La rébellion s’effondre à Alep-Est

Le Monde du 29 novembre 2016

La rébellion s’effondre à Alep

L’armée syrienne et ses milices tiennent désormais près d’un tiers de la partie insurgée de l’ancienne capitale économique de la Syrie. La chute de la ville marquerait un tournant dans le conflit

 

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Jamais, sans doute, le désespoir des -civils n’avait été aussi grand dans les quartiers rebelles d’Alep. Dans ces faubourgs assiégés, les bombardements menés par les forces du régime syrien et ses alliés sont dévastateurs, depuis leur nouvelle offensive lancée il y a quinze jours. Depuis samedi 26  novembre, plusieurs positions rebelles se sont effondrées sans véritable résistance. Alors que l’armée syrienne et ses milices tiennent désormais près d’un tiers de la partie insurgée, et que le désastre humanitaire s’aggrave, de nombreux habitants pressentent que le sort de l’est d’Alep est scellé.

 » Si les bombardements se poursuivent avec la même intensité, et que le régime maintienne sa tactique de siège, la chute d’Alep va s’accélérer « , juge Bassam Al-Ahmad, un militant des droits de l’homme exilé en Turquie, qui recense les exactions commises par les acteurs du conflit syrien. Ville symbole, ancienne -capitale économique de la Syrie avant que son activité industrielle soit anéantie par les combats, Alep est aujourd’hui l’épicentre de la guerre. Divisée en deux depuis 2012, entre quartiers loyalistes à l’ouest et faubourgs rebelles à l’est, séparés par une ligne de démarcation qui traverse la vieille ville, la cité revêt aussi une place à part en raison de l’importance de sa population : 1,5  million d’habitants, dont la plupart résident aujourd’hui dans la zone gouvernementale.

Le pouvoir de Bachar Al-Assad ne s’est jamais résigné à la perte des quartiers de l’est d’Alep, qui comptaient parmi les plus défavorisés de la ville. Avant d’être en mesure de lancer les offensives d’ampleur qui se sont succédé depuis le début de l’année, grâce au puissant soutien aérien apporté par Moscou, les forces loyalistes n’avaient eu de cesse de cibler, au moyen de bombes barils, la partie orientale de la ville. Des frappes qui ont entraîné de vastes destructions sans réellement affaiblir, alors, une rébellion bien armée, composée en grande partie de combattants locaux, et divisée en plusieurs groupes sou-tenus, selon leur bannière, par des parrains régionaux – Qatar, Arabie saoudite, Turquie – ou internationaux, Etats-Unis en tête.

 » Mais, aujourd’hui, les combattants de l’opposition sont isolés, estime Elias Farhat, analyste militaire et ancien porte-parole de l’armée libanaise. Leurs tentatives pour briser le siège de l’est d’Alep – imposé en juillet, brièvement levé en août, puis à nouveau en vigueur depuis septembre – ont toutes échoué. Chaque perte humaine est cruciale : leurs effectifs ne peuvent plus être reformés, pas plus que leur stock d’armes ne peut être regarni. « 

Idlib,  » tombeau  » des rebelles ?Pour les combattants anti-Assad, perdre Alep signerait une défaite majeure, la plus grave peut-être depuis la chute des principaux quartiers rebelles d’Homs en  2012, ville que l’opposition avait surnommée la  » capitale de la révolution « . Sans minimiser l’importance des revers essuyés depuis samedi, quand les forces prorégime se sont emparées du vaste quartier d’Hananu ainsi que d’autres faubourgs voisins, des groupes rebelles – comme Jabha Chamia ( » le Front syrien « ), cité par l’agence Reuters – assurent que la -bataille s’annonce féroce dans les zones qu’ils contrôlent encore, pour l’essentiel dans le sud-est d’Alep. D’autres, en revanche, insistent sur la pression à laquelle ils sont soumis. L’offensive du régime est menée par des milliers de combattants financés par -Téhéran – les hommes du Hezbollah libanais et les miliciens chiites irakiens en tête – aux côtés de l’armée syrienne, qui a déployé dans la région d’Alep ses unités d’élite.

Le rapport de forces s’était déjà profon-dément modifié en faveur du régime depuis que la Russie avait volé au secours de son  » protégé « , en septembre  2015. Mais la chute d’Alep pourrait marquer un tournant décisif, car l’opposition armée, qui s’est aussi -affaiblie dans les alentours de Damas, perdrait ainsi le principal champ de bataille qui lui permettait de peser militairement. Les quelque 8 000 rebelles d’Alep risqueraient alors de se retrouver cantonnés dans la province voisine d’Idlib.

Celle-ci est devenue un fief de l’Armée de la conquête, une alliance rebelle dominée par l’ex-Front Al-Nosra affilié à Al-Qaida et le mouvement salafiste Ahrar Al-Cham, qui s’en était emparé au printemps 2015. C’est aussi le lieu vers lequel ont été conduits les combattants chassés de plusieurs poches rebelles – dans les régions de Damas ou d’Homs – au terme d' » accords  » locaux négociés avec le régime. Cette province, depuis laquelle des renforts étaient parvenus vers les quartiers insurgés d’Alep, en août, est aujourd’hui la cible d’intenses bombardements russes. Des caciques du régime de Damas ont promis qu’Idlib serait le  » tombeau «  des rebelles.

 » Occasions manquées « L’accélération de l’offensive à Alep est due, selon plusieurs observateurs, au vide diplomatique international ouvert par la transition présidentielle en cours aux Etats-Unis. La seconde ville de Syrie est devenue, au fil du temps, l’un des principaux théâtres de la guerre par procuration que se livrent les puissances étrangères en Syrie.

Certains analystes, pro ou antirégime, relaient aussi la thèse d’un abandon par la Turquie des insoumis d’Alep, en vertu d’une entente supposée avec l’Iran et la Russie, en contrepartie d’un feu vert donné à ses opérations contre les Kurdes. Ankara a longtemps joué un rôle essentiel dans le conflit syrien, en laissant passer à ses frontières les armes destinées à la rébellion.

Assiégée, affaiblie par le fiasco de sa contre-offensive à l’ouest d’Alep en novembre, divisée par de récents affrontements internes, l’opposition armée a vu sa capacité d’agir diminuer. Pour Elias Farhat, l’isolement des rebelles d’Alep-Est s’explique aussi par les  » occasions manquées «  par les combattants anti-Assad.  » Ils se sont opposés aux différentes initiatives : celle de Staffan de Mistura – l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie – pour obtenir le départ des djihadistes du Front Fatah Al-Cham – l’ex-Front Al-Nosra – , celle de Damas et de Moscou, qui avaient proposé des couloirs de sortie – pour les civils assiégés – , estime l’ancien militaire libanais. Les djihadistes ont imposé une ligne jusqu’au-boutiste. « Les appels à la reddition ou au départ de certaines factions s’apparentaient, aux yeux des rebelles, modérés ou radicaux, à une défaite. Au-delà des djihadistes, puissants mais minoritaires, cible affichée des raids aériens russes, Moscou n’a pas hésité à pilonner les infrastructures de santé et l’ensemble de la zone rebelle, faisant de nombreuses victimes civiles.

Avec les succès militaires engrangés par le régime, le destin des quelque 250 000 habitants d’Alep-Est est en train de se jouer. Plusieurs milliers ont fui vers des zones sous contrôle gouvernemental ou tenues par les forces kurdes. De nombreux autres se sont déplacés à l’intérieur de la poche rebelle, en quête d’un lieu moins exposé aux bombardements et aux combats de rue.

 » Ce sont les civils qui paient le prix le plus élevé de la bataille, déplore Bassam Al-Ahmad, consultant pour la Fédération internationale des droits de l’homme. Ils sont utilisés comme des instruments. Le régime dit les évacuer pour leur sécurité, l’opposition dit les protéger et les Kurdes sont dans le même discours. «  Il estime que le  » déplacement forcé «  de civils par le régime a déjà commencé.

Amnesty International s’inquiète du risque de  » représailles «  qui pèse sur les habitants. L’organisation cite un activiste local, selon lequel des familles vivant dans les quartiers d’Hananu et de Jabal Badro, repris par les forces prorégime, sont terrées  » dans leurs maisons et ont peur de se déplacer à cause de la présence partout de soldats du gouvernement syrien « . Les médias d’Etat ont pour leur part filmé des opérations d’évacuation de civils vers des  » lieux sûrs «  mais inconnus, et le pouvoir syrien – comme Moscou – a accusé à de multiples reprises les groupes rebelles de tenir en otage les habitants. Le sort des Alépins de l’est de la ville est d’autant plus dramatique que les stocks de nourriture sont quasi épuisés, et que les moyens des secouristes locaux se sont amenuisés.

Laure Stephan Le Monde

Le conflit au Moyen-Orient vu par un colonel russe

Observations préalables de l’AFS:

Notre ami Alain Corvez, Administrateur de l’AFS, nous transmet une interview d’un Colonel Russe du renseignement opérant en Syrie. Cet avis est intéressant mais doit être mis en perspective avec les nombreux articles que nous avons publiés mettant en relief une lecture différente de la crise en Syrie.

Quelques que soient les approches et analyses géopolitiques pour chercher à comprendre ce qui se passe en Syrie depuis près de 6 ans, l’AFS ne cessera pas d’appeler à la négociation et à la paix afin que cessent les souffrances du peuple syrien.

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 Texte de l’interview dont la traduction laisse à désirer:
> Cette situation n’est pas sans rappeler EN PARTIE , celle de l’Afghanistan dans les années 70  / 80
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>  En Syrie, nous combattons pour la Russie
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> Le conflit au Moyen-Orient vu par un colonel russe du renseignement agissant en Syrie
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> Par Vladislav Chouryguine, expert militaire russe – Le 25 août 2016 – Source old.zavtra.ru<http://old.zavtra.ru/content/view/v-sirii-myi-byomsya-za-rossiyu/>
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> La cause principale de cette opposition en Syrie, si longue et si saignante, c’est en fait l’intervention en Syrie d’une internationale terroriste créée et soutenue par tout un groupe de pays, à savoir des monarchies du Golfe avec en tête l’Arabie saoudite, le principal client du soi-disant Printemps arabe, ce projet géopolitique de la dynastie des Séouds, à savoir le repartage wahhabo-salafiste du Grand Moyen-Orient réalisé depuis plus de quarante ans par les Saoudiens, leurs alliés du Qatar et la Turquie islamiste d’Erdogan qui s’y est jointe ces dernières années.
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> Après les tentatives échouées des années 1960 de rassembler l’Orient arabe et l’Afrique du Nord dans une formation géopolitique unie sous le drapeau du parti socialiste panarabe Baas, auxquelles la dynastie saoudite s’est opposée avec rage, y voyant une menace à son existence, Riyad lui-même s’est mis à l’unification du Moyen-Orient, mais sous son propre protectorat cette fois-ci.
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> Dans le cadre de ce plan, les Saoudiens ont établi, depuis le début des années 1970, des relations on ne peut plus étroites avec les États-Unis, en jouant le rôle d’alliés prodigues et généreux des Étasuniens au Moyen-Orient et prêts à les suivre partout. Deux générations de politiciens et diplomates étasuniens ont grandi grâce aux investissements et pots de vin de plusieurs milliards de dollars saoudiens. Avec leur soutien et par leurs propres actions, les Saoudiens, dans les années 1990-2000, ont d’abord affaibli et isolé, puis « nettoyé » les régimes laïques les plus puissants du Moyen-Orient, l’Irak et la Libye, et éliminé le parti Baas en tant qu’adversaire géopolitique.
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> L’étape suivante de l’expansion saoudite a commencé par le soi-disant «Printemps arabe» durant lequel des détachements et des armées entières d’extrémistes alimentés par l’argent de l’Arabie saoudite ont entrepris leur marche victorieuse à travers le Moyen-Orient en s’emparant des pays l’un après l’autre. L’Arabie saoudite et le Qatar sont les sponsors et les curateurs principaux de Daesh comme d’al-Nosra, cette fameuse al-Qaïda, ainsi que de tout un peloton de groupements terroristes de toute sorte.
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> Les États-Unis ont soutenu ce plan d’une manière on ne peut plus active, ayant cru aux promesses des Saoudiens de «modeler» cette région clé selon les intérêts étasuniens, ce qui s’inscrivait parfaitement dans le projet géopolitique des États-Unis visant à mettre sous leur contrôle total le «robinet» pétrolier principal de la planète.
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> Mais le plan des Saoudiens a très rapidement échoué. Leur progression vers un califat mondial a suscité l’opposition stricte de l’autre pôle du monde arabe, l’Iran chiite, qui a vu dans cette expansion une menace directe à son existence même. Tous les pays occupés par des forces saoudiennes ont vu apparaître des manifestations chiites, très vite transformées en opposition armée. Un autre échec du plan a eu lieu en Égypte, où les curateurs étasuniens, apeurés par une revanche brusque des islamistes, ont éliminé le groupement pro-saoudien de Morsi par l’intervention des militaires égyptiens. Ensuite le Drang nach Osten de Riyad a dérapé définitivement en Syrie, quand le gouvernement d’Assad a été soutenu par l’Iran puis par la Russie.
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> La position de Riyad a été affaiblie encore davantage par le soutien iranien des chiites en Irak qui, ayant pris le pouvoir, repoussent peu à peu Daesh de plus en plus loin dans le désert.
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> Après la levée des sanctions contre lui, l’Iran sort activement de l’isolement politique, démontrant de plus en plus clairement sa volonté de prendre part, avec détermination, au processus du repartage du Moyen-Orient et de faire valoir ses intérêts nationaux.
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> Nous sommes en présence d’une crise systémique où l’Arabie saoudite, n’ayant visiblement pas mesuré ses forces, s’est avérée incapable d’appliquer son plan géopolitique de s’emparer du Grand Moyen Orient.
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> Afin de se tirer de cette impasse, les princes saoudites essaient de transformer la guerre anti-Assad en Syrie – devenue sans perspective – en guerre de tous les sunnites contre les kouffar, les mécréants, en tentant de faire passer pour tels l’Iran et la Russie, une guerre dans laquelle les Saoudiens se réservent le rôle des défenseurs de la foi, des Saladins contemporains.
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> Sans l’Arabie saoudite, cette «matrice» du terrorisme, la guerre contre les islamistes serait depuis longtemps devenue une affaire locale des gouvernements des pays atteints. Mais le soutien financier, militaire et pratique des radicaux islamistes par les Saoudiens et les Qataris rend cette hémorragie chronique.
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> La Syrie actuelle est devenue en fait le champ de bataille global de trois projets géopolitiques, à savoir saoudo-salafiste, iranien et étasunien. Curieusement, la Russie paraît demeurer le seul pays [Protection de son ventre mou ??, NdT] qui, tout en prenant une part active au conflit, ne réalise pas ici son propre projet géopolitique, mais ne fait que défendre ses intérêts nationaux. Les intérêts de la Chine sont encore moins visibles ici [Route de la soie ??, NdT], elle observe attentivement la lutte, selon le principe chinois ancien, comme un singe observant depuis sa montagne un combat de tigres…
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> La Turquie, c’est un sujet à part. Il y a quelques années, les intérêts d’Erdogan, des Saoudiens et des Qataris dans la question syrienne ont coïncidé. À l’époque le «Printemps arabe» faisait rage. Des régimes tout-puissants tombaient les uns après les autres : la Tunisie, l’Égypte, le Yémen, la Libye… Des partis et des groupements islamistes y prenaient le pouvoir. Le tour de la Syrie était venu. Toute une concession, composée de l’Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, s’était formée pour son partage. Chacun des concessionnaires avait ses propres prétentions envers le gouvernement de Bachar el-Assad, avides qu’ils étaient de détacher de la Syrie des morceaux tentants tout en se renforçant par ce partage.
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> Pour le Qatar et l’Arabie saoudite le territoire de la Syrie est un corridor de transport pour des nouveaux oléoducs et gazoducs, ainsi que le contrôle de Damas, l’un des centres mystiques principaux du Moyen-Orient, dont la prise par Daesh aurait signifié une montée au niveau quasi-étatique et un affermissement définitif de son rôle de leader de la renaissance islamique. Pour les Turcs, le contrôle des provinces du nord de la Syrie et d’Alep aurait signifié une victoire stratégique dans sa guerre demi-séculaire contre les Kurdes – le mal de tête principal de la Turquie – qui se seraient trouvés dans l’isolement complet, coincés entre les Turcs et Daesh. Voilà comment la coalition irréconciliable anti-Assad est née.
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> Mais bientôt la divergence des buts entre les Saoudiens et les Turcs s’est manifestée. Les princes saoudiens bâtissent un califat wahhabite mondial qui devrait réunir tous les sunnites sous son drapeau noir, tandis que la Turquie aspire à élever son influence jusqu’au niveau d’une puissance régionale. Erdogan, tout en restant islamiste, n’est pas un fanatique religieux et ne voit guère la Turquie en tant que partie d’un califat saoudite. Son but est de moderniser la Turquie en empire indépendant Osman du XXIe siècle.
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> Tandis que pour les Saoudiens une marche arrière est impossible, Daesh étant impliqué dans la guerre implacable contre le monde entier et des centaines de milliards de dollars de l’Arabie saoudite et du Qatar y étant déjà investis, pour Erdogan tout semble encore possible. 
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> Pendant deux années la Turquie a essayé de manœuvrer entre les centres de force mondiaux, en cherchant l’appui tantôt auprès des États-Unis, tantôt auprès de l’Allemagne, tantôt auprès de la Russie. Pourtant les Étasuniens, comme les Européens, n’ont pas manifesté d’intérêt à rapprocher  la Turquie, tout en la laissant dans l’antichambre de l’UE à laquelle la Turquie aspirait tant à adhérer. 
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> Les partenaires d’hier dans la coalition anti-Assad, mécontents de l’incohérence d’Erdogan, ont frappé ostensiblement l’aéroport d’Istanbul, ce qui était une « marque noire » adressée à Erdogan pour lui faire comprendre qu’il pourrait bien emboîter le pas à Hussein, Kadhafi et Assad et, après eux, être déclaré hors la loi s’il continuait à mener sa politique ambiguë, et pour démontrer leur empressement à étendre le djihad au territoire turc. En même temps un putsch militaire a été provoqué à Ankara et à Istanbul, visant au renversement d’Erdogan et au rétablissement du modèle «traditionnel» de gestion de la Turquie, à savoir du régime laïque sous le protectorat de l’armée. Il est évident que les Étasuniens possédant des possibilités énormes de renseignement dans cette région clé ne pouvaient pas ignorer un putsch en préparation et peut-être se trouvaient derrière ses organisateurs, si l’on considère les liens solides entre l’administration militaire turque et les états-majors américains. Néanmoins ils n’ont pas prévenu Erdogan du putsch en préparation et de ce fait se sont solidarisés avec les rebelles à ses yeux.
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> Dans cette situation Erdogan a décidé de rétablir manifestement ses relations avec la Russie, malgré le fait de les avoir rompues définitivement il y a un an en abattant le bombardier russe. Cette volte-face de la Turquie ne peut pas ne pas susciter une inquiétude extrême chez les Étasuniens, qui comprennent très bien que le rapprochement éventuel entre la Russie et la Turquie deviendra la menace la plus sérieuse à leurs plans géopolitiques pour cette région. Il est évident que les Étasuniens cherchent fébrilement des moyens d’y faire obstacle, mais ils n’ont pas de possibilités réelles. En tout cas, l’administration d’Obama ne les a pas. Il ne leur reste qu’une mesure extrême, celle de l’élimination physique d’Erdogan. Mais après le putsch récent ce serait très difficile…
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> Évidemment la Syrie est devenue une véritable écharde qui attire vers elle tout le pus du radicalisme islamiste. Qui n’a-t-on pas rencontré ici ? Il y a des Arabes, des Afghans, des Malaysiens, des Ouzbeks, des Kirghizes, des Ouïgours, des Caucasiens de Russie, des Africains, des Turcs, des Pakistanais, des Étasuniens, des Européens. Quels passeports n’a-t-on pas cueilli sur les cadavres ? On peut en faire toute une collection de tous continents, sauf peut-être l’Antarctique. Toute la basse pègre mondiale afflue ici comme dans une warzone où il est permis de tout faire : tuer, piller, violer, torturer, martyriser, exécuter par des procédés les plus sadiques. Et les soi-disant «combattants» se pervertissent en leurs fantaisies sanglantes : des décapitations, des incinérations, des immersions, des démembrements collectifs. Ils organisent des vrais spectacles de la mort, aux rituels et à la mise en scène minutieusement réfléchis. Cette cruauté devrait, selon eux, priver leurs adversaires de toute volonté de résistance, les démoraliser et les paralyser.
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> Il faut dire que les chefs des radicaux, connaissant bien la valeur de leur matériel humain, ne se gênent guère avec lui. La mort est la seule punition admise ici. On tue pour tout. Le degré de punition ne diffère que par le procédé du meurtre. Pour la lâcheté, pour «l’espionnage» (c’est le «complexe» principal des soldats de l’Islam, le soupçon permanent de tous d’espionnage et de trahison), pour la non-exécution d’un ordre, pour des erreurs et des échecs. De sorte qu’une fois la frontière syrienne traversée, le combattant est poussé en avant par les transes de la mort, qu’il noie dans une atrocité envers tout ce qui n’est pas partisan de l’islamisme. Ce sont de vrais zombies ! Et il est impossible de comprendre s’ils sont mûs par leur foi fanatique ou par leur peur de recevoir la mort de la main de leurs confrères.
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> C’est pourquoi il est si facile d’enrôler ici des chahîds suicidaires. Maintes fois nous les avons capturés vifs, donc nous sommes au courant du mécanisme de cet enrôlement. C’est qu’en fait il n’existe pas ! On prend simplement des combattants ordinaires, pour la plupart des recrues jeunes et sans l’instruction nécessaire, et on leur annonce une volonté suprême, à savoir accepter le destin du chahîd. Si tu n’acceptes pas, une mort douloureuse dans une mise en scène sanglante de plus t’attend en tant que poltron et traître. Tout le monde est au courant de tels spectacles, car des exécutions publiques sont effectuées régulièrement dans des localités plus ou moins peuplées, occupées par des islamistes, dans le but d’effrayer les leurs et de maintenir la population locale dans une soumission servile. Donc la recrue peut choisir entre l’éparpillement instantané dans l’explosion ou les tortures suivies d’une longue mise à mort. D’habitude on choisit la première solution. 
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> Ensuite on se met à préparer le chahîd : des prédicateurs spéciaux l’imbibent pendant des semaines de récits sur l’exploit suicidaire pour la foi ; on le nourrit bien ; on lui amène des femmes, pour la plupart des esclaves captives, tout en lui promettant davantage de vierges dans les cieux ; on lui fournit souvent de la drogue, pas du tout interdite pour un vrai chahîd. De sorte qu’à la veille d’une attaque on a à sa disposition tout un détachement de chahîds tenus, jusqu’à leur «utilisation», séparément d’autres combattants, en fait en situation de prisonniers sous la garde de bandits expérimentés. Juste avant le combat, on leur annonce que leurs proches recevront une aide généreuse s’ils accomplissent leur devoir, ou qu’ils seront tués s’ils flanchent. Ensuite on les met au volant d’un camion bourré d’explosifs, aux leviers d’une BMP pleine d’obus ou bien on leur met une ceinture de chahîd – et en avant ! Allahou akbar ! Ces attaques de kamikazes sont le know how militaire principal des islamistes.
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> La plus grande illusion des philistins éloignés du sujet, c’est que toute la Syrie serait divisée sur le principe religieux. Selon eux, tous les sunnites seraient pour les islamistes, tandis que les chrétiens, les alaouites, les Kurdes et les chiites seraient pour le Damas officiel. 
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> Et que nous soutiendrions ceux qui sont en minorité. Un délire d’ignorant ! Les 90 % de la population de la Syrie actuelle sont tout simplement pris de peur tripale pour leur existence même et haïssent ceux qui ont fait dérailler leur vie paisible d’autrefois. Il suffit de visiter une seule fois un village sunnite libéré des islamistes pour voir des larmes aux yeux des gens que l’on vient de tirer littéralement de l’enfer. Il faut voir avec quel bonheur ils rasent leurs barbes détestées et se changent pour mettre un costume civil ordinaire, comment ils se redressent au sens propre du mot et comment ils reviennent à eux après le cauchemar.
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> Peut-on vaincre en Syrie ? C’est une question épineuse.
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> Si une telle tâche était fixée à l’armée russe, je crois qu’elle serait résolue en deux mois environ. 
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> Tandis qu’au plan tactique les combattants sont persévérants et fermes, combattent à mort pour chaque mètre, aux plans opérationnel et stratégique leurs actions ne sont qu’un ensemble de coups locaux, avec un manque total d’armements modernes. Les combattants ont des commandants expérimentés, capables de planifier et de porter des frappes imprévues, ils ont de bons éclaireurs, mais pour une résistance sérieuse, ils n’ont pas de moyens.
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> Le fait est que l’armée russe ne mène pas de guerre ici. Nous n’effectuons qu’un soutien aérien de l’armée syrienne et des milices populaires. Et ça, c’est un niveau tout à fait différent d’une participation militaire.
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> L’armée syrienne actuelle, c’est une équipe de sapeurs-pompiers qui se jette de tous côtés pour parer des attaques de terroristes. Elle n’a pas de forces pour agir d’un coup et partout. Les trois ans de guerre ont épuisé dramatiquement ses ressources humaines. C’est pourquoi ces ressources sont de plus en plus compensées par l’aide de chiites iraniens et libanais…
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> À part cela, comme j’ai déjà dit, il sera très difficile de mettre fin à la guerre sans avoir résolu le problème du sponsor principal des terroristes, l’Arabie saoudite. Si à chaque attaque des terroristes nous répondions par la destruction d’un palais de princes saoudiens au moyen des bombes et des missiles, la guerre finirait très vite. Mais ils se sentent en sûreté sous le protectorat étasunien de longue date. Et personne ne se décide à les accuser directement d’avoir déchaîné la grande guerre du Moyen-Orient.
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> Aujourd’hui nous visons à scinder la coalition anti-Assad en certains islamistes modérés prêts à dialoguer avec le pouvoir et en irréconciliables également inacceptables pour tous : pour les Étasuniens, pour les Iraniens et pour nous-mêmes. 
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> Ce processus est en progression, mais très lent et patinant affreusement. En premier lieu, c’est conditionné par la conduite des Étasuniens qui, menant soi-disant la guerre contre Daesh, ne font plutôt que la simuler tout en se concentrant sur une autre tâche, à savoir le renforcement et le soutien des islamistes modérés de toute sorte qui mènent la guerre contre Assad. En fait les Étasuniens sont occupés à repousser la Russie d’ici, et pas à vaincre Daesh. 
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> Il suffit de regarder les statistiques de leurs frappes aériennes sur les terroristes en Syrie et les comparer à celles en Irak durant la guerre du Golfe ou à celles en Libye, sur les troupes fidèles à Kadhafi.
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> Avec cela la communauté internationale ne prête pas attention, pour des raisons inconnues, au fait que les États-Unis, à l’égal de Daesh, prennent part à l’occupation de la Syrie, ayant déployé ses détachements dans les régions nord-ouest du pays sans aucun consentement du Damas officiel.
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> Peut-être quelque chose changera-t-il après les élections aux États-Unis, au cas où les Républicains, avec leur aversion prononcée pour le radicalisme islamiste, l’emportent. Mais c’est une question du futur éloigné.
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> C’est pourquoi nous menons ici des opérations sans nous imposer la tâche de vaincre. Aujourd’hui nous exterminons méthodiquement la lie radicale islamiste internationale afin de ne pas lui permettre de se précipiter vers nos frontières, sur notre terre – l’intention que les leaders des islamistes ne dissimulent guère. Et ceux de nous qui disent aujourd’hui que nous n’avons rien à faire en Syrie et que Daesh ne nous menace aucunement, soit biaisent, soit ignorent les faits. Il y a quatre ans, les leaders des radicaux ont déclaré nettement que leur but suivant après la Syrie, c’est l’Asie centrale, le Caucase et les régions islamiques de Russie. Et nous n’avons pas à négliger ces menaces.
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> En Syrie nous combattons pour la Russie !
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> Traduit par Roman Garev, relu par Catherine pour le Saker francophone
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USA et Russie trouvent un accord sur la Syrie

Accord sur la trêve.

  • Par Le Figaro.fr avec Reuters et AFP
  • Mis à jour
  • Publié

Les Etats-Unis et la Russie ont salué un accord majeur samedi visant à remettre en route le processus de paix en Syrie, notamment en instaurant une trêve dès lundi soir, en ménageant un accès aux opérations humanitaires et en visant conjointement des groupes islamistes. « Aujourd’hui, Sergueï Lavrov et moi, au nom de notre président et notre pays, appelons tous les acteurs syriens à soutenir le plan auxquels sont parvenus les Etats-Unis et la Russe, pour (…) mettre un terme le plus vite possible à ce conflit catastrophique par un processus politique », a dit le secrétaire d’Etat américain, John Kerry.

Le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a déclaré qu’en dépit d’une méfiance persistante, les deux camps ont mis au point cinq documents permettant une coordination du combat contre le terrorisme et une reprise de la trêve abandonnée sous une forme améliorée. Il a également dit que ce plan « permet de mettre en place une coordination efficace pour lutter contre le terrorisme, avant tout à Alep, et permet de renforcer le cessez-le-feu. Tout cela crée les conditions pour un retour au processus politique ».

S’il a salué l’accord, Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU, a dit « attendre de toutes les parties qu’elles facilitent les efforts des Nations unies visant à livrer de l’aide humanitaire aux populations qui en ont besoin, y compris celles qui vivent dans les zones assiégées ».

« Les Nations unies espèrent que la volonté politique qui a mené à cet accord est durable », a-t-il ajouté.

Une « cessation des hostilités » avait été mise en place par Moscou et Washington le 27 février dans tout l’ouest de la Syrie.

De la vérité de l’information.

Depuis le commencement des événements en Syrie en mars 2011 qui se sont progressivement transformés en conflit armé et insurrectionnel puis international, une autre guerre a commencé, dès le début, celle de l’information ou plus exactement de la manipulation de l’information.

Lorsque l’on est un honnête citoyen, ou une association comme la nôtre nous suivons l’actualité, rencontrons des journalistes, des hommes politiques, des spécialistes de géopolitique, des représentants des états français et syrien, des fonctionnaires, des diplomates et de simples citoyens se trouvant sur place et portant témoignage pour nous faire une opinion et analyser comment contribuer au respect des peuples, au dialogue et à la paix. Nous organisons des colloques, invitons des intervenants sérieux en vue de contribuer à une information plus équilibrée pour respecter notre engagement de neutralité. Ce n’est pas une tâche très facile. Malgré mille précautions, il nous arrive d’être accusés de pactiser avec l’ennemi, mais quel ennemi ? Nos lecteurs, nos adhérents et sympathisants et non sympathisants, hommes politiques seraient bien inspirés de prendre le temps de la réflexion. Ce temps pourrait passer par la lecture d’ouvrages dont les auteurs ont su prendre du recul. C’est ainsi que nous vous recommandons de lire l’excellent ouvrage de Michel Lemay intitulé VORTEX. La vérité dans le tourbillon de l’information publié aux éditions Québec Amérique inc en 2014.
L’auteur met en relief, à la suite d’une analyse rigoureuse, « qu’une partie de l’information que nous livre la presse est fausse. Ou recueillie, mise en forme et présentée de manière à manipuler, ce qui revient au même »…

« Parce que le public sait qu’on le trompe et qu’on le regarde de haut, le cynisme progresse et la confiance recule. »
« Ce n’est évidemment pas toute l’information qui est fausse. La vaste majorité des journalistes sont immergés, on aurait envie de dire coincés, dans un système, une culture, une mentalité qui ne changera pas facilement. Et ce système tolère, voire cultive et met en vedette l’information fausse, avec laquelle doit cohabiter comme elle peut, l’information honnêtement faite, qui ne part pas gagnante ».

A la lumière de cette analyse critique qui ne doit pas épargner les gouvernements ou ceux que la classe politique et la presse appellent le Régime de Bachar El-Assad, nous prenons le risque de publier deux types d’informations sur la situation à Alep à l’heure où les belligérants ont accepté une suspension très provisoire des hostilités.
Il s’agit d’une interview du Dr Antaki qui réside et travaille à Alep et un compte rendu d’Assawra – الثورة Site du Mouvement Démocratique Arabe
موقع الحركة العربية الديمقراطية.

https://assawra.blogspot.fr/2016/05/syrie-retour-au-calme-alep-grace.html

http://arretsurinfo.ch/alep-linformation-mensongere-continue-par-nabil-antaki/

On pourra constater que même des personnes modérées relatent les évènements d’une manière différente.
Cependant le témoignage de l’un et la position de l’autre méritent l’attention à égalité de traitement pour comprendre les évènements.
Car au-delà d’un problème classique de la vérité de l’information ou d’un témoignage, il apparait de plus en plus urgent de dire la vérité afin que les négociations de paix puissent progresser et que le peuple syrien trouve les voies et moyens de la réconciliation. Les grandes puissances devraient aider à faire éclore cette vérité et de contribuer à voir la réalité d’un conflit qu’elles ont alimenté en fonction de leurs propres intérêts.
Le Bureau de l’Association France Syrie. A Paris le 10 mai 2016.