles en échange de la fin des bombardements et des sièges des villes par les prorégime.

Ces accords sont vivement critiqués par l’ONU et les rebelles, qui y voient le résultat d’une tactique du régime visant à la « capitulation par la famine », après les sièges de plusieurs mois imposés aux habitants et insurgés.

AFP / afpLocalisation des affrontements entre régime et rebelles dans la région de Damas, et de l’avancée du groupe EI vers Deir Ezzor

Un nouvel accord de ce type a été décidé à Wadi Barada, près de Damas, a annoncé à l’AFP un responsable local rebelle, Abou Mohamad al-Barwadi, après que les prorégime ont assiégé la ville et quelques jours après l’échec d’un précédent accord similaire.

Une équipe de maintenance doit entrer à Wadi Barada pour réparer les infrastructures d’approvisionnement et les insurgés qui refusent de déposer les armes seront transférés dans la province rebelle d’Idleb (nord-ouest), selon lui.

Mais le régime n’a pas confirmé cet accord. Depuis le matin, ses forces assiègent Wadi Barada qui abrite les principales infrastructures alimentant en eau la capitale syrienne, victime de graves pénuries depuis le 22 décembre.

AFP / Nazeer al-KhatibDes combattants de l’armée libre syrienne se reposent près de Qabasin, au nord est de la ville de Al-Bab, à 30 km d’Alep, le 8 janvier 2017

Les forces du régime, qui veulent déloger les rebelles et reprendre le contrôle des infrastructures à Wadi Barada, « ont coupé la route entre cette ville et les zones rebelles » dans la région de Qalamoun, a indiqué l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).

L’OSDH a rappelé que « les prorégime ont régulièrement recours à la stratégie du siège pour arracher des accords avec les rebelles dans des zones assiégées, comme cela s’est produit dans plusieurs secteurs près de Damas et à Alep » (nord).

– L’ONU à Astana –

L’offensive du régime à Wadi Barada a été l’une des raisons avancées par le plus important groupe rebelle, Ahrar al-Cham, pour justifier son refus de participer aux négociations d’Astana sous l’égide de Moscou, Ankara et Téhéran, un autre allié du régime.

Une poignée d’autres groupes rebelles sous la direction de Mohammed Allouche se rendront à Astana. Ce sera la première fois qu’une délégation formée purement de groupes rebelles négociera avec le régime.

AFP / PHILIPPE DESMAZESStaffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, le 12 janvier 2017 à Genève

Outre des représentants des parrains des pourparlers, l’émissaire de l’ONU pour la Syrie Staffan de Mistura sera également présent à Astana. Moscou et Ankara veulent une présence des Américains à Astana mais l’Iran y est hostile.

Des négociations sur la Syrie sous l’égide de l’ONU doivent en principe suivre à Genève le 8 février.

Jusqu’à présent, tous les pourparlers qui se sont déroulés sous les auspices de l’ONU, dont les derniers en avril 2016, ont échoué.

Le conflit très complexe en Syrie, impliquant acteurs syriens, régionaux et internationaux, ainsi que des groupes jihadistes, a provoqué une très grave crise humanitaire en poussant à la fuite plus de 10 millions de personnes.

La guerre de l’eau à Damas

 

 
11 janvier 2017 ..

La guerre de l’eau frappe durement Damas

La pénurie affecte 5 millions d’habitants. Régime et rebelles s’en rejettent la responsabilité
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Ce sont des scènes que les habitants de Damas s’étaient accoutumés à voir à la télévision : des files de civils faisant la queue devant un point d’eau à Alep pour remplir un bidon, au plus fort du conflit dans la ville du nord de la Syrie. Mais la guerre de l’eau a atteint la capitale.

Depuis le 22  décembre, les Damascènes sont à leur tour confrontés à l’attente et aux privations. Plus une goutte ne parvient de la région voisine de Wadi Barada, une enclave rebelle où se trouvent les principales sources d’eau qui alimentent la ville, depuis l’irruption de violents combats lancés par l’armée syrienne. Les affrontements se poursuivent malgré le cessez-le-feu parrainé par Moscou et Ankara. Régime et rebelles s’accusent mutuellement d’avoir provoqué la crise de l’eau.

La panique des premiers jours a laissé place à une résignation mêlée de colère. Dans certains quartiers de la capitale, les robinets restent désespérément à sec. Dans la plupart des faubourgs, l’eau est fournie quelques heures, mais pas tous les jours.  » Je n’ai jamais vu cela de ma vie, s’exclame Anas (le prénom a été changé), âgé d’une soixantaine d’années. Même avant la guerre, nous subissions de durs rationnements l’été, à cause de la sécheresse. Mais un peu d’eau parvenait chaque jour. « 

C’est une privation de plus pour Damas. Certes, relativement préservée des combats, malgré la chute régulière d’obus rebelles et malgré l’écho des bombardements de l’armée ou des affrontements dans les banlieues, la capitale syrienne est soumise, elle aussi, aux coupures d’électricité et à l’inflation galopante. Au cours des derniers jours, le prix des bouteilles d’eau potable s’est envolé.

 » Crime de guerre  »

Pour pallier les manques, l’eau est tirée des forages qui parsèment Damas. Les quelque 300 puits sont d’ordinaire exploités l’été. Face à l’urgence, les Nations unies, qui craignent une crise sanitaire, délivrent de l’eau à une cinquantaine d’écoles, tandis que le Comité international de la Croix-Rouge a distribué des citernes d’eau à des boulangeries ou des hôpitaux.

Le pouvoir accuse les insurgés, acculés par les combats, d’avoir empoisonné les réserves qui desservent Damas en y jetant du diesel. Mais pour les rebelles, qui contrôlent la zone rurale de Wadi Barada depuis 2012, ce sont les forces prorégime qui ont bombardé les infrastructures hydrauliques et sont responsables des privations. Qui a raison ?  » Ce qui intéresse les habitants de Damas, c’est qu’un retour à la normale soit possible « , soupire Anas.

L’ONU se garde de désigner un coupable.  » Il y a beaucoup d’allégations. Nous ne savons pas vraiment, car nous n’avons pas pu nous rendre sur place « , déclarait il y a quelques jours Jan Egeland, conseiller pour les affaires humanitaires de l’envoyé spécial de l’ONU sur la Syrie. Tout en rappelant quelques fondamentaux du droit international humanitaire :  » Le sabotage et la privation d’eau sont évidemment un crime de guerre « , alors qu’ils plongent les civils dans la détresse.

La crise à Damas frappe par son ampleur : elle touche près de 5,5  millions de personnes, dans la capitale et ses environs. Mais c’est loin d’être la première fois que l’eau se retrouve au cœur du conflit dans le pays, depuis 2011.

Dans de nombreuses régions, l’accès à cette ressource est défaillant : la destruction des infrastructures a réduit de moitié la capacité de production dans le pays. A Damas, l’afflux de nombreux déplacés a provoqué une pression supplémentaire. L’eau a aussi été utilisée comme arme de guerre, à Alep par exemple, de part et d’autre de la ligne de front, au détriment des civils. Avant les derniers mois de la violente offensive des forces prorégime pour reprendre les quartiers rebelles, des négociations avaient permis des arrangements ponctuels durant la longue guerre d’Alep.

A Damas, un accord tacite a longtemps prévalu entre les rebelles du Wadi Barada et le régime : pas d’assaut contre la zone insurgée, pas de coupures d’eau dans la capitale. Cet équilibre a toutefois été brisé à plusieurs reprises par les combattants anti-Assad, soit pour prévenir une attaque, soit pour négocier. Avant un retour à la normale.

Négociations

Cette fois, la crise semble devoir durer tant que les combats se poursuivront dans la région de Wadi Barada, prise en étau entre l’armée syrienne et le Hezbollah libanais. Depuis vendredi 6  janvier, les annonces de visites d’équipes techniques mandatées par Damas, pour réparer les installations sur place, se sont succédé. Mais l’accès à cette poche, située à une quinzaine de kilomètres au nord-ouest de Damas, est impossible à cause de la violence des affrontements.Près de 10 000 personnes ont fui l’enclave rebelle. Selon une source onusienne, des négociations se sont poursuivies, lundi, entre belligérants, pour  » permettre la maintenance des infrastructures et parvenir à un accord dans la zone « .

Dans un entretien à des médias français qui accompagnaient la visite de parlementaires en Syrie le week-end du 7  janvier, le président Bachar Al-Assad a exclu l’idée d’une trêve :  » Le rôle de l’armée syrienne est de libérer ce secteur afin d’empêcher les terroristes d’user de – l’arme de – l’eau pour faire suffoquer la capitale.  » Alors que l’opposition dénonce des violations de la trêve, l’armée justifie la poursuite de l’offensive, malgré le cessez-le-feu, par la présence de combattants du Front Fatah Al-Cham (ex-Front Al-Nosra, émanation d’Al-Qaida),qui ne sont pas concernés par la trêve. Une présence démentie par les rebelles, mais dont fait état l’Observatoire syrien des droits de l’homme.

Pour le pouvoir, l’enjeu n’est pas seulement de sécuriser les sources d’eau qui alimentent la capitale, mais de venir à bout des poches rebelles autour de Damas. Un objectif que le régime est d’autant plus déterminé à atteindre qu’il est en position de force depuis la reconquête d’Alep, le 22  décembre, et que de nouvelles négociations doivent s’ouvrir à Astana, au Kazakhstan, parrainées par Moscou et Ankara.

Laure Stephan

© Le Monde