Syrie: blocage généralisé, au Conseil de sécurité comme à Genève

L’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura (cetre) lors des négociations sur la Syrie à Genève, le 28 février 2017 (Afp)

Le blocage est général autour du dossier syrien: au Conseil de sécurité, où Russie et Chine ont empêché des sanctions contre le régime de Damas, et à Genève, où les pourparlers de paix s’enlisent.

Le vote de mardi à l’ONU à New York, sur l’éventualité de sanctionner le régime syrien pour utilisation d’armes chimiques, a marqué le premier grand désaccord entre Washington et Moscou depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Le président russe Vladimir Poutine l’avait répété avant le vote: des sanctions contre le pouvoir syrien seraient « inopportunes » dans le contexte des pourparlers engagés à Genève sous l’égide de l’ONU. Et les actes ont suivi les paroles, avec le veto de la Russie mais aussi celui de la Chine et le vote négatif de la Bolivie face à neuf voix en faveur des sanctions et trois abstentions.
« C’est un triste jour pour le Conseil de sécurité quand les membres commencent à trouver des excuses à d’autres Etats membres qui tuent leur propre peuple », a réagi l’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley.
Les Etats-Unis et la Russie sont chacun impliqués sur le terrain en Syrie, Washington à la tête d’une coalition internationale luttant contre le groupe jihadiste Etat islamique, la Russie en soutien de son allié le président syrien Bachar al-Assad.
Les Européens s’étaient montrés inquiets ces dernières semaines d’un éventuel changement de position radical des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie. Mais sur le dossier syrien, Washington s’est donc de nouveau rangé du côté du Royaume-Uni et de la France.
Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Marc Ayrault a accusé la Russie de porter « une lourde responsabilité vis-à-vis du peuple syrien et du reste de l’humanité ».
C’est la septième fois que Moscou utilise son veto pour protéger le régime de Bachar al-Assad face aux sanctions de l’ONU. La Chine a rejoint la Russie pour bloquer six de ces sept résolutions.
La nouvelle proposition de sanctions suivait une enquête conjointe menée par les Nations unies et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui avait conclu en octobre que le régime syrien avait mené au moins trois attaques avec des armes chimiques en 2014 et 2015.
Les enquêteurs avaient déterminé que les jihadistes du groupe Etat islamique avaient eux aussi utilisé du gaz moutarde en 2015.
La Syrie a toujours nié avoir utilisé des armes chimiques dans ce conflit qui a fait plus de 310.000 morts depuis 2011.
Mercredi, à 13h00 GMT, de nouvelles révélations pourraient intervenir sur les exactions dans les deux camps, avec les conclusions de la commission d’enquête de l’ONU sur les allégations de violations des droits de l’Homme à Alep entre juillet et décembre 2016.
Blocage à l’ONU donc, et blocage à Genève, où les négociations patinent depuis leur ouverture jeudi, butant sur des questions de procédures et sur le fossé immense entre les deux parties.
Si l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura enchaîne les rencontres bilatérales avec les délégations syriennes, la perspective de négociations directes entre belligérants apparaît toujours très éloignée. Vladimir Poutine a fait allusion à ces difficultés mardi, reconnaissant depuis le Kirghizstan que « tout ne se passe pas aussi facilement qu’on le voudrait ».
Les discussions achoppent notamment sur la volonté de la Russie de faire de la lutte contre le terrorisme une priorité à l’agenda, ce qui pourrait aliéner certains groupes d’opposition ayant des liens avec des combattants islamistes.
Le régime syrien « n’est pas contre l’agenda proposé, mais il dit aussi que la question du terrorisme ne peut pas être ignorée », a insisté le ministre adjoint des Affaires étrangères russe, Guennadi Gatilov, qui doit rencontrer la délégation de l’opposition ce mercredi.
Ecarté de ces négociations de Genève, comme le groupe Etat islamique, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda ne compte pas renoncer à combattre militairement le régime de Damas.
Dans une rare vidéo, le chef de Fateh al-Cham a revendiqué une nouvelle fois les attaques qui ont tué des dizaines de personnes samedi à Homs, dont un proche du président Bachar al-Assad.
« Le régime ne comprend que le langage de la force et du sang », a déclaré Abou Mohammad al-Jolani, estimant que les « politiciens (présents à Genève) offrent au régime une victoire sans combat ». Et d’avertir que ces attaques « ne sont qu’une étape dans une série qui va se poursuivre ».
Al-Qaïda était également au coeur des préoccupations mardi aux Etats-Unis où, selon un responsable anonyme, les agences de renseignement sont mobilisées pour confirmer la mort en Syrie du numéro 2 d’Al Qaïda, Abou Kheir al-Masri.
Sa mort, si elle est confirmée, appellera « presque certainement » une riposte des jihadistes, « depuis la Syrie ou autre part dans le monde », a commenté Charles Lister, du Middle East Institute, un centre de recherche basé à Washington.

(01-03-2017 – avec les agences de presse)

 

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