En pleine débâcle, l’EI accusé de nouvelles exactions en Syrie

Des enfants jouent dans une rue d’al-Qaryatain, récemment reprise aux jihadistes de l’EI, le 22 octobre 2017 en Syrie (afp)


Le groupe Etat islamique (EI) a été accusé lundi d’avoir « exécuté au moins 116 civils » dans une ville du centre de la Syrie avant d’en être chassé, les jihadistes ne contrôlant plus qu’un territoire restreint dans ce pays en guerre.
Cible de multiples offensives, l’EI subit depuis des mois revers après revers en Syrie et en Irak voisin. Il vient d’être chassé par une alliance de combattants kurdes et arabes de Raqa, son ancienne « capitale » de facto en Syrie et voit s’écrouler son « califat » autoproclamé sur les régions conquises en 2014.
Le groupe ultraradical, qui s’est fait connaître pour ses exactions souvent mises en scène de manière spectaculaire, conserve toutefois sa capacité à riposter de manière meurtrière, par des exécutions ou des attentats à travers le monde.
« Durant les 20 jours où il a contrôlé al-Qaryatayne, l’EI a exécuté au moins 116 civils (…), après les avoir accusés de collaboration avec les troupes du régime », a indiqué lundi à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Cette localité de la province de Homs a été reprise samedi aux jihadistes par les forces du régime de Bachar al-Assad.
Selon M. Abdel Rahmane, les cadavres ont été « trouvés dans les rues, les maisons et à d’autres endroits » par des habitants de retour dans leur ville.
« Certains ont été tués à l’arme blanche, d’autres par balle », a ajouté le directeur de l’OSDH.
D’après ses sources, la plupart des victimes ont été tuées au cours des deux jours précédant la débâcle de l’EI à al-Qaryatayne.
L’agence officielle Sana a publié lundi des images tournées dans la ville, montrant un hôpital saccagé et en partie incendié, ainsi que des routes recouvertes de gravats.
Le gouverneur de la province de Homs, Talal Barazai, apparaît sur la vidéo remerciant les habitants pour leur « ténacité » face à l’EI et s’engageant à rester à leur côté. Des dizaines de personnes faisaient la queue pour recevoir de l’aide humanitaire distribuée par le Croissant rouge syrien.
L’EI avait capturée al-Qaryatayne une première fois en août 2015 avant d’en être chassé moins d’un an plus tard. Puis, le 1er octobre, les jihadistes s’étaient à nouveau emparé de cette ville qui compte une minorité chrétienne et plusieurs églises, dont certaines ont été saccagées.
Le régime a pris le contrôle de la ville samedi, « après le retrait de plus de 200 membres de l’EI en direction de la Badiya », le grand désert du centre syrien, selon l’OSDH.
Avec la récente perte de Raqa, le dernier bastion urbain de l’EI en Syrie est la ville de Boukamal, située à la frontière de l’Irak, dans la province de Deir Ezzor (est). Cette région pétrolière était quasi totalement entre les mains de l’organisation extrémiste il y a encore quelques mois, mais les jihadistes n’en contrôlent plus que 40% aujourd’hui.
Des combats s’y poursuivent, et l’EI se trouve confronté à deux offensives distinctes: l’une menée par le régime syrien et son allié russe, l’autre par l’alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyée par les Etats-Unis.
Toujours dans la province de Deir Ezzor, l’EI contrôle par ailleurs, selon l’OSDH, quelque 8% de la capitale éponyme, soit une poignée de quartiers de cette cité qui comptait initialement plus de 100.000 habitants.
Dans tous les territoires dont il s’était emparé en 2014, l’EI a mené les pires exactions, orchestrant exécutions de masse, décapitations et autres atrocités.
En décembre 2014, les corps de 230 personnes exécutées par l’EI sont découverts par leurs proches dans une fosse commune dans la province de Deir Ezzor. En juin 2015, les jihadistes ont tué en trois jours plus de 200 civils, dont des femmes et des enfants, dans la ville de Kobané (nord), avant d’être repoussés par des forces kurdes.
En Irak, les jihadistes font subir à la minorité kurdophone yazidie des traitements particulièrement cruels, exécutant des hommes et réduisant des femmes à l’état d’esclaves sexuelles. L’ONU estime que les attaques de l’EI contre cette communauté « pourraient constituer un génocide ».

 

Macron et le roi de Jordanie en accord sur la Syrie et le terrorisme

AFS: Est-ce le début d’un infléchissement de la politique de la France en Syrie?

 » Nous souhaitons construire une solution diplomatique inclusive dans la région qui permette cette stabilité ». a déclaré le Président Emmanuel Macron.
Le président Emmanuel Macron et le roi de Jordanie Abdallah II (g), lors d’une rencontre à l’Elysée, le 19 juin 2017 à Paris (afp)

Emmanuel Macron et le roi de Jordanie Abdallah II ont souligné lundi leur « vision commune sur les défis du Moyen-Orient », avec comme « premier sujet la lutte contre le terrorisme et la radicalisation » ainsi que la crise en Syrie.

« Je veux exprimer au roi mon admiration sur sa façon de préserver la Jordanie qui reste un pôle de stabilité dans la région, alors que des fractures nombreuses aurait pu toucher votre pays », a déclaré le président français devant la presse, à l’issue d’un entretien à l’Elysée.
« La Jordanie est un membre important de la coalition internationale contre Daech et accueille une partie de notre dispositif militaire », a-t-il rappelé. « L »engagement de la France au côté de la Jordanie restera entier dans la lutte contre le fléau terroriste ».
Quant à la crise syrienne, « nous partageons le même sentiment d’urgence de construire les moyens d’une stabilisation militaire dans le sud de la Syrie et nous souhaitons construire une solution diplomatique inclusive dans la région qui permette cette stabilité ».
« La France est fortement impliquée dans cette action diplomatique, à travers le dialogue avec plusieurs puissance de la région » ainsi que la Russie et la Turquie, a-t-il dit.
Les deux chefs d’Etat ont aussi évoqué le dossier israélo-palestinien. « Je réitère ma condamnation de l’attaque vendredi à Jérusalem mais aussi la poursuite de la colonisation qui menace une solution à deux Etats », a dit M. Macron.
Il a enfin rendu hommage au journaliste irakien tué et aux trois journalistes français blessés à Mossoul, exprimant « la solidarité de la France et du chef de l’Etat à l’égard de ces hommes et ces femmes qui font leur travail et auprès desquels nous serons constamment ».
De son côté, le roi de Jordanie a dit vouloir « continuer le partenariat stratégique » avec la France. « Les défis économiques, sécuritaires ou le terrorisme doivent nous conduire à agir ensemble dans la région ». Faute de solution, « le terrorisme va continuer à se répandre », a-t-il averti.
« C’est également dans l’intérêt de l’Europe, c’est pour cela que nous avons accordé autant d’importance à nos relations avec les pays européens et la France », a-t-il poursuivi. Le dirigeant jordanien a aussi souligné les conséquences humanitaires et économiques du flux de réfugiés syriens en Jordanie, et espéré que les investissements français en Jordanie — premier pays investisseur non-arabe dans la pays — allaient se poursuivre.

Comment demain faire Revivre la Syrie.

L’AFS vous communique l’invitation que nous a adressée Monsieur Michel Morzière  Président d’honneur de l’Association Revivre.

Après six années de barbarie, la Syrie est un pays ravagé et les Syriens sont un peuple martyrisé. Bien que la situation demeure très incertaine, il est temps de réfléchir au jour d’après, celui où la Syrie pourra penser à revivre.

Cette table ronde, organisée par l’association Revivre, ambitionne de réfléchir au jour où la Syrie émergera de cet interminable cauchemar.

L’Association Revivre vous invite à une table ronde

Sous le parrainage de Monsieur Jack Lang

Président de l’IMA

Animée par Madame Isabelle Hausser, écrivaine.

A l’Institut du Monde arabe Salle du haut Conseil

1, rue des Fossés– Saint Bernard Place Mohamed V, Paris 5e

Samedi 18 mars 2017, de 19h à 21h

Réservation conseillée avant le 16mars : invitations@imarabe.org

Vous trouverez ci-dessous le carton d’invitation et le programme.

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A Palmyre, des musiciens veulent effacer les flétrissures de l’EI

Sur la scène du théâtre antique de Palmyre, que l’armée syrienne vient de reprendre au groupe Etat Islamique (EI), Angel Dayoub interprète le célèbre refrain arabe: « Nous serons de retour« .

La voix mélodieuse de cette chanteuse de 15 ans emplit cet édifice du IIe siècle, lourdement endommagé par l’EI, qui a abandonné la ville jeudi à l’approche de forces gouvernementales soutenues par la Russie.
« Les quelques destructions ne nous décourageront pas de venir chanter et jouer ici », dit-elle à l’AFP.
« Je veux jouer de la musique et chanter partout où l’EI a été chassé car ce groupe hait la chanson et interdit de jouer d’un instrument », ajoute-t-elle sur un ton de défi.

Pour son interprétation de la fameuse chanson de la diva libanaise Fayrouz, Angel est accompagnée par des amis musiciens jouant du violon, du tambourin ou de l’oud, le luth oriental.

« Nous serons de retour » (Fayrouz)

 

« Nous chantons ‘Nous serons de retour’ car nous allons revenir encore plus fort. Chacun reconstruira le pays à sa manière. Nous voulons le faire avec la musique et la chanson », explique-t-elle.
Palmyre, située en plein désert dans le centre du pays et dont les ruines ont été inscrites au patrimoine mondial de l’humanité en 1980, a changé plusieurs fois de mains lors des six ans de guerre.
L’EI s’en est emparé en mai 2015 et a détruit et vandalisé des trésors archéologiques durant dix mois d’un premier règne brutal.
A la recherche d’un spectaculaire mortifère, les jihadistes s’étaient livrés dans le théâtre romain à des exécutions, avant d’en être chassés en mars 2016.
Mais ils étaient revenus en décembre. Ils avaient alors détruit le tétrapyle, un monument de 16 colonnes érigé à la fin du IIIe siècle, et saccagé le théâtre.
Les jeunes musiciens ont donné un aperçu de leur talent devant une audience de soldats syriens et russes auxquels s’étaient joints des journalistes effectuant une visite organisée par l’armée.
Des explosions étaient encore audibles, en raison des combats des forces syriennes et de leurs alliés russes contre l’EI au nord et à l’est de la ville.
« Daech (acronyme en arabe de l’EI) voulait interdire le théâtre, la chanson, mais moi je veux les défier », assure Maysaa al-Nuqari, une jeune joueuse d’oud.
Vêtue d’une veste en cuir noir et de bottes de combat, cette jeune fille aux cheveux frisés teints en rouge appelle les autres musiciens à venir jouer.
« Daech, ce sont les ténèbres mais la musique, c’est la lumière », lance-t-elle.
Fondée il y a 2000 ans, Palmyre était une oasis caravanière qui tomba sous le contrôle romain dans la première moitié du Ier siècle et fut rattachée à la province romaine de Syrie.
La ville devint une cité prospère sur la route reliant l’Empire romain à la la Perse, l’Inde et la Chine, grâce au commerce d’épices et de parfums, de la soie et de l’ivoire de l’est, des statues et du travail du verre de Phénicie.
Ses temples magnifiques, ses tombes au style unique et ses allées de colonnades attiraient 150.000 touristes un an avant la début du conflit syrien.
Maintenant, l’inventaire de ce qu’ont subi les monuments a été confié à Wael al-Hafyan, un responsable du département des Antiquités de la province de Homs.
Ce quadragénaire arpente désormais le site, examine avec attention chaque pièce antique et note le tout sur petit carnet.
« Notre estimation préliminaire est que les nouvelles destructions sont limitées à la façade du théâtre, son abside, ainsi qu’à l’explosion du tétrapyle, assure-t-il à l’AFP.
Mais il s’effondre en larmes quand il arrive au théâtre et au tétrapyle, un édifice de 16 colonnes érigé à la fin du IIIe siècle.
L’EI l’a réduit en janvier à un amas de pierre, un acte qualifié par l’ONU de « nouveau crime de guerre et d’immense perte pour le peuple syrien et l’humanité ».
« Quiconque possédant un iota d’humanité ne peut pas ne pas se sentir triste en les voyant. Je suis triste et je le resterai jusqu’à ce que Palmyre redevienne ce qu’elle fut », martèle-t-il.
Mais cet ingénieur reste optimiste et considère que Palmyre sera restaurée grâce à l’aide de l’Unesco.
Quand on lui demande de faire le point sur ce qu’il reste des trésors de Palmyre, Wael al-Hafyan se mord la lèvre et réfléchit.
« Tout Palmyre demeure. Son histoire demeure. Quelques éraflures ne peuvent pas dénaturer sa beauté. L’énormité de ce qu’a commis Daech, tous ses crimes, ne peuvent porter atteinte à la gloire de cette ville », assure-t-il.

Syrie: blocage généralisé, au Conseil de sécurité comme à Genève

L’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura (cetre) lors des négociations sur la Syrie à Genève, le 28 février 2017 (Afp)

Le blocage est général autour du dossier syrien: au Conseil de sécurité, où Russie et Chine ont empêché des sanctions contre le régime de Damas, et à Genève, où les pourparlers de paix s’enlisent.

Le vote de mardi à l’ONU à New York, sur l’éventualité de sanctionner le régime syrien pour utilisation d’armes chimiques, a marqué le premier grand désaccord entre Washington et Moscou depuis l’arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche.
Le président russe Vladimir Poutine l’avait répété avant le vote: des sanctions contre le pouvoir syrien seraient « inopportunes » dans le contexte des pourparlers engagés à Genève sous l’égide de l’ONU. Et les actes ont suivi les paroles, avec le veto de la Russie mais aussi celui de la Chine et le vote négatif de la Bolivie face à neuf voix en faveur des sanctions et trois abstentions.
« C’est un triste jour pour le Conseil de sécurité quand les membres commencent à trouver des excuses à d’autres Etats membres qui tuent leur propre peuple », a réagi l’ambassadrice américaine auprès des Nations unies, Nikki Haley.
Les Etats-Unis et la Russie sont chacun impliqués sur le terrain en Syrie, Washington à la tête d’une coalition internationale luttant contre le groupe jihadiste Etat islamique, la Russie en soutien de son allié le président syrien Bachar al-Assad.
Les Européens s’étaient montrés inquiets ces dernières semaines d’un éventuel changement de position radical des Etats-Unis vis-à-vis de la Russie. Mais sur le dossier syrien, Washington s’est donc de nouveau rangé du côté du Royaume-Uni et de la France.
Le ministre des Affaires étrangères français Jean-Marc Ayrault a accusé la Russie de porter « une lourde responsabilité vis-à-vis du peuple syrien et du reste de l’humanité ».
C’est la septième fois que Moscou utilise son veto pour protéger le régime de Bachar al-Assad face aux sanctions de l’ONU. La Chine a rejoint la Russie pour bloquer six de ces sept résolutions.
La nouvelle proposition de sanctions suivait une enquête conjointe menée par les Nations unies et l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui avait conclu en octobre que le régime syrien avait mené au moins trois attaques avec des armes chimiques en 2014 et 2015.
Les enquêteurs avaient déterminé que les jihadistes du groupe Etat islamique avaient eux aussi utilisé du gaz moutarde en 2015.
La Syrie a toujours nié avoir utilisé des armes chimiques dans ce conflit qui a fait plus de 310.000 morts depuis 2011.
Mercredi, à 13h00 GMT, de nouvelles révélations pourraient intervenir sur les exactions dans les deux camps, avec les conclusions de la commission d’enquête de l’ONU sur les allégations de violations des droits de l’Homme à Alep entre juillet et décembre 2016.
Blocage à l’ONU donc, et blocage à Genève, où les négociations patinent depuis leur ouverture jeudi, butant sur des questions de procédures et sur le fossé immense entre les deux parties.
Si l’émissaire de l’ONU Staffan de Mistura enchaîne les rencontres bilatérales avec les délégations syriennes, la perspective de négociations directes entre belligérants apparaît toujours très éloignée. Vladimir Poutine a fait allusion à ces difficultés mardi, reconnaissant depuis le Kirghizstan que « tout ne se passe pas aussi facilement qu’on le voudrait ».
Les discussions achoppent notamment sur la volonté de la Russie de faire de la lutte contre le terrorisme une priorité à l’agenda, ce qui pourrait aliéner certains groupes d’opposition ayant des liens avec des combattants islamistes.
Le régime syrien « n’est pas contre l’agenda proposé, mais il dit aussi que la question du terrorisme ne peut pas être ignorée », a insisté le ministre adjoint des Affaires étrangères russe, Guennadi Gatilov, qui doit rencontrer la délégation de l’opposition ce mercredi.
Ecarté de ces négociations de Genève, comme le groupe Etat islamique, l’ex-branche syrienne d’Al-Qaïda ne compte pas renoncer à combattre militairement le régime de Damas.
Dans une rare vidéo, le chef de Fateh al-Cham a revendiqué une nouvelle fois les attaques qui ont tué des dizaines de personnes samedi à Homs, dont un proche du président Bachar al-Assad.
« Le régime ne comprend que le langage de la force et du sang », a déclaré Abou Mohammad al-Jolani, estimant que les « politiciens (présents à Genève) offrent au régime une victoire sans combat ». Et d’avertir que ces attaques « ne sont qu’une étape dans une série qui va se poursuivre ».
Al-Qaïda était également au coeur des préoccupations mardi aux Etats-Unis où, selon un responsable anonyme, les agences de renseignement sont mobilisées pour confirmer la mort en Syrie du numéro 2 d’Al Qaïda, Abou Kheir al-Masri.
Sa mort, si elle est confirmée, appellera « presque certainement » une riposte des jihadistes, « depuis la Syrie ou autre part dans le monde », a commenté Charles Lister, du Middle East Institute, un centre de recherche basé à Washington.

(01-03-2017 – avec les agences de presse)

 

Quelle place pour la France dans le conflit syrien au lendemain de la chute d’ALEP?

Gérard Bapt, Président du Groupe d’Amitié France Syrie a eu l’obligeance de communiquer à l’Association d’Amitié France Syrie (AFS) une intéressante analyse du Centre d’Analyse, de Prévision et de Stratégie (CAPS) près le Ministère des Affaires étrangères pour tenter de répondre à la question: Quelle place pour la France dans le conflit syrien au lendemain de la chute d’ALEP?

Note du CAPS Affaires Etrangères du 3 janvier 2017

Nous nous permettons dans un soucis d’objectivité de dire d’ALEP-Est, ce qui n’est pas la même chose puisque la plus grande partie et la plus peuplée est à ALEP-Ouest.

L’Association d’Amitié France Syrie qui s’efforce de respecter son engagement de neutralité peut toutefois se caractériser par une analyse critique et équilibrée des positions exprimées par les différents groupes de réflexion sur la Syrie.

C’est la raison pour laquelle nous publions également une note de commentaires et en réponse de Fabrice Balanche à cette note du CAPS.

Fabrice Balanche-Les analyses désastreuses du CAPS sur la Syrie

Chacun pourra ainsi se faire sa propre opinion sur ce qu’il faudrait faire ou ne pas faire.

En tout état de cause pour une Association comme la nôtre, qui a pour objet de développer par tous les moyens l’amitié entre la France et la Syrie, il nous apparaissait essentiel de mettre en perspective ces analyses stratégiques sachant qu’au delà des aspects de haute politique géostratégique, il faut rappeler au Gouvernement Français que la population syrienne continue à souffrir après 6 ans de guerre et qu’elle ne saurait, quelque que soit sa position pro ou anti régime, continuer à être l’otage des enjeux politiques internationaux ou régionaux. Il est du devoir éthique de la communauté internationale d’arrêter les sanctions envers la Syrie donc envers les syriens et nous pensons que Madame Mogherini la Haute Représentante de l’Union Européenne a raison de plaider pour lancer une aide importante de l’Europe pour la reconstruction de la Syrie ce qui passe par un rétablissement des relations diplomatique avec Damas.

Discours du Président Patrice Mouchon à l’AG de l’AFS

Discours du Président Patrice Mouchon à l’Assemblée Générale de l’AFS du 26 janvier 2017 et présentation de la conférence d’Antoine SFEIR .

 

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je réitère tous mes vœux pour cette année 2017, qu’elle vous soit bonne et profitable, ainsi qu’à vos familles.

Je veux également m’adresser, avec les membres du Conseil d’Administration qui m’entourent, et que je remercie pour leur disponibilité et l’excellence de leur travail, pour dire aux Syriens de Syrie combien nous pensons à eux.

Car ils continuent à souffrir dans toute la Syrie, ceux d’Alep qui ont subi les conséquences d’une guerre terrible.

Heureusement les canons se sont tus ainsi qu’à Damas qui continue à recevoir des obus de mortier et subir la guerre de l’eau.

Je tiens à citer les mots justes empreints d’une grande émotion de notre ami Samir Abdulac qui revient de Damas, et qui a retrouvé une ville appauvrie et en proie aux pénuries de la guerre.

Rendez-vous sur le site de la Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie qui publie les photos des villes meurtries par la guerre.

La reprise de Palmyre par l’État islamique est tombée comme une douche froide alors que sa libération avait suscité un espoir.

Plus grave encore, notre amie Ségolène de Pontbriand a été la première à nous annoncer la destruction des tétrapiles et une partie du Théâtre Romain de Palmyre.

Nous avons légitimement posé la question de savoir comment l’aviation russe et celle de la coalition avaient pu laisser passer des colonnes de camions de l’État islamique entre Deir ez-Zor ou Raqqa et Palmyre.

Le patrimoine de l’Humanité est en train de disparaître à Palmyre.

Certains dans leurs commentaires nous exhortent à nous occuper des humains et non des vieilles pierres.

Or, comme vous le savez, nous faisons à l’Association les deux, mais nous avons toujours dit avec nos amis archéologues du Conseil d’Administration, Christiane Delplace et Pierre Leriche, qu’un peuple sans histoire, sans mémoire est un peuple errant qui risque de perdre son identité.

Mais rassurez-vous, il suffit d’écouter nos amis Syriens pour se rendre compte à quel point ils sont attachés à leur culture, à leur patrimoine qu’ils sauront défendre face à la barbarie.

En ce début d’année 2017, nous avons néanmoins une note d’espoir.

Je veux parler de la Conférence d’Astana du 24 janvier.

Elle a permis de rassembler l’opposition et les représentants du gouvernement syrien sous le patronage de la Russie, de l’Iran et de la Turquie.

Outre la garantie du cessez-le-feu, cette rencontre a ouvert la voie aux négociations qui auront lieu à Genève le 8 février prochain.

Dans la déclaration commune, il a été déclaré qu’il n’y avait aucune solution militaire au conflit syrien, qui ne peut être résolu qu’au travers d’un processus politique.

Staffan de Mistura, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, a salué : « un évènement comme il n’y en avait jamais eu jusque-là » à l’occasion duquel « les représentants des groupes armées et le gouvernement syrien ont pu se parler ».

C’est ce que l’AFS n’a cessé de réclamer depuis le début de ce conflit.

Espérons que ce dialogue va se poursuivre et qu’une solution sera trouvée, mais tout cela est bien naturellement très fragile.

En tant qu’Association d’Amitié France-Syrie, nous déplorons que la France ne fasse pas partie de ces négociations.

Espérons qu’elle soit présente à Genève.

Car nous persistons à penser que la France a un rôle important à jouer.

L’amitié entre la France et la Syrie est très ancienne.

Elle fait partie des fondamentaux entre nos deux peuples, même si les Syriens de tous bords la critiquent d’une manière acerbe.

Au sein de l’AFS, nous continuons d’y croire, de croire qu’un esprit de médiation va continuer à souffler en Syrie et nous militons ardemment pour que le dialogue entre les Syriens s’amplifie et que la paix revienne.

Car nous ne nous y trompons pas, la Syrie au Moyen-Orient a toujours été un espace pluriculturel et pluriconfessionnel, représentant un modèle du vivre ensemble nourri de sa grande culture millénaire.

Ici à Paris et en France, l’AFS continuera à développer ces échanges, et le dialogue et, comme vous l’a annoncé notre ami Sami Chatila dans son rapport moral, nous allons lancer des rencontres dans des cafés pour permettre ce dialogue entre des personnes de bonne volonté qui vont s’appeler « carrefour de l’amitié franco-syrienne ». Nous vous y convions nombreux afin de faire vivre cette amitié.

Vive l’amitié franco-syrienne.

Je vous remercie de votre attention.

 

Restez tous en place car nous allons maintenant accueillir Monsieur Antoine Sfeir qui va donner une conférence sur le thème :

La crise syrienne : les conséquences géopolitiques.

Le modérateur de cette conférence sera notre amie Caroline Galactéros, Administrateur de l’AFS et Géopoliticienne et je coordonnerai le dialogue avec vous tous.

Négociations d’ASTANA sur la Syrie

Syrie : La Turquie, acteur clé des négociations

Interview

27 janvier 2017

Le point de vue de Didier Billion

Quels enseignements tirer de la conférence d’Astana entre la délégation syrienne et celle de l’opposition ?

Indépendamment des faibles résultats obtenus, le fait qu’une réunion entre le régime syrien et une partie des groupes rebelles ait pu se tenir constitue tout d’abord une première victoire. La reprise des quartiers orientaux d’Alep, à la fin du mois de décembre, marquant l’avancée du régime syrien et de ses alliés, a indéniablement créé un électrochoc, notamment dans les rangs des rebelles. Elle a, de ce fait, rendu nécessaire et possible la réunion au sein de la capitale du Kazakhstan.

Les trois parrains des négociations étaient bien sûr présents à Astana : la Russie, la Turquie et dans une apparente moindre mesure, l’Iran, même si sa délégation a été politiquement très active. En ce qui concerne l’opposition, une délégation représentant les principales factions rebelles était présente avec la participation de 13 chefs militaires à l’exception, bien sûr, des groupes qualifiés de terroristes. Ces derniers n’étaient pas conviés à ce début de processus de négociations, auxquelles ils s’opposent en outre par principe.

Cela étant posé, on peut constater que certains groupes rebelles présents à la table des négociations étaient qualifiés de terroristes par Moscou il y a quelques semaines encore. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, ce qui indique la volonté de la Russie de parvenir assez rapidement à des avancées.

Si les résultats de ces pourparlers restent ténus, ils ne constituent qu’une première étape avant un deuxième rendez-vous qui se tiendra à Genève le 8 février prochain, dans le cadre de l’ONU cette fois. A Astana, les accords trouvés concernent avant tout la confirmation de la volonté que le cessez-le-feu initié le 30 décembre soit appliqué. Cette décision ne signifie certes pas que tous les combats seront stoppés, mais un processus s’engage. Une deuxième décision importante concerne l’aide humanitaire. Des efforts seront mis en œuvre pour la faire parvenir dans les zones et villes encore assiégées par les forces du régime, la majorité, ou par des groupes rebelles.

Si la mise en place de ces décisions sera compliquée, elle traduit la volonté d’aller de l’avant malgré les nombreux obstacles, d’autant que le cadre de la déclaration commune fait explicitement référence à la résolution 2254 adoptée à l’unanimité du Conseil de sécurité de l’ONU, le 18 décembre 2015.

Certes, elle ne constitue qu’une première étape, et l’une des difficultés réside dans l’interprétation de ce compromis. Pour mémoire, outre la mise en œuvre d’un cessez-le-feu, la résolution prévoit qu’au terme de six mois de pourparlers, le processus doit établir « une gouvernance crédible, inclusive et non-confessionnelle » veillant à la préservation des institutions étatiques et qui aura la tâche de rédiger une nouvelle Constitution. Des élections libres devront ensuite être organisées dans les dix-huit mois sous la supervision de l’ONU.

La Turquie fait partie, avec la Russie et l’Iran, des « parrains » de la négociation. Quel est son rôle dans les pourparlers ? Quels intérêts défend-t-elle ?

La Turquie se trouve dans un partenariat quelque peu asymétrique avec la Russie et l’Iran. Ces deux derniers ont en effet toujours maintenu des positions en faveur du régime syrien. La Turquie, en revanche, a soutenu la rébellion mais a opéré un changement considérable en ne faisant plus du départ de Bachar al-Assad un préalable aux négociations. Ce changement de position lui a permis de se remettre au centre du jeu diplomatique.

Si la Russie, au vu de son long engagement militaire aux côtés de Bachar al-Assad, dispose de meilleurs atouts dans la négociation, pour en initier, contrôler et animer le contenu et l’agenda, la Turquie est néanmoins un acteur indispensable. Les Turcs ont, en effet, d’étroits contacts avec de multiples groupes rebelles présents. Plusieurs d’entre eux se sont réunis, quelques jours avant la conférence d’Astana, à Ankara, avec les services de renseignements turcs. La réunion visait, en quelque sorte, à préparer ce rendez-vous décisif. Désormais, la Turquie raisonne politiquement. Si elle s’est un temps bercée de l’illusion d’une solution militaire à la crise syrienne, ce n’est plus la ligne qu’elle développe depuis le début de l’été 2016.

Les parrains partagent au moins l’idée qu’une solution politique doit être trouvée. Sur ce point, la Turquie est un acteur incontournable : sans son accord, aucune avancée significative ne peut être réalisée sur ce dossier.

La Russie et la Turquie ont longtemps eu des positions antagoniques sur le conflit syrien, l’un soutenant Bachar al-Assad, l’autre la rébellion. Quelles stratégies se cachent derrière ce rapprochement qui a surpris plus d’un observateur ?

La position obstinément défendue par la Turquie durant cinq ans à propos du conflit syrien, a contribué à l’isoler sur la scène internationale. Sa persistance à exiger le départ de Bachar al-Assad comme préalable à toute hypothétique solution politique, lui a fait perdre en crédibilité. Et ce, alors que de nombreux pays qui avaient une position similaire, comme la France, ont progressivement modifié leur approche du dossier. Pour sortir de l’isolement diplomatique, la Turquie a été contrainte de réévaluer ses positions en cessant d’exiger un départ immédiat du président syrien.

En outre, à la frontière turco-syrienne, le groupe séparatiste kurde de Syrie, le Parti de l’union démocratique (PYD), a opéré une avancée significative au cours des derniers mois. Le PYD est une franchise du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) et, à l’instar de ce dernier, il est considéré comme une organisation terroriste par Ankara. Or, nous savons que la question kurde reste un paramètre essentiel, voire existentiel, pour la Turquie. Elle considère qu’un accord politique sur le dossier syrien lui permettrait de contrôler la zone kurde de Syrie, et d’éviter son expansion. Les Kurdes de Syrie gèrent en effet, de facto, deux importantes portions du territoire syrien, néanmoins séparées par une zone qui leur échappe encore. Ils aspirent à conquérir cette dernière pour réaliser une jonction entre les deux territoires. Les autorités turques veulent à tout prix les en empêcher car cela signifierait alors qu’une très large partie de sa frontière avec la Syrie passerait sous contrôle d’une entité qu’elle considère comme terroriste.

Enfin, si la Turquie a longtemps manifesté une certaine forme de complaisance à l’égard des djihadistes, on peut considérer qu’elle est désormais engagée dans une lutte implacable contre les groupes affiliés à Daech, levant ainsi toute ambiguïté sur le sujet. Cette évolution lui a permis d’acquérir un rôle important dans les pourparlers.

Bilan de la conférence d’Astana du 24 janvier 2017

Bilan de la conférence d’Astana : une «première réussite» en vue d’une paix future en Syrie

Bilan de la conférence d'Astana : une «première réussite» en vue d'une paix future en SyrieSource: Reuters
La conférence d’Astana a permis de rassembler des parties qui s’étaient montrées jusqu’ici plus que réticentes à se rencontrer

L’opposition et le gouvernement syriens se sont enfin rencontrés sous le parrainage de la Russie, l’Iran et la Turquie. Outre la garantie du cessez-le-feu, la rencontre a ouvert la voie aux négociations qui auront lieu à Genève en février prochain.

La conférence d’Astana, réunissant le gouvernement syrien et les groupes d’opposition, sous le parrainage de la Turquie, la Russie et l’Iran, a pris fin ce mardi 24 janvier. Les trois pays l’ont qualifié de «succès» après avoir publié une déclaration commune par laquelle ils ont annoncé être parvenus à un accord pour «soutenir le cessez-le-feu en Syrie» et ainsi «ouvrir la voie aux discussions de Genève» qui auront lieu le 8 février prochain. «Il n’y a aucune solution militaire au conflit syrien, car celui-ci ne peut être résolu qu’à travers un processus politique», ont-ils ajouté.


Moscou, Téhéran et Ankara ont salué la volonté de ces derniers de «prendre part à la prochaine étape» des négociations à Genève. Afin de garantir la trêve, un mécanisme trilatéral sera mis en place dès le mois de février. Les groupes d’opposition armés seront d’ailleurs «invités à y jouer un rôle».

Le gouvernement syrien et l’opposition armée pour la première fois à la même table

C’était la toute première fois, depuis le début du conflit syrien, que l’opposition armée et le gouvernement se retrouvaient autour d’une même table d’une éventuelle sortie de crise en Syrie, sous le parrainage de la Russie, de la Turquie et de l’Iran. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a salué «un événement comme il n’y en avait jamais eu jusque là», à l’occasion duquel «les représentants des groupes armés et le gouvernement syrien ont pu se parler». «Cela exigeait un vrai courage politique de s’asseoir dans la même pièce et d’écouter leurs demandes respectives», a-t-il souligné.

Cette rencontre exigeait un vrai courage politique

En effet, du côté de l’opposition armée, la tension était plus que palpable. «Notre délégation est venue du front pour obtenir quelque chose, sinon nous avons toujours entre nos mains les armes» avait prévenu Oussama Abou Zeid, un de leurs représentants, le lundi 23 au soir. Les groupes d’opposition ont également à plusieurs reprises accusé l’Iran de continuer les combats ou la Turquie d’être trop faible négociatrice et de ne pas soutenir leur voix.

Une «réussite» qui augure bien de la suite des négociations à Genève

Le chef de la délégation russe à Astana, Alexandre Lavrentiev, s’est félicité que les groupes d’opposition armés syriens aient compris que «Moscou n’est pas un ennemi». Tout d’abord «réticents» à travailler avec les Russes, ceux-ci se sont montrés «finalement plus ouverts», selon lui. La délégation russe a même annoncé avoir proposé un projet de constitution pour la Syrie aux représentants des groupes d’opposition armés afin d’«accélérer la résolution du conflit». Selon Moscou, ces derniers se seraient montrés «coopératifs» et prêts à participer aux négociations futures.

 S’il a admis qu’un «un compromis sur la question constitutionnelle n’a pas encore été atteint», Alexandre Lavrentiev a néanmoins souligné que «le nombre croissant de points de contact entre les forces gouvernementales et l’opposition sur le terrain» allaient permettre d’améliorer la situation humanitaire. Mais elle sera également «un élément crucial pour instaurer de la confiance à l’avenir», et permettre ainsi «de construire la paix».

Les contacts croissants entre forces gouvernementales et d’opposition permettent de restaurer la confiance

Washington, qui a fait preuve ces derniers mois d’un désengagement progressif dans le règlement du conflit syrien, a «salué ces actions visant à réduire les violences et les souffrances en Syrie», appelant à créer un «environnement plus propice à des discussions politiques inter-syriennes». De même, la Grande-Bretagne, qui ne prenait pas part aux pourparlers, a apprécié l’initiative. «Nous saluons tout processus à Astana qui pourrait mettre fin aux violences, améliorer l’accès humanitaire et nous faire revenir aux négociations de Genève sur la transition [politique] en Syrie», a écrit sur Twitter le représentant britannique pour la Syrie Gareth Bailey.

 Si la déclaration conjointe de Moscou, Téhéran et Ankara évoque une «première vraie réussite», elle précise néanmoins que l’essentiel restait à venir. «Il y aura des spéculations sur le fait que Astana est considéré comme un substitut du processus de Genève. Ce n’est pas vrai – Astana est complémentaire de Genève», a expliqué Alexandre Lavrentiev. Tenues sous l’égide de l’ONU, les discussions qui auront lieu à Genève devront, entre autres, régler d’épineuses questions, comme celles des prisonniers ou de la transition politique.
Bilan de la conférence d'Astana : une «première réussite» en vue d'une paix future en SyrieSource: Reuters
La conférence d’Astana a permis de rassembler des parties qui s’étaient montrées jusqu’ici plus que réticentes à se rencontrer

L’opposition et le gouvernement syriens se sont enfin rencontrés sous le parrainage de la Russie, l’Iran et la Turquie. Outre la garantie du cessez-le-feu, la rencontre a ouvert la voie aux négociations qui auront lieu à Genève en février prochain.

La conférence d’Astana, réunissant le gouvernement syrien et les groupes d’opposition, sous le parrainage de la Turquie, la Russie et l’Iran, a pris fin ce mardi 24 janvier. Les trois pays l’ont qualifié de «succès» après avoir publié une déclaration commune par laquelle ils ont annoncé être parvenus à un accord pour «soutenir le cessez-le-feu en Syrie» et ainsi «ouvrir la voie aux discussions de Genève» qui auront lieu le 8 février prochain. «Il n’y a aucune solution militaire au conflit syrien, car celui-ci ne peut être résolu qu’à travers un processus politique», ont-ils ajouté.

Affirmant leur volonté de distinguer les organisations terroristes des «groupes d’opposition armés», Moscou, Téhéran et Ankara ont salué la volonté de ces derniers de «prendre part à la prochaine étape» des négociations à Genève. Afin de garantir la trêve, un mécanisme trilatéral sera mis en place dès le mois de février. Les groupes d’opposition armés seront d’ailleurs «invités à y jouer un rôle».

Le gouvernement syrien et l’opposition armée pour la première fois à la même table

C’était la toute première fois, depuis le début du conflit syrien, que l’opposition armée et le gouvernement se retrouvaient autour d’une même table d’une éventuelle sortie de crise en Syrie, sous le parrainage de la Russie, de la Turquie et de l’Iran. L’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, Staffan de Mistura, a salué «un événement comme il n’y en avait jamais eu jusque là», à l’occasion duquel «les représentants des groupes armés et le gouvernement syrien ont pu se parler». «Cela exigeait un vrai courage politique de s’asseoir dans la même pièce et d’écouter leurs demandes respectives», a-t-il souligné.

Cette rencontre exigeait un vrai courage politique

En effet, du côté de l’opposition armée, la tension était plus que palpable. «Notre délégation est venue du front pour obtenir quelque chose, sinon nous avons toujours entre nos mains les armes» avait prévenu Oussama Abou Zeid, un de leurs représentants, le lundi 23 au soir. Les groupes d’opposition ont également à plusieurs reprises accusé l’Iran de continuer les combats ou la Turquie d’être trop faible négociatrice et de ne pas soutenir leur voix.

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La délégation du gouvernement syrien n’était pas non plus en parfaite confiance lors de l’ouverture des discussions. L’ambassadeur syrien à l’ONU, Bachar Jaafari, avait déclaré, un peu plus tôt, qu’il était «extrêmement douloureux» pour la délégation de Damas de faire face aux groupes qui «ont commis des actes terroristes». Il a néanmoins concédé que «la politique requiert parfois d’avoir affaire à ses ennemis pour sauver son pays». Il a finalement qualifié la rencontre de «succès». «Finalement, nous avons atteint un consensus auquel chacun a souscrit», s’est-il réjoui.

Une «réussite» qui augure bien de la suite des négociations à Genève

Le chef de la délégation russe à Astana, Alexandre Lavrentiev, s’est félicité que les groupes d’opposition armés syriens aient compris que «Moscou n’est pas un ennemi». Tout d’abord «réticents» à travailler avec les Russes, ceux-ci se sont montrés «finalement plus ouverts», selon lui. La délégation russe a même annoncé avoir proposé un projet de constitution pour la Syrie aux représentants des groupes d’opposition armés afin d’«accélérer la résolution du conflit». Selon Moscou, ces derniers se seraient montrés «coopératifs» et prêts à participer aux négociations futures.

S’il a admis qu’un «un compromis sur la question constitutionnelle n’a pas encore été atteint», Alexandre Lavrentiev a néanmoins souligné que «le nombre croissant de points de contact entre les forces gouvernementales et l’opposition sur le terrain» allaient permettre d’améliorer la situation humanitaire. Mais elle sera également «un élément crucial pour instaurer de la confiance à l’avenir», et permettre ainsi «de construire la paix».

Les contacts croissants entre forces gouvernementales et d’opposition permettent de restaurer la confiance

Washington, qui a fait preuve ces derniers mois d’un désengagement progressif dans le règlement du conflit syrien, a «salué ces actions visant à réduire les violences et les souffrances en Syrie», appelant à créer un «environnement plus propice à des discussions politiques inter-syriennes». De même, la Grande-Bretagne, qui ne prenait pas part aux pourparlers, a apprécié l’initiative. «Nous saluons tout processus à Astana qui pourrait mettre fin aux violences, améliorer l’accès humanitaire et nous faire revenir aux négociations de Genève sur la transition [politique] en Syrie», a écrit sur Twitter le représentant britannique pour la Syrie Gareth Bailey.

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Témoignage de Samir Abdulac de retour de Damas

Témoignage remarquable de Samir Abdulac, Président du groupe de travail ICOMOS pour la sauvegarde du patrimoine culturel en Irak et en Syrie, qui s’est rendu récemment à Damas pour assister à un congrès d’archéologues organisé par la DGAM( Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie). 02/01/2017.

« Je suis récemment rentré de Damas où je viens de passer quelques jours après une absence de près de six ans. J’y ai certes retrouvé des membres de ma famille, mais plonger dans une ville appauvrie et en proie aux pénuries de la guerre n’est guère une expérience agréable croyez-moi. La vieille ville d’Alep était déjà tombée sans davantage d’affrontements meurtriers et destructeurs. Le site internet de la direction générale des antiquités et des musées (DGAM) publie d’ailleurs en ce moment, quasi-quotidiennement des photos des différents quartiers de la vieille ville meurtris par la guerre fratricide menée par air, par terre et même sous terre. La nouvelle de la chute de Palmyre est par contre tombée comme une douche froide. Les nouveaux combats auraient épargné le site antique mais le pire reste à craindre. La population n’était presque pas rentrée encore.

Je me suis évidemment rendu dans la vieille ville de Damas que je connais bien. J’y étais accompagné de Stefan Simon de l’université de Yale. Elle change et sa composition sociale serait en cours d’évolution avec l’arrivée de nombreuses personnes déplacées. Une centaine de restaurants et d’hôtels y avaient ouvert au cours des années 2000, mais la plupart ont fermé leurs portes. Le vieillissement, le manque d’entretien et des adjonctions affaiblissent le bâti. Les services municipaux chargés des contrôles semblent relâcher leur vigilance. Beaucoup se plaignent du manque de matériaux traditionnels. Dernièrement plusieurs incendies se sont spontanément déclarés dans les souks. Il convient de mieux comprendre leur origine spécifique et de les prévenir. La chute aléatoire d’obus, la recherche de combustibles alternatifs, la multiplication de branchements électriques hasardeux et la pression insuffisante du réseau d’incendie représentent des menaces désormais permanentes. La reconstruction des locaux commerciaux est effectuée généralement vite, avec le respect d’une bonne échelle certes, mais trop vite, avec des fautes et sans matériaux appropriés dans un site du patrimoine mondial. L’ICOMOS avait déjà commencé des formations à la préparation aux risques avec l’ICCROM et l’UNESCO, mais il paraît nécessaire d’aller beaucoup plus loin encore.

Une visite au service de l’inventaire architectural de la direction générale des antiquités et des musées (DGAM) nous a révélé dans leurs archives des trésors concernant les monuments de Syrie, qu’il s’agisse des travaux passés de restauration à Palmyre dans les années 1930 signés Robert Amy ou des relevés de la synagogue de Jobar aujourd’hui détruite par des bombardements. J’ai en tout cas eu le bonheur de rencontrer une jeune équipe très enthousiaste de l’inventaire que nous (ICOMOS, CyArk, Université de Yale, Fonds Arcadia et UNESCO) équipons et formons aux techniques de relevés 3D. Ils commencent déjà des exercices pratiques dans le vieux Damas. Nous avons pu discuter de leurs attentes et des premiers problèmes concrets rencontrés. Une prochaine session de formation de deux semaines est prévue dès janvier prochain à Beyrouth. Nous espérons ainsi lancer, au sein d’une institution reconnue, une activité durable maitrisée et prise en charge par des enfants du pays.

Le musée national avait été jadis commencé par l’architecte français Michel Ecochard en 1936. Son architecture de style moderne correspond aux meilleures conceptions muséographiques de son temps. Ce bâtiment est en soi un monument du 20e siècle qui mériterait d’être classé. Sa visite commence désormais par l’ouverture d’un rideau d’acier qui se soulève lentement dans un vacarme épouvantable. Toutes les collections de petits objets ont été évacuées et les vitrines sont tristement vides. Par contre les grandes sculptures, les mosaïques et les peintures murales du musée national restent en place. Bien que la guerre se soit éloignée de Damas, un retournement de situation est toujours possible et des solutions adaptées doivent être planifiées. Le musée de Beyrouth est, d’une façon plus classique, un monument aussi. Autrefois situé sur la ligne de front, sa direction avait su protéger ses plus grandes pièces par des sarcophages de béton. Je suis allé au retour le visiter, il fait désormais l’objet d’une merveilleuse renaissance et vient tout juste d’inaugurer un sous-sol réaménagé.

Un colloque scientifique de haut niveau a été organisé par la DGAM pendant une partie de ce séjour dans la prestigieuse salle damascène de ce même musée national sur le thème « propositions pour la résilience du patrimoine syrien ». Une centaine de participants ont suivi les travaux : une vingtaine d’experts étrangers de toutes nationalités dont un seul russe et des Syriens : archéologues, architectes, universitaires, représentants d’associations, étudiants et- il faut le mentionner- des membres individuels de l’ICOMOS anciens, récents et postulants. Un condensé de société civile en somme. Au cours d’un programme dense, l’ordre des exposés alternait les contributions d’experts syriens et étrangers. Les différents services de la DGAM ont présenté les travaux qu’ils menaient par exemple sur les musées, les monuments, de la vieille ville de Damas, etc. Les exposés des spécialistes étrangers étaient riches aussi : les analyses de la forteresse croisée de Marqab, les prises de vues par drone, le projet d’inventaire national en 3D, la protection des ruines fragiles déterrées,  la recomposition de sites archéologiques bouleversés par le pillage, etc. Quelques propositions pour une évaluation rapide de l’état des lieux à Alep furent évoquées. Sa reconstruction n’est pas à l’ordre du jour, mais chacun pressent qu’elle pourrait être terriblement compliquée. Le professeur Pierre Leriche, l’archéologue de Doura Europos (il préfère dire Europos Doura) a proposé à ses collègues un moratoire généralisé sur les fouilles en Syrie, c’est à dire de ne plus fouiller pendant plusieurs années et se consacrer plutôt à la publication de la grande masse existante des travaux déjà entrepris et encore jamais divulgués aux collègues et au public. Les ministres annoncés ont par contre déserté la rencontre. Probablement inspirée de l’exemple des expositions le long des grilles du jardin du Luxembourg ou du siège de l’UNESCO, la start-up française ICONEM présentait des panneaux informatifs sur ses travaux en Syrie, accrochés sur la clôture extérieure du jardin du musée national. Une autre exposition, ailleurs en ville, présentait des pièces archéologiques volées et récemment récupérées.

Enfin, une visite à la faculté d’architecture de l’université de Damas en compagnie de Abir Arkawi et de Talal Akili, tous deux membres de l’ICOMOS, m’a enfin permis de rencontrer plusieurs professeurs et étudiants et de longuement discuter avec eux. J’ai été impressionné par la mise au point d’une grande maquette de la vieille ville de Damas, dans laquelle chacune des maisons figurait avec son patio. Par ailleurs des dizaines de panneaux accrochés aux murs d’une grande salle présentaient les quatre parties complémentaires de récents travaux d’étudiants sur Palmyre. La partie concernant l’analyse des ruines et de leur passé était franchement attendue, mais les projets d’évocation sur place des ruines dynamitées par des panneaux de verre ou des rayons lumineux l’étaient moins. La partie concernant la ville moderne commençait par un état des lieux, des statistiques chiffrées sur la dispersion actuelle de la population de Palmyre et se poursuivaient par un programme échelonné dans le temps de réparation des infrastructures, des logements et des services et même de sa future extension. La partie « écologique » était basée sur les ressources naturelles en eau du site et envisageait une future ville verte. Enfin la partie concernant la planification régionale tournait complètement le dos à l’ancien rôle touristique du site et tentait de lui donner un nouvelle vocation par le création de réserves naturelles et le développement d’énergies alternatives à l’échelle du pays. Par contre le temps m’a manqué pour visiter le centre Baroudi de l’université situé dans le quartier Qanawat, qui abrite l’ancienne antenne de l’Ecole de Chaillot et où se poursuivent des cours de restauration architecturale. Je n’ai pas non plus pu accompagner ses professeurs et étudiants à Maaloula, ce village inscrit sur la liste indicative et où s’effectuent actuellement des travaux de restauration et de reconstruction.

Que dire d’autre, sinon que Maamoun Abdulkarim, ce consensuel directeur général de la DGAM, était atterré (comme nous tous) par le retour de Daech à Palmyre. Il était également préoccupé par un projet turc de modification du cours du Tigre, qui risquait -par absence de concertation- de faire disparaître le pont de Ain Dewar de l’époque seljoukide au nord-est du pays (le « bec de canard »). Le soutien chaleureux de scientifiques étrangers difficilement parvenus à Damas le renforçait toutefois moralement dans sa bien difficile mission entamée en 2012″.

Samir ABDULAC

Docteur en urbanisme • Architecte DPLG • Dip. UCL Bartlett
Président, Groupe de travail ICOMOS pour la sauvegarde du patrimoine culturel en Syrie et en Irak

Vice-président, Comité scientifique international ICOMOS pour les villes et villages historiques (CIVVIH)

Membre, Comité d’Orientation, ICOMOS France
Membre de l’AFS.