Nous avons estimé intéressant de procéder à une analyse comparative de certains articles parus dernièrement sur l’échec de l’accord des membres du Conseils de sécurité sur l’adoption d’une résolution en vue d’un cessez le feu et des conséquences notamment sur les relations entre la France et la Russie.
Nous avons publié in extenso l’article du Monde à défaut d’avoir un lien renvoyant à cet article.
La diplomatie explosive de Riyad
Un méchant vent de sable souffle sur l’Arabie saoudite. Il vient de l’Ouest. Le royaume inspire une défiance croissante à ses amis occidentaux. Le mariage, économique et militaire, entre Washington et Riyad reste un des piliers de » l’équilibre » géopolitique au Moyen-Orient. Mais il est chaque jour un peu plus chahuté. Glissement progressif vers une lente séparation ? Sans doute pas, ou pas encore. Détérioration sans précédent de l’ambiance entre la maison des Saoud et son protecteur américain ? Assurément. C’est l’une des évolutions stratégiques profondes dans la région.
Mercredi 12 octobre, le New York Times appelait l’administration Obama à cesser d’être complice des atrocités commises au Yémen. Avec l’appui politique et la logistique militaire des Etats-Unis, l’Arabie saoudite bombarde la capitale yéménite, Aden. Un tiers des raids, au moins, disent nombre d’observateurs internationaux, visent la population civile. Si les frappes menées par l’aviation russe contre la ville d’Alep en Syrie relèvent du » crime de guerre « , il en va de même de celles conduites par nos amis saoudiens au Yémen.
Depuis un an et demi, Riyad s’efforce sans succès de réduire l’insurrection de tribus houthistes au Yémen, au prétexte qu’elles sont soutenues par la République islamique d’Iran – l’ennemie des Saoud. Washington a donné son aval à cette mini-guerre régionale. Mais la grogne monte aux Etats-Unis, au Congrès notamment, à mesure que défilent des images aussi insoutenables que celles d’Alep : corps déchiquetés dans les décombres d’immeubles fauchés par les bombes saoudiennes.
Quelques jours plus tôt, le même Congrès votait une loi d’exception destinée à permettre aux familles des victimes du 11 septembre 2001 de poursuivre Riyad, au motif que quinze des dix-neuf auteurs des attentats étaient des ressortissants saoudiens. Il n’y a pas si longtemps, le Congrès passait pour l’un des piliers de l’alliance amé-ricano-saoudienne. « Les temps changent… « , chantait Bob Dylan. Sur fond d’autonomie énergétique de mieux en mieux assurée, les Etats-Unis mènent dans la région une politique que l’Arabie saoudite juge contraire à ses intérêts : renversement en 2003 de l’Irakien Saddam Hussein, qui tenait l’Iran en respect ; sympathie affichée à l’égard des » printemps arabes » ; passivité, au mieux, dans la lutte pour le renversement du Syrien Bachar Al-Assad, l’un des pions de l’expansionnisme perse en terres arabes ; enfin, rapprochement esquissé, justement, vers l’Iran, ce concurrent du royaume pour la prépondérance régionale.
Quelque chose s’est cassé dans l’union baroque conclue en 1945 entre Ibn Saoud et Franklin Roosevelt : j’assure ton pétrole, tu garantis ma sécurité. Mais quoi ? Réponse : le 11 septembre 2001 – et la lente prise de conscience du rôle joué par le royaume dans la dif-fusion d’une version radicale de l’islam, qui est l’une des matrices idéologiques du terrorisme djihadiste. Agrégé d’histoire, -ancien haut fonctionnaire, essayiste, Pierre Conesa décrypte fort bien cette histoire dans son dernier -livre : Dr Saoud et Mr Djihad, la -diplomatie religieuse de l’Arabie saoudite (Robert Laffont, 306 p., 20 euros, préface d’Hubert -Védrine).
L’Arabie saoudite est née de l’alliance scellée à la fin du XVIIIe siècle entre la famille des Saoud et celle des Al-Shaikh. Pour assurer leur domination militaire et politique sur le pays, les Saoud sont en quête de légitimité religieuse. La tribu des Al-Shaikh va la leur fournir : elle abrite en son sein l’un des plus grands -prédicateurs de l’époque, Abdel Wahab, partisan d’un retour à ce qu’il croit être l’islam des ori-gines. Cette version de l’islam – brutale, haineuse, into-lérante – sera le brevet de légitimité intérieure des Saoud et leur passeport de légitimité extérieure dans le monde arabo-musulman.
Apprenti sorcierDonnant-donnant : les Saoud veulent assurer leur pouvoir temporel ; les oulémas wahhabites désirent propager leur interprétation de l’islam sunnite. Le prosélytisme religieux fait partie de l’ADN du royaume. Chaque fois que la famille régnante éprouve un besoin de relégitimation, elle fait des concessions aux oulémas. Au fil des ans, et de la hausse du prix du pétrole, ceux-là sont dotés des instruments d’une formidable diplomatie religieuse.
Elle est organisée en réseaux, -explique Conesa : » Sans être totalement contrôlée au plus haut niveau de l’Etat « , elle est soutenue par lui, » elle associe l’action publique et celle de fondations privées « . L’auteur décrit par le détail cette machine à distribuer des bourses, de l’argent, à construire des mosquées, payer des imams, faire de l’humanitaire, édifier des universités – l’ensemble au service d’un objectif : essaimer leur version de l’islam sunnite.
L’ambition des oulémas du royaume est planétaire : le monde arabe, l’Afrique, l’Asie et l’Europe de nos banlieues sont visés. Tout -allait bien tant que le wahhabisme servait, durant la guerre froide, à contrer le nationalisme arabe, tiers-mondiste et socialisant, ou, plus tard, les visées expansionnistes – réelles – de l’islam chiite révolutionnaire iranien, ou encore à entretenir la lutte contre l’URSS en Afghanistan. Mais, par une lente maturation souterraine, le wahhabisme va aussi être l’un des éléments de la folie meurtrière djihadiste. Apprenti sorcier, le royaume lui-même n’est pas épargné. Il a joué, il joue, avec le djihadisme pour s’opposer à ce qu’il perçoit comme une offensive de l’Iran chiite contre le monde sunnite.
Entre Washington, l’Europe et leur allié saoudien, les contrats d’armements sont toujours ver-tigineux, les relations financières aussi denses. Mais la responsabilité de Riyad dans la propagation du cancer wahhabite suscite une défiance croissante. Elle mine, doucement, la relation avec les Occidentaux.
par Alain Frachon
http://www.madaniya.info/2016/10/13/france-syrie-riposte-russe/
-et puis avec cet autre article publié dans Libération sous la signature notamment de Hala Kodmani.
Alep : les intox des avocats de la Russie
Retrouvez cet article sur le site de Libération : http://www.liberation.fr/planete/2016/10/12/alep-les-intox-des-avocats-de-la-russie_1521580
Vous pourrez ainsi comparer et vous faire votre propre opinion. L’AFS quant à elle ne prend pas position à raison de son engagement de neutralité mais appelle à la cohérence politique de la France et des puissances occidentales pour arriver à une vrai dialogue pour sortir de cette guerre atroce.
Ces articles sont également à rapprocher de celui notre amie Caroline Galactéros dont la rigueur dans son analyse géopolitique n’est plus à démonter sachant qu’une telle analyse n’a pas oublié le massacre de la population d’ALEP-Est prise au piège des djihadistes. et des bombardements.