Caroline Galactéros: «Un nouveau partage du monde est en train de se structurer»

FIGAROVOX / GRAND ENTRETIEN – Le monde depuis 1989, puis 2001, est en constante restructuration. La géopolitologue Caroline Galactéros analyse la fin de l’utopie de la mondialisation heureuse, et regrette que la France et l’Europe ne développent pas davantage une stratégie de puissance.Par Entretien FigaroVox Publié le 9 novembre 2019 à 10:00, mis à jour le 12 novembre 2019 à 11:48

G7 le 26 août 2019 à Biarritz  -  BERTRAND GUAY/AFP
G7 le 26 août 2019 à Biarritz. BERTRAND GUAY/AFP

Docteur en sciences politiques, Caroline Galactéros est présidente du think tank Geopragma et dirige le cabinet d’intelligence stratégique PLANETING. Elle a notamment publié Vers un nouveau Yalta. Recueil de chroniques géopolitiques 2014-2019 (Sigest, 2019).


FIGAROVOX – Le magazine The Economist consacre son dernier numéro et sa couverture à une interview d’Emmanuel Macron dans laquelle il affirme que le monde est au bord du précipice. La situation internationale est-elle aussi apocalyptique que celle que décrit le chef de l’État?

Caroline GALACTEROS – Il me semblait que le Président, dans son interview, avait appliqué cet oracle à l’Europe et non du monde. Le monde n’est pas du tout au bord du précipice. Il se rééquilibre autour de puissances qui assument leur souveraineté, définissent leurs ambitions et se donnent les moyens de les mettre en œuvre. Ce sont nos utopies qui sont en déroute et c’est bien l’Europe qui tombe dans l’insignifiance stratégique (une forme de mort cérébrale) subitement privée de la béquille mentale que lui fournissaient le lien transatlantique et son alignement servile sur les injonctions américaines. Quant à la France, elle danse sur un volcan et pas seulement au plan extérieur. Si la présente lucidité présidentielle se consolide par des actes et des dynamiques durables, alors nous éviterons le pire et peut-être même renverserons-nous enfin la vapeur à notre avantage. Ce serait là, sur le plan stratégique, une vraie et salutaire «disruption». Après Biarritz, Moscou, la Conférence des Ambassadeurs et désormais cette interview, la grande question est désormais la suivante: Jusqu’à quel point sommes-nous déterminés à désobéir et à assumer les critiques ou la résistance active de certains de nos partenaires européens?


Notre vieux continent est en pleine dépression post-traumatique non traitée.


Le rôle de pionnier, de défricheur d’une voie nouvelle est périlleux et demandera beaucoup de ténacité. Jusqu’au moment où certains de nos partenaires, entrevoyant la liberté, voleront au secours de la victoire et nous emboîteront le pas, notamment en Europe du Sud mais pas seulement. Notre vieux continent est en pleine dépression post-traumatique non traitée. Le choc? Notre abandon sans états d’âme par la figure paternelle américaine. Sur le fond, rien de bien nouveau mais le verbe trumpien nous a brutalement ouvert les yeux sur le profond mépris et l’indifférence en lesquels Washington nous tient. La servilité ne paie jamais vraiment. Emmanuel Macron a bien raison de douter de l’applicabilité de l’article 5 du Traité de l’Alliance atlantique. Le problème n’est pas de savoir si les États-Unis voleraient au secours d’un État européen attaqué par la Russie ou Chine. La Russie a vraiment d’autres chats à fouetter et la Chine «attaque» déjà l’Europe tous azimuts économiquement. Non, le problème est bien celui d’un fatal entraînement de la France ou d’un autre membre de l’Otan si jamais la Turquie venait à être prise à partie militairement par la Syrie en réponse à sa violation caractérisée de la souveraineté syrienne. Scénario peu probable à vrai dire, car Moscou ne laissera sans doute pas un tel engrenage ruiner ses patients efforts pour en finir avec la déstabilisation de son allié moyen oriental. Même chose si l’Iran venait à réagir à une provocation savante téléguidée par Washington. Moscou, Téhéran et Ankara ont partie liée pour régler le sort de la Syrie au mieux de leurs intérêts respectifs et Washington comme Damas n’y peuvent plus rien. Ce qui est certain, néanmoins, c’est que la Turquie n’agit à sa guise en Syrie qu’avec l’aval américain. Washington laisse faire ce membre du flanc sud de l’Alliance qui lui sert en Syrie de nouvel agent de sa politique pro-islamiste qui vise à empêcher Moscou de faire totalement la pluie et le beau temps dans le pays et la région. Ankara gêne aussi l’Iran. Bref, ce que fait Erdogan est tout bénéfice pour Washington. Et les Kurdes ne font pas le poids dans ce «Grand jeu»? En conséquence, c’est bien l’Amérique qui dirige toujours et complètement l’Otan. S’il est bien tard pour s’en indigner ou faire mine de le découvrir, il n’est pas trop tard pour se saisir de cette évidence et initier enfin une salutaire prise de distance de l’Europe par rapport à une Alliance qui ne traite nullement ses besoins de sécurité propres.


Il faut que nous ayons aujourd’hui le courage d’en sortir et de dire que l’OTAN ne correspond pas à la défense des intérêts sécuritaires de l’Europe.


Nous restons extrêmement naïfs. Nous n’avons jamais eu voix au chapitre au sein de l’Alliance pas plus d’ailleurs depuis que nous avons rejoint le commandement intégré pour nous faire pardonner notre ultime geste d’autonomie mentale de 2003, lorsque nous eûmes l’audace de ne pas rejoindre la triste curée irakienne. Il faut que nous ayons aujourd’hui le courage d’en sortir et de dire que l’OTAN ne correspond pas à la défense des intérêts sécuritaires de l’Europe et d’ailleurs que l’épouvantail de la prétendue menace russe est une construction artificielle destinée à paralyser le discernement des Européens, à les conserver sous tutelle, à justifier des budgets, des postures, des soutiens résiduels au lieu de construire enfin une véritable stratégie propre à l’Europe en tant qu’acteur et cible spécifique stratégique. Je rejoins là notre président. Mais je ne crois pas du tout que L’OTAN soit en état de mort cérébrale. Il devient juste clair que ce qui pouvait, aux yeux de bien des atlantistes, justifier notre alignement silencieux et quasi inconditionnel a vécu. Trump veut faire payer les Européens pour qu’ils achètent des armes…américaines et obéissent aux décisions d’intervention américaines qui ne les concernent pas. Il est temps de ne plus supporter ce chantage et de sortir de l’enfance stratégique. Nous en avons les moyens. Il ne manquait que la volonté.

De son côté l’UE peine à définir une politique étrangère commune, croyez-vous la diplomatie européenne encore?

Je n’y ai jamais cru! Je ne vous rappellerai pas le cruel sarcasme de Kissinger «L’Europe? Quel numéro de téléphone?» Ce qui est possible, c’est de faire sauter un tabou ancien qui veut que l’affirmation de la souveraineté des nations européennes soit antinomique de la puissance collective et un autre, qui veut que l’élargissement de l’UE ait été destiné à la rendre puissante et influente. C’est précisément tout l’inverse. Mais il est trop tard pour regretter cet élargissement brouillon et non conditionnel stratégiquement. Il faut partir du réel et le réel, c’est qu’il existe une très grande divergence entre les intérêts stratégiques américains et ceux des Européens qui doivent se désinhiber. La France peut prendre la tête de cette libération et favoriser une conscience collective lucide et pragmatique des enjeux communs sécuritaires et stratégiques.

Il faut commencer par une véritable coopération industrielle à quelques-uns en matière de défense, sans attendre une unanimité introuvable. Il faut créer des synergies, faire certaines concessions et en exiger d’autres, et ne plus tolérer la moindre critique de Washington sur les contributions à une Alliance enlisée dans d’interminables et inefficaces opérations.

Alors qu’Emmanuel Macron rentre d’un voyage officiel en Chine, vous écrivez, «La Chine a émergé tel un iceberg gigantesque». La Chine est en train de tisser son empire autour du globe, est-elle en train d’imposer son propre contre modèle à l’Occident?

Pékin agit très exactement comme Washington et joue l’Europe en ordre dispersé. Oui le «contre monde» comme je l’appelle est en marche. La Chine profite du tirage entre Washington et les Européens au fur et à mesure que les pays européens prennent conscience qu’ils ne comptent plus pour l’Amérique, mis à part pour justifier un dispositif otanien contre Moscou et empêcher le rapprochement stratégique avec la Russie qui seule pourrait donner à l’Europe une nouvelle valeur ajoutée dans le duo-pôle et triumvirat Washington -Moscou-Pékin. C’est Sacha Guitry je crois qui disait que les chaînes du mariage sont si lourdes qu’il faut être trois pour les porter. L’adage est valable pour l’Europe à mais aussi pour Moscou qui sait combien «le baiser de la mort» chinois peut, à terme, lui être fatal. L’Europe n’a donc pas encore tout à fait perdu de son intérêt aux yeux de Moscou même si, en ce qui concerne la France, la charge affective et historique du lien a été très abîmée. Il me semble donc que l’initiative française d’une relance d’un «agenda de confiance et de sécurité» est un pas important dans cette direction qu’il faut jalonner à bon rythme de réalisations concrètes.

La guerre commerciale semble être la forme conflictuelle privilégiée par l’administration de Donald Trump. Les sanctions américaines pleuvent sur les entreprises chinoises, en Iran, en Russie. La guerre commerciale devient-elle un des éléments structurant d’un monde Yalta 2.0?

La fin de l’utopie d’une mondialisation heureuse a permis la résurgence d’une politique de puissance et d’influence décomplexée. Or le commerce est l’instrument privilégié de ces relations. Il n’y a qu’en France que l’on croit encore aux pures amitiés et aux affections qui guideraient les rapprochements entre États. Attention! Je ne veux pas dire que les relations personnelles, l’empathie ou l’animosité ne comptent pas, bien au contraire. Mais ce qui compte dans l’établissement du rapport de force et dans la consolidation des rapprochements, ce sont les complémentarités économiques mais aussi culturelles et même civilisationnelles et surtout la fiabilité de la parole donnée et la crédibilité interne des dirigeants.

Votre livre donne un aperçu global de l’état des relations diplomatiques depuis les cinq dernières années. Le monde depuis 1989, puis 2001 est en constante restructuration. Le jeu des puissances est mouvant. Quelle place la France peut-elle occuper dans un monde géopolitique si instable et imprévisible? Comment peut-on participer à construire une «coexistence optimale»?

La France doit se voir en grand car elle a de sérieux atouts de puissance et d’influence mais elle n’en use pas à bon escient. Elle se complaît dans la repentance et l’alignement. Notre place dépendra en premier lieu de notre capacité à structurer une vision et un chemin puis dans notre ténacité à défendre nos intérêts et à affirmer nos principes.


Un État puissant est un État sûr, qui sait d’où il vient, n’a pas honte de son passé et embrasse l’avenir avec confiance.


Il nous faut effectuer un tournant pragmatique en politique étrangère et en finir avec l’idéologie néoconservatrice. Celle-ci a dramatiquement vérolé toute une partie de notre administration et de nos élites qui ne savent plus ce qu’est l’intérêt national. La France est toujours une puissance globale. Plus que nombre d’autres. Simplement, elle doit retrouver une économie florissante, restructurer son industrie, remettre son peuple au travail autour d’un projet de prospérité lié à l’effort et non à l’incantation. Un État puissant est un État sûr, qui sait d’où il vient, n’a pas honte de son passé et embrasse l’avenir avec confiance.

La Russie de Vladimir Poutine s’est imposée aux puissances occidentales comme un acteur majeur des relations géopolitiques. Son attitude sur la crise syrienne incarne ce positionnement dans l’échiquier mondial. La Russie peut-elle être un allié «fréquentable» des puissances européennes? La distance entre les Européens et les Russes en termes de politique internationale est-elle encore légitime?

La Russie est tout à fait fréquentable. La diabolisation infantile à force d’être outrancière, dont elle fait l’objet chez nous, nous ridiculise et surtout la conforte dans une attitude de plus en plus circonspecte envers ces Européens qui ne savent plus penser ni décider par eux-mêmes.


L’UE doit se projeter vers l’Union Économique Eurasiatique (UEE) et nouer avec elle de très solides partenariats.


En 30 ans, la Russie a vécu le pire durant les années 90 puis a entamé sans violence une remarquable reconstruction nationale. Tout n’y est pas parfait, mais pouvons-nous réellement donner des leçons et nous imaginer être encore pris au sérieux après les sommets de cynisme démontrés dans nos propres ingérences étrangères, avec les résultats que l’on sait? C’est là une posture qui sert essentiellement à se défausser, à ne pas aller de l’avant notamment sur les dossiers où nous pourrions et aurions tout intérêt à tendre la main à la Russie: sanctions, Ukraine Syrie, Libye, Union économique eurasiatique (UEE), etc… Sur ce dernier point, il faut nous montrer un peu plus lucides et anticipateurs que sur les Nouvelles Routes de la Soie sur lesquelles nos diplomates ironisaient il y a encore quelques années. L’UE doit se projeter vers l’Union Économique Eurasiatique (UEE) et nouer avec elle de très solides partenariats. Je souhaite de tout cœur que la récente inflexion imprimée par notre président à la relation franco-russe après une sombre et triste période, passe rapidement dans les faits et que nous soyons le maillon fort d’une nouvelle ère collaborative, intelligente et humaine entre la Russie l’Europe.

La solution diplomatique peut-elle encore jouer un rôle dans le dossier syrien?

Une solution diplomatique ne peut exister que si l’on a atteint un équilibre militaire acceptable. La Syrie doit d’abord recouvrer son intégrité territoriale. Après les Syriens décideront de ce qu’ils souhaitent politiquement pour leur pays.


Nous avons eu tout faux sur le dossier syrien.


Notre implication a été si humainement et politiquement désastreuse qu’il est impossible de prétendre encore pouvoir décider du sort de ce pays à la place de son peuple. Évidemment, la guerre n’est pas finie. Il y a encore des dizaines de milliers de djihadistes fondus dans la population civile d’Idlib. Il y a la Turquie, la Russie et l’Iran qui consolident dans un vaste marchandage leurs influences respectives. Et il y a tous les autres acteurs régionaux et globaux qui cherchent à tirer leur épingle du jeu et à faire oublier leurs méfaits. Nous avons eu tout faux sur le dossier syrien. Je l’ai assez expliqué, démontré et je n’épiloguerai pas. J’en parle abondamment dans mon recueil. Il est trop tard pour pleurer mais sans doute pas pour faire amende honorable, intégrer le processus d’Astana et son actuel dérivé – le Comité constitutionnel en cours de formation à Genève. Cela aussi, nous le devons à l’approche diplomatique inclusive et non idéologique de Moscou, ne nous en déplaise. Essayons, pour une fois, d’être intelligents et d’avancer pour que le peuple syrien sorte au plus tôt de son interminable martyr.

Source de l’article

Les grandes manœuvres internationales en Syrie

Les grandes manœuvres internationales en Syrie Major international manoeuvres in Syria

Le président turc Recep Tayyip Erdogan rencontrera le président russe Vladimir Poutine à Moscou le 23 janvier pour tenter de rétablir la politique turque de la Turquie.

Poutine veut que le gouvernement syrien prenne le contrôle de l’est de la Syrie, et finalement du pays tout entier, après le retrait des troupes américaines.

La priorité d’Erdogan est que les Unités de protection du peuple, qui forment le noyau des Forces démocratiques syriennes (SDF) soutenues par les États-Unis, ne concluent pas un accord avec Damas qui donne un second souffle à la force kurde syrienne après le départ des forces américaines …

À Damas, les relations avec le monde arabe sont une nouvelle mauvaise nouvelle pour la Turquie, qui a déjà du mal à faire face au changement rapide des rapports de force en Syrie », écrit Semih Idiz.

« Si le président Bashar al-Assad est de retour parmi les Arabes, comme beaucoup l’espèrent, ce sera le dernier clou de la politique d’Ankara en Syrie, qui a été minée par des erreurs de jugement, des suppositions erronées et des attentes trop ambitieuses ».

«Alors que des pays comme le Soudan, les Émirats arabes unis, Bahreïn, l’Égypte, la Jordanie, l’Iraq, le Liban et la Tunisie se rallient pour la normalisation des relations avec la Syrie – et beaucoup s’attendent à ce que l’Arabie saoudite finisse par les rejoindre – Ankara pourrait se retrouver face à un parti arabe anti-turc. un bloc auquel on ne s’attendait pas », ajoute Idiz.

« Un tel bloc pourrait également compliquer les projets de la Turquie d’entrer dans le nord de la Syrie pour débarrasser la ville de Manbij et les territoires situés à l’est de l’Euphrate des Unités de protection du peuple kurde… surtout maintenant que Damas a déclaré son opposition à cette incursion. » .. Erdogan fait face à des choix difficiles à venir à Idlib et Manbij. Idlib pourrait être « un atout de poids pour Ankara dans le cadre d’un éventuel accord avec la Russie », écrit Kirill Semenov.

«Moscou et le régime syrien ont voulu lancer une opération militaire contre HTS [Hayat Tahrir Al Sham (lié à al-Qaïda)] sans que les modérés ne s’opposent. Les groupes modérés ont maintenant disparu. »..

Le cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, émir du Qatar, a braqué les projecteurs à Beyrouth le 20 janvier, capitalisant sur les querelles arabes sur la Syrie pour remporter le premier siège du sommet économique arabe. Jusqu’à huit chefs d’Etat auraient dû participer au sommet, mais les tensions libanaises et régionales sur le rôle de l’Iran au Liban et le retour éventuel de la Syrie dans la Ligue arabe n’ont amené que les présidents somalien et mauritanien à déclarer qu’ils feraient le voyage en Iran. Beyrouth, avec d’autres participants présents au niveau ministériel. Ensuite, Cheikh Tamim a annoncé qu’il dirigerait la délégation de son pays. D’un coup, le Qatar est de retour dans le jeu, en Syrie et au Liban, aux dépens de l’Arabie saoudite, alors que Riyad continue de se sentir mal après l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi , écrit Bruce Riedel cette semaine

Turkish President Recep Tayyip Erdogan will meet Russian President Vladimir Putin in Moscow on Jan. 23 to try to reset Turkey’s flailing Syria policy.

Putin wants the Syrian government to take control of eastern Syria, and eventually the entire country, following the withdrawal of US troops.

Erdogan’s priority is that the People’s Protection Units, the core of the US-backed Syrian Democratic Forces (SDF), do not cut a deal with Damascus that gives the Syrian Kurdish force a second wind after US forces leave…

“The apparent thaw in Damascus’ relations with the Arab world is more bad news for Turkey, which is already having a difficult time coping with the rapid change in the balance of power in Syria,” writes Semih Idiz.

“If President Bashar al-Assad is welcomed back to the Arab fold, as many expect, it will be the final nail in the coffin of Ankara’s Syria policy, which has been plagued with misjudgments, false assumptions and overambitious expectations from the start.”

“As countries like Sudan, UAE, Bahrain, Egypt, Jordan, Iraq, Lebanon and Tunisia line up to favor the normalization of ties with Syria — and many expect Saudi Arabia to join them eventually — Ankara could end up facing an anti-Turkish Arab bloc it never expected,” adds Idiz.

“Such a bloc could also complicate Turkey’s plans to enter northern Syria to clear the town of Manbij and territories east of the Euphrates River from the Kurdish People’s Protection Units … especially now that Damascus has declared its opposition to this incursion.”.. Erdogan also faces difficult upcoming choices in Idlib and Manbij. Idlib could be a “bargaining chip for Ankara in a potential deal with Russia,” writes Kirill Semenov.

“Moscow and the Syrian regime have wanted to launch a military operation against HTS [al-Qaeda-linked Hayat Tahrir Al Sham] without the moderates in the way. The moderate groups are gone now.”..

Sheikh Tamim bin Hamad Al Thani, the emir of Qatar, seized the spotlight in Beirut on Jan. 20, capitalizing on Arab squabbling over Syria to take the first seat at the Arab economic summit. The summit was supposed to have included up to eight heads of state, but Lebanese and regional tensions over Iran’s role in Lebanon, and Syria’s possible return to the Arab League, led to only the presidents of Somalia and Mauritania saying they would make the trip to Beirut, with other participants attending at the ministerial level. Then Sheikh Tamim announced he would lead his country’s delegation, and in one stroke, Qatar was back in the game, on Syria and in Lebanon, at the expense of Saudi Arabia, as Riyadh continues to find its footing after the murder of journalist Jamal Khashoggi, as Bruce Riedel writes this week

L’offensive de l’armée syrienne et russe sur Idleb

AFP, publié le lundi 17 septembre 2018 à 17h11

Le président russe Vladimir Poutine tentait lundi de lever les réticences de son homologue turc Recep Tayyip Erdogan concernant l’offensive que compte lancer le régime de Bachar al-Assad, avec l’aide de l’armée russe, à Idleb, dernier bastion rebelle de Syrie.

La rencontre entre les deux chefs d’Etat, dont les pays sont des acteurs-clefs du conflit syrien, a commencé peu avant 12H00 GMT dans la station balnéaire de Sotchi, sur la mer Noire.

Elle intervient moins de deux semaines après leur sommet avec le président iranien Hassan Rohani à Téhéran, où leurs divergences étaient apparues au grand jour, poussant la Russie à repousser l’offensive d’Idleb pour éviter une rupture avec Ankara.

« Nous avons beaucoup de sujets à discuter et certains d’entre eux sont difficiles », a déclaré M. Poutine, en accueillant son homologue turc à Sotchi. « Je suis ravi de vous voir non seulement pour échanger nos avis, mais aussi pour chercher des solutions là où elles n’ont pas encore été trouvées », a-t-il souligné.

Pour sa part, M. Erdogan a estimé que cette rencontre se solderait par une déclaration incarnant « un nouvel espoir » pour la région, sans plus de précisions.

Plus fidèle allié de Bachar al-Assad, la Russie semble pressée d’en finir avec la rébellion syrienne et était le plus fervent avocat d’un assaut d’ampleur sur Idleb lors du sommet de Téhéran.

Si la Turquie soutient pour sa part les rebelles syriens, la province d’Idleb est contrôlée à 60% par le groupe jihadiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS), composé notamment de l’ex-branche d’Al-Qaïda en Syrie et considéré comme un groupe « terroriste » par Ankara.

« La situation est tendue avec Idleb », a reconnu lundi le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, cité par l’agence de presse russe Ria Novosti, évoquant des « différences d’approche » entre les deux pays sur le sort de ce dernier fief de l’opposition armée au président Bachar al-Assad.

Depuis le sommet de Téhéran, d’intenses tractations ont donc eu lieu entre Turcs et Russes pour tenter de parvenir à un compromis, l’objectif principal pour Ankara étant de parvenir à neutraliser le HTS tout en évitant le lancement d’une vaste offensive.

 – Diminution des bombardements –

L’enjeu est double pour la Turquie : Ankara veut d’une part éviter un nouvel afflux de réfugiés syriens provoqué par une offensive d’envergure, alors que le pays a déjà accueilli plus de trois millions de Syriens depuis le début du conflit.

D’autre part, la Turquie s’inquiète du sort de centaines de soldats turcs déployés dans douze postes d’observation établis à Idleb pour veiller au respect de la « désescalade » mise en place par le processus d’Astana, entamé en janvier 2017, ainsi que des groupes de rebelles syriens « modérés » qu’elle soutient.

Dimanche, la Turquie a envoyé des renforts militaires, composés essentiellement de chars et d’autres équipements militaires, vers l’un de ses postes d’observation dans la province d’Idleb, selon le quotidien Hürriyet.

Début septembre, le régime de Damas et l’aviation russe avaient multiplié les bombardements sur Idleb pendant plusieurs jours, mais les frappes ont diminué d’intensité la semaine dernière.

« Ce qu’on présente en ce moment comme le début d’une offensive des forces syriennes soutenue par la Russie n’est pas une représentation fidèle des faits », a déclaré la semaine dernière le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, à l’occasion d’une visite à Berlin.

« Nous travaillons activement avec nos partenaires turcs pour régler la situation à Idleb », a-t-il ajouté, précisant que la Russie fera tout « pour s’assurer que la population civile ne souffre pas ».

La Syrie est déchirée depuis 2011 par une guerre qui a fait plus de 360.000 morts. L’intervention en septembre 2015 de l’armée russe aux côtés du régime syrien a changé le cours de la guerre et permis au régime de remporter d’importantes victoires militaires.

La Charte des Nations unies a une nouvelle fois été bafouée.

La Charte des Nations unies a une nouvelle fois été bafouée.

Sans aucune décision du Conseil de sécurité, donc sans mandat de l’ONU, les États-Unis en tête, la Grande-Bretagne et la France ont frappé la Syrie dans la nuit de vendredi à samedi, les 13 et 14 avril dernier en guise de représailles aux « présumées attaques chimiques sur Douma ».

Alors que l’OIAC devait lancer ses investigations en vue de vérifier la présence de gaz toxique le 14 avril, manifestemen,t sans aucune preuve de l’origine de ces attaques chimiques, la France a embrayé le pas pour participer aux frappes punitives contre la Syrie, État indépendant, membre des Nations Unies.

L’AFS, qui se bat depuis le début du conflit syrien pour préserver l’amitié séculaire entre la France et la Syrie, entre les Français et les Syriens et pour instiller un esprit de médiation dans cette horrible guerre voit ses ambitions ruinées par de tels  actes.

Alors que la France pourrait se démarquer de la logique guerrière des États-Unis, pour jouer un rôle capital en faveur du peuple syrien, en ouvrant une antenne consulaire dédiée à nos compatriotes doubles nationaux ou pas et en prenant l’initiative de faire lever l’embargo sur les produits de 1re nécessité, afin de montrer que la France est aux côtés du peuple syrien qui souffre tellement après plus de 7 ans de guerre, les armes ont pris le dessus.

L’AFS ne peut que condamner une telle violation du droit international et souhaite ardemment un retour fort et immédiat aux principes qui ont été institués par la Charte des Nations Unies.

Elle appelle au retour de la France vers une politique humanitaire en Syrie en faveur du peuple syrien qui se comporte d’une manière admirable dans ce drame qui n’en finit pas.

La politique sans conscience n’est que ruine de l’âme.

A Damas, un air de vie ordinaire

ARTICLE SÉLECTIONNÉ DANS LA MATINALE DU 13/11/2017

édition abonné Le Monde

En Syrie par temps de guerre 1|3. Dans une série de trois articles, « Le Monde » évoque la vie quotidienne dans la capitale syrienne, où la population veut croire à la fin de la guerre et des privations.

LE MONDE |  • Mis à jour le  | Par Laure Stephan (Damas, envoyée spéciale)

Ce reportage a été réalisé à la mi-septembre en présence d’un jeune employé du ministère de l’information, comme c’est la règle pour la plupart des journalistes étrangers amenés à séjourner en Syrie dans les zones sous contrôle gouvernemental.

En contrebas de la grande mosquée des Omeyyades, la terrasse du café Al-Nawfara, que l’on dit être le plus ancien de Damas, ne désemplit pas. Des jeunes fument le narguilé, pianotent sur leurs smartphones, boivent un café. Plus à l’est dans la vieille ville, vers Bab Touma, l’une des sept anciennes portes de la ville, des adolescents en uniforme scolaire bavardent et rient, en petits groupes. C’est la mi-journée, les classes viennent tout juste de se terminer. Au loin, des bombardements se font entendre, sporadiques, puis plus fréquents.

Visage impassible, une mère marche main dans la main avec son enfant, des écoliers montent dans le minibus qui les ramène chez eux. Aucun des hommes assis devant une petite boutique voisine de l’école ne tourne le regard vers le lieu des frappes. « Cela fait si longtemps, nous nous sommes habitués » ; « c’est loin » ; « les temps ont été bien plus difficiles, aujourd’hui ce n’est rien », nous confieront les Syriens croisés au cours de ce séjour d’une semaine à Damas.

Les bruits d’artillerie, isolés mais quotidiens, proviennent de la Ghouta orientale, une vaste enclave rebelle en lisière de la capitale syrienne, mais plus personne ne s’en inquiète vraiment. Porte d’entrée, le quartier de Jobar, dont le contrôle reste disputé entre le régime et les combattants anti-Assad, se trouve à moins d’un kilomètre des faubourgs est de la vieille ville. Les frappes des forces progouvernementales et les combats ont baissé d’intensité depuis qu’un processus de « désescalade » a été mis en place en juillet par la Russie, dans la Ghouta orientale. La trêve exclut les djihadistes de l’ex-Front Al-Nosra, lié à Al-Qaida. En septembre, un regain de violence a été enregistré dans cette zone, l’un des derniers fiefs rebelles de la région.

Les habitants sont conscients de leur « chance »

Si les tirs d’obus sur la ville sont moins fréquents, la menace demeure bien présente. A plusieurs reprises, durant notre séjour, plusieurs s’abattront sur des secteurs sous contrôle loyaliste. Un matin, un quotidien gouvernemental annonce un mort et plusieurs blessés dans le quartier de Douela, en attribuant les tirs aux « terroristes » de la Ghouta orientale. Si ces tirs entretiennent un sentiment de vulnérabilité chez les Damascènes, leur peur n’a rien à voir avec celle qu’ils ont connue dans les années 2013-2015, lorsqu’ils pouvaient à tout moment périr sous un obus de mortier. Damas se sent-elle encore une ville en guerre ? « C’est plutôt la capitale d’un pays en guerre », juge Abou Qassem, un commerçant loyaliste.

Les habitants ont conscience de leur « chance » par rapport à ceux d’Homs ou d’Alep, meurtries par les combats. Mais, derrière la normalité apparente du trafic automobile et des magasins ouverts, le conflit demeure omniprésent, que ce soit au travers du fracas intermittent des explosions, ou des barrages militaires. « Ils sont bien moins nombreux », souligne pourtant un habitant, en décrivant les embouteillages de l’année passée. Des checkpoints quadrillent toujours les abords de la capitale, ses principaux axes, ainsi que les entrées des divers quartiers.

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STEPHANE OIRY

Des photos du président Bachar Al-Assad, en civil ou en tenue militaire, les mêmes que celles qui ornent les commerces, y sont affichées, parfois aussi des posters glorifiant l’armée. Un chauffeur de taxi se lamente de l’attente causée par le contrôle des papiers d’identité ou des véhicules ; il essaie d’emprunter la « file militaire » avant de se faire éjecter par un garde. En quelques jours, le rituel devient vite familier : deux coups secs donnés par l’homme en uniforme sur le coffre de la voiture ; après inspection, c’est le feu vert pour reprendre la route.

Une amélioration de la sécurité

A l’un de ces barrages, près de l’enclave de la Ghouta, deux pick-up chargés de combattants en treillis passent en trombe. Sur un mur, on peut lire ce slogan sans équivoque : « Assad ou personne ». En longeant les abords de Jobar se dressent bientôt des immeubles éventrés, aux façades noircies par les flammes, un infime indice du niveau de destruction à l’intérieur de la zone insurgée, pilonnée depuis des années par les aviations syrienne et russe. Les récits des nombreux déplacés ayant fui le secteur viennent rappeler la violence des combats. S’ils ne sont plus retournés sur place, ils ont appris, d’une manière ou d’une autre, que leur maison était désormais à terre. Mais c’est une réalité parallèle, un autre monde, à la fois proche et lointain. Collé à Jobar, un marché aux légumes continue de fonctionner côté loyaliste.

Damas a changé. Des places ont été rabotées, des rues interdites, des rangées de blocs de béton entourent ministères et administrations militaires. Il faut dire que plusieurs attentats majeurs ont secoué la ville depuis 2011. Le dernier en date, le 11 octobre, a fait deux morts et six blessés selon un bilan officiel : trois kamikazes ont tenté d’assaillir le quartier général du commandement de la police. Pris sous le feu des gardes en faction, ils se sont fait exploser avant de pénétrer dans le bâtiment.

LE COÛT DES LOGEMENTS A BONDI. CELUI DES TRANSPORTS AUSSI. CÔTÉ NOURRITURE, TOUT A DÉCUPLÉ

Quelques jours plus tôt, le 2 octobre, un autre attentat avait visé un commissariat de police du quartier de Midane, faisant au moins dix-sept morts, en majorité des membres des services de sécurité. L’attaque a été revendiquée par l’organisation Etat islamique, encore présente à Yarmouk, un faubourg occupé autrefois par un camp palestinien. Au pic du conflit, il y avait même des enlèvements en ville. « Mais la sécurité s’est améliorée », assure-t-on avec soulagement, comme pour conjurer le passé.

Les Damascènes parlent bien plus volontiers, et plus spontanément, de leurs difficultés quotidiennes à joindre les deux bouts. Le salaire mensuel moyen tourne autour de 30 000 livres syriennes (environ 49 euros). Le coût des logements a bondi. Celui des transports aussi. Côté nourriture, tout a décuplé. « Chaque classe sociale est descendue d’un étage, constate un employé d’une association caritative du quartier de Midane. La classe moyenne s’est appauvrie, et les pauvres sont encore plus pauvres. » Il note toutefois un léger mieux : son association a suspendu, à la fin de l’été, l’aide d’urgence, qui consistait à distribuer des repas aux indigents.

80 % des Syriens sous le seuil de pauvreté selon l’ONU

Situé dans le sud de Damas, Midane est connu pour les pâtisseries orientales de sa rue commerçante. Classes moyenne et populaire se côtoient dans cette partie de la ville où les maisons sont basses, et les mosquées d’époque mamelouke ou ottomane. Le soir, dans une odeur de fleur d’oranger et de sucre, les gourmands y dégustent des gâteaux. Mais les commerçants se plaignent : d’après eux, les affaires tournent au ralenti. Pour beaucoup de Syriens, la vie demeure un combat, un défi au jour le jour qui oblige à se contenter du minimum. « Avant la crise, chaque famille de Midane pouvait se permettre 2 kilos de viande par semaine. Par les temps qui courent, c’est bien si un foyer parvient à acheter un kilo par mois », résume l’employé humanitaire.

Selon l’ONU, plus de 80 % des Syriens vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, contre 28 % avant le conflit. Samira Badawiyé, 53 ans, en fait partie. La maison dans laquelle elle vit, près d’un marché aux légumes, surprend par son état de délabrement. Elle a pourtant dû avoir du cachet, cette demeure ancienne… Ses vitres sont cassées, ses murs décrépis, l’ensemble semble pouvoir s’effondrer à tout moment. Au premier étage, du linge pend aux fenêtres. C’est là que vit cette mère de quatre enfants. Elle a fini par trouver refuge dans cet appartement qui appartenait à ses parents.

ABANDONNÉE PAR SON MARI AU DÉBUT DE LA GUERRE, SAMIRA TENTE DE SURVIVRE EN S’ENDETTANT ET REMBOURSE SES DETTES AVEC CE QUE GAGNE SON FILS DE 19 ANS

En juillet 2012, ce mois où la rébellion a semblé sur le point de percer vers le centre de la capitale, elle s’était enfuie du quartier de Yarmouk, théâtre de violents affrontements. « J’ai passé une année à avoir peur la nuit pour mes enfants, raconte-t-elle. Il y avait des bombardements sur les quartiers voisins. A l’été 2012, on entendait que l’Armée [syrienne]libre allait attaquer. Daech [l’acronyme arabe de l’organisation Etat islamique] n’existait pas encore. » Le groupe djihadiste, qui s’est emparé de la majorité du camp de Yarmouk en 2015, y est toujours présent, et Samira Badawiyé ne veut plus y remettre les pieds. Tout cela, pour elle, c’est du passé : « Les gens disent que tout le quartier où l’on vivait a été détruit. »

Abandonnée par son mari au début de la guerre, elle tente de survivre en s’endettant et rembourse ses dettes avec ce que gagne son fils de 19 ans, tailleur occasionnel. Il a quitté l’école et, même si la paix venait demain, il ne reprendrait pas les cours. « Il est le seul homme, insiste Samira. Il faut bien qu’on vive. » A la dernière rentrée scolaire, elle a hésité à inscrire ses deux cadettes, faute d’argent pour les fournitures. « Et puis je me suis dit : peut-être qu’elles deviendront fonctionnaires plus tard. Alors, je les ai tout de même inscrites. »

Malgré le dénuement dans lequel elle survit, Samira s’efforce de bien recevoir ses hôtes. Elle prépare un café en louant la générosité de ses voisins. Dans le salon, un baby case est posé par terre, celui de sa petite-fille, née voici quelques mois, qui dort à poings fermés. Le mari de sa fille aînée est soldat démineur, il a droit chaque mois à une permission de trois jours. « Il a déjà été blessé cinq fois », se désole-t-elle. Aux dernières nouvelles, il a été envoyé sur le front d’Idlib, dans le nord du pays, où les armes continuent de se déchaîner.

La société est composée de très riches et de très pauvres

Dans la rue, près d’étals de tomates, d’aubergines ou de gombos, Mayada Ayoub, 47 ans, décrit, elle aussi, un quotidien de privations. A l’entendre, la société est « désormais composée de très riches et de pauvres ». Elle-même s’en sort grâce à l’argent envoyé par ses deux filles parties en Allemagne, l’une avant la guerre, l’autre après. Son mari, combattant d’une faction palestinienne à Yarmouk, est décédé. Mayada Ayoub met un point d’honneur à aider également sa nièce, malade, et ses neveux, pour les dépenses scolaires et sanitaires. Dans un sachet, elle montre des médicaments achetés à la pharmacie. « Ils viennent d’Iran, confie-t-elle, on m’a dit que c’était bien, et pas trop cher. » Derrière son comptoir, Loubna, la pharmacienne, confirme : « J’ai tout un rayon de médicaments en provenance d’Iran, dont les psychotropes et les antidouleurs. On continue à vendre de tout, mais il y a une hausse des tranquillisants et des somnifères. »

QU’ILS DÉFENDENT LE POUVOIR OU LE CRITIQUENT, LA PLUPART DES INTERLOCUTEURS DÉPLORENT LES SANCTIONS, QUI ONT SURTOUT NUI À LA POPULATION

Avant le conflit, la Syrie disposait d’une importante industrie pharmaceutique. Depuis, de nombreuses usines ont été détruites ou endommagées, et la production entravée par les difficultés à importer les matières premières, en raison des sanctions américaines et européennes sur les transferts financiers. Les Syriens ont dû composer avec les pénuries de médicaments. Ceux de fabrication occidentale restent chers. D’autres, trafiqués en contrebande, sont dangereux.

Qu’ils défendent le pouvoir ou le critiquent, la plupart des interlocuteurs déplorent ces sanctions. Censées punir le régime, pour sa répression des manifestations des premiers mois de la révolte en 2011, et affaiblir le pouvoir, elles ont surtout nui à la population, première victime de l’inflation et des pénuries. C’est aussi le point de vue de plusieurs organisations humanitaires internationales présentes en Syrie. D’autant que les profiteurs de guerre ont réalisé, eux, de juteux bénéfices grâce à la contrebande et au marché noir.

Sur les étagères de la pharmacie de Loubna, on trouve aussi des boîtes de lait pour enfants, ainsi que des paquets de couches fabriquées en Syrie. Des produits déjà coûteux en temps ordinaire. Loubna connaît des mères obligées de diminuer la quantité de lait donnée aux enfants, ou de le remplacer par du riz et de l’eau. Certains parents, pour faire face aux difficultés économiques, multiplient les métiers. Ainsi, de nombreux chauffeurs de taxi travaillent en pantalon de treillis : ce sont des soldats qui profitent des périodes de permission pour gagner un peu d’argent. « La solde n’est pas assez bonne, il faut bien que je fasse vivre ma famille », explique l’un d’eux. Lorsqu’il n’est pas au volant de son vieux taxi jaune, il se bat dans la région de Palmyre.

Une reprise économique attendue

D’un bout à l’autre de Damas, la guerre a fait voler en éclats les habitudes. Elle a tout envahi, même les squares : dans les boutiques de jouets, au milieu des ballons et des poupées, on vend des panoplies en plastique avec arme, gilet pare-balles et casque. « La vie continue », vous répète-t-on, mais l’incertitude du lendemain est devenue le lot commun, et il faut apprendre à faire comme si… « On vient au bureau d’un pas affairé, témoigne un entrepreneur, comme si on était débordés, alors qu’on ne travaille peut-être qu’une heure ou deux. Mais on en a besoin, pas seulement financièrement, mais pour continuer, pour le moral. » L’une de ses usines, dans les environs de Damas, est en ruine. Prudent, il dit sentir venir, depuis la reprise des quartiers rebelles d’Alep par les forces progouvernementales, en décembre 2016, le « début de la fin [de la guerre] ».

Mohammed Ghassan Al-Qallaa, président de la chambre de commerce de Damas et responsable de la fédération des chambres de commerce syriennes, ne donne pas de chiffres sur les dégâts subis par son secteur. Il s’en tient à des généralités, soulignant à quel point toute l’activité économique a été touchée. « Les régions industrielles ont été bombardées, des usines vendues en pièces détachées. » Commerçants et industriels ont également souffert des sanctions.« Mais les Syriens sont inventifs, ajoute-t-il. On trouve tout sur le marché. Prenez l’électroménager, ça se faisait déjà avant la crise, mais la pratique a augmenté : on importe les moteurs et on fabrique sur place. »

LA TENUE DE LA FOIRE INTERNATIONALE DE DAMAS CET ÉTÉ LAISSE ENTREVOIR UN FRÉMISSEMENT, MAIS PAS ENCORE LA FIN DE LA GUERRE

La « crise » est l’un des mots qu’il utilise, au même titre que les « événements », pour décrire la situation du pays depuis 2011. M. Al-Qallaa énumère les difficultés : la production de blé qui, avant-guerre, garantissait à la fois l’autosuffisance et les exportations, a été divisée par quatre ; les entrepreneurs contraints de mettre la clé sous la porte ; les industriels partis après la destruction de leur usine… En fouillant dans le passé, il cherche des raisons de croire à la renaissance de la Syrie : « Durant la première guerre mondiale, il y a eu un flux d’émigration vers les Amériques. Le pays a continué. »

Les décideurs se sont réjouis de la tenue de la Foire internationale de Damas cet été. Une première depuis six ans. L’événement, présenté comme un signe du retour à la normale, a attiré des visiteurs étrangers : Russes, Chinois, Indiens, Egyptiens. Il faut y voir un frémissement, mais pas encore la fin de la guerre. « Il faudra quelques années pour que les opérations militaires se terminent. Puis la vie économique reprendra, et même mieux qu’avant », veut croire M. Al-Qallaa. Les profiteurs de guerre, enrichis grâce à toutes sortes de trafics, figureront alors en bonne place de cette reprise. Qui sont-ils ? Des « privilégiés », des « nouveaux riches », dit-on, sans avancer de nom, en affirmant volontiers que « tout le monde les connaît »« Le plus important pour l’économie, ce n’est pas la source de l’argent, mais le fait qu’il ne reste pas dans des coffres et circule », dit M. Al-Qallaa.

A quelques rues de là, Sonia Khandji Cachecho, chef d’entreprise et membre du conseil d’administration de la chambre de commerce de Damas, ne cache pas son émotion lorsque nous la rencontrons, dans son bureau en rez-de-chaussée. L’une de ses proches a été tuée par une roquette aux abords de la Foire internationale. Tout en exprimant sans détour son dégoût pour ceux qui se sont enrichis sur le dos des autres, elle se veut pragmatique : « C’est le lot de toute guerre »,assure-t-elle. Le sort subi par certains professionnels la met en colère : « Les petits entrepreneurs se sont appauvris, ils sont sortis du jeu, ont choisi l’exil, non pas pour des raisons politiques, mais parce qu’ils ne possèdent plus rien, parce qu’on leur a tout détruit. Leurs espoirs, leurs possessions, leur histoire familiale. » Si l’idée de partir lui a traversé l’esprit, elle a fini par l’écarter. « Il reste une vie solidaire ici, malgré toute cette guerre qui a détruit beaucoup de l’âme des Syriens. »

Des jeunes dandys en terrasse

Le soir, l’animation ne faiblit pas dans le quartier d’Al-Hboubi. Le long d’un axe commercial, les passants flânent devant les vitrines de boutiques d’habillement. Dans d’autres rues alentour, les volets de petits immeubles aux entrées fleuries de bougainvilliers et de jasmins, restent fermés. Aucune lumière n’en filtre. Leurs habitants ont-ils quitté les lieux ? Damas est devenu le carrefour d’un vaste chassé-croisé, entre exilés (5 millions de Syriens ont fui le pays) et déplacés (6 millions sur l’ensemble du pays).

UN 4 × 4 RUTILANT FREINE DEVANT L’UN DE CES ENDROITS À LA MODE, INACCESSIBLES POUR UNE MAJORITÉ DE SYRIENS. QUI SONT-ILS ? QUE LEUR VAUT CE PRIVILÈGE ?

De jeunes dandys se retrouvent sur une place, des filles rient en les dévisageant. Les terrasses des cafés branchés sont bondées, on fume le narguilé, on boit du café. Un 4 × 4 rutilant freine devant l’un de ces endroits à la mode, inaccessibles pour une majorité de Syriens. Un chauffeur en pantalon de treillis en descend pour ouvrir la porte aux passagers. Qui sont-ils ? Que leur vaut ce privilège ? La clientèle s’anime alors que les écrans transmettent un match de football. Autant de moments volés à la morosité et à la dévastation. Une affiche célèbre les « Aigles de Qassioun », l’équipe nationale, qui a finalement raté de peu la qualification pour le Mondial de 2018.

Au restaurant Naranj, table réputée de la vieille ville, deux enfants s’installent sur la terrasse pour épier la noce dans la douceur du soir : la mariée, une couronne posée sur ses longs cheveux, danse entourée des invités, au rythme d’une musique enivrante. Autrefois, ce restaurant était l’une des adresses favorites de Bachar Al-Assad. Malgré la guerre, l’endroit n’a jamais fermé ses portes. « Au plus fort de la crise, les mariages se faisaient dans l’après-midi », se souvient le père Youssef, chargé d’enregistrer les mariages au patriarcat orthodoxe. « Depuis quelques mois, nous accueillons plus de mariages ou d’anniversaires, confirme Mirna Meda, gérante d’un hôtel voisin, le Beit Zaman. Les gens ont envie de vivre des moments de joie. »

L’établissement, lui aussi, est toujours resté ouvert. Les touristes d’avant la guerre ont été remplacés par des journalistes, des employés d’ONG… « On a pesé le pour et le contre, se souvient la gérante. Et puis on a décidé de continuer. C’était une manière de garder espoir et de résister. » Peu importe que des employés soient partis, que sa fille ait émigré en Allemagne… Mirna Meda est restée avec son fils. A ses heures libres, elle photographie pour son aînée les rues de Damas. Quand les bombardements font trembler les vitres qui donnent sur le patio de l’hôtel, elle ne s’en émeut même pas. Sa conviction est faite : si la bataille de la Ghouta orientale finit, « la vie sera plus facile : plus de travail, moins de barrages, la peur qui s’éloigne ».

Des futures mariées au souk de la soie

A l’autre extrémité de la vieille ville, au souk de la soie, une robe de mariée est présentée sur un mannequin à l’entrée d’une impasse. « On vit dans la crise et dans la guerre, mais malgré cela, tout continue. C’est le génie syrien : la capacité d’adaptation », assure le vendeur, Mohamed Ghanem Geha. Dans sa vie d’avant, M. Geha travaillait en Libye. Il a quitté ce pays en 2011, quand une partie la population a commencé à se soulever contre le régime du colonel Kadhafi, puis il s’est lancé dans la mécanique auto, à Jobar. Ensuite, il a fui les combats pour se rendre en zone loyaliste et changer de métier. Le voici maintenant qui montre des modèles de robes blanches pour les mariées, ou de couleur pour les fiancées. Les tenues sont à vendre, ou à louer si l’argent manque. Il arrive à M. Geha d’habiller des jeunes femmes qui célèbrent leurs noces seules avec les deux familles, avant de rejoindre leur mari à l’étranger.

« Avant la guerre les mariages réunissaient les familles pendant trois ou quatre jours. Maintenant, chacun est dans sa région, c’est impossible »
Doha

« C’est une chance de se marier, car il n’y a pas de travail et beaucoup d’hommes manquent », assure Riham, sidérée par les prix de la lingerie et des chaussures à talon. Cette jeune fille de 20 ans fait les magasins avec sa mère. Elles ont prévu de louer une salle pour le mariage. Plus loin, une autre cliente, une étudiante de 23 ans prénommée Doha, compte les jours avant son propre mariage, organisé à Jaramana, une banlieue de la capitale. En attendant, trois femmes voilées l’accompagnent pour choisir sa robe : sa mère, sa belle-mère et une tante. Toutes trois contemplent les modèles présentés par le vendeur.

Doha aurait aimé acheter une robe rien qu’à elle, du genre unique, « que personne d’autre n’a portée et que personne d’autre ne portera jamais ». Mais sa famille n’a pas les moyens de la lui offrir, il faudra donc la louer. En tout, les deux familles débourseront 900 000 livres syriennes (1 500 euros) pour cette cérémonie, soit trente fois le salaire moyen. Et encore, avoue la belle-mère, la liste des invités a été restreinte aux intimes. « Avant la guerre, explique-t-elle, les mariages réunissaient les familles pendant trois ou quatre jours. Maintenant, chacun est dans sa région, c’est impossible de penser organiser de telles festivités. » La cérémonie sera tout de même filmée pour être partagée avec les proches en exil. « Ce sera un moment de joie et de souvenir, dit-elle. Dans chaque maison, il y a des émigrés, des disparus ou des morts. » C’est ainsi : à Damas, les fantômes des absents s’invitent partout, même aux mariages des vivants.

 

Ryad va organiser une conférence élargie de l’opposition syrienne

NOV
14

Ryad va organiser une conférence élargie de l’opposition syrienne

L’Arabie saoudite a prévu d’accueillir la semaine prochaine à Ryad une conférence qualifiée d' »élargie » de l’opposition syrienne afin d’unifier les différents courants avant des négociations de paix sous l’égide de l’Onu, indique l’agence saoudienne de presse SPA, lundi.
Les discussions prévues du 22 au 24 novembre visent « à réunir les partis et plates-formes (de l’opposition) et à unifier leur délégation de négociateurs pour relancer les pourparlers directs sous les auspices de l’Onu à Genève », indique SPA.
Le royaume saoudien soutient un rassemblement de personnalités de l’opposition réunies au sein du Haut comité pour les négociations (HCN) présidé par Riyad Hidjab, ancien Premier ministre de Bachar al Assad.
Le HCN représentait l’opposition syrienne lors des discussions organisées à Genève par les Nations unies.
Plusieurs autres groupes politiques d’opposition sont soutenus par d’autres pays comme la Russie ou l’Egypte.
L’agence SPA ne précise pas quelles sont les formations opposées au régime d’Assad qui seront présentes lors de cette conférence.
Le gouvernement saoudien est favorable à la conclusion d’un accord international sur l’avenir de la Syrie mais soutient qu’Assad ne peut pas jouer un rôle dans la transition qui doit mener à la fin de la guerre.
Plusieurs sessions de négociations sous médiation de l’Onu n’ont abouti qu’à de maigres progrès.

L’armée syrienne reprend Deir ez-Zor

L’armée syrienne a repris le contrôle total de la ville orientale de Deir ez-Zor, la plus importante de l’est du pays.

 L’EI s’était emparé de la quasi-totalité de Deir ez-Zor et de sa province riche en pétrole en 2014. L’armée syrienne avait pu en libérer certains quartiers assiégés en septembre.

Les tranchées creusées par les jihadistes étaient encore visibles. Vendredi, des unités d’ingénierie au sein de l’armée s’employaient à désamorcer les mines et autres engins explosifs laissés par les combattants de l’EI, selon la télévision d’Etat.

La perte de la ville de Deir ez-Zor est un nouveau coup dur pour l’EI, qui a subi une série de revers ces dernières semaines en Syrie et en Irak voisin.

Le groupe ultra-radical ne tient plus aujourd’hui que 35% de la province de la Deir ez-Zor et s’est retranché dans une ville de moindre importance, Boukamal, à la frontière irakienne. Les forces du régime syrien sont désormais à 40 km de Boukamal.

» Lire aussi : En Syrie, le régime à l’assaut de Deir ez-Zor

L’EI contrôle encore des villages et localités et au moins un champ pétrolier dans la Syrie en guerre, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH).

Ces derniers mois, les jihadistes ont été chassés des grandes villes qu’ils contrôlaient, sous le coup de multiples offensives: par les forces irakiennes à Mossoul (nord de l’Irak) en juillet, et par une coalition kurdo-arabe syrienne soutenue par Washington à Raqa en Syrie, au mois d’octobre.

En pleine débâcle, l’EI accusé de nouvelles exactions en Syrie

Des enfants jouent dans une rue d’al-Qaryatain, récemment reprise aux jihadistes de l’EI, le 22 octobre 2017 en Syrie (afp)


Le groupe Etat islamique (EI) a été accusé lundi d’avoir « exécuté au moins 116 civils » dans une ville du centre de la Syrie avant d’en être chassé, les jihadistes ne contrôlant plus qu’un territoire restreint dans ce pays en guerre.
Cible de multiples offensives, l’EI subit depuis des mois revers après revers en Syrie et en Irak voisin. Il vient d’être chassé par une alliance de combattants kurdes et arabes de Raqa, son ancienne « capitale » de facto en Syrie et voit s’écrouler son « califat » autoproclamé sur les régions conquises en 2014.
Le groupe ultraradical, qui s’est fait connaître pour ses exactions souvent mises en scène de manière spectaculaire, conserve toutefois sa capacité à riposter de manière meurtrière, par des exécutions ou des attentats à travers le monde.
« Durant les 20 jours où il a contrôlé al-Qaryatayne, l’EI a exécuté au moins 116 civils (…), après les avoir accusés de collaboration avec les troupes du régime », a indiqué lundi à l’AFP Rami Abdel Rahmane, directeur de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH).
Cette localité de la province de Homs a été reprise samedi aux jihadistes par les forces du régime de Bachar al-Assad.
Selon M. Abdel Rahmane, les cadavres ont été « trouvés dans les rues, les maisons et à d’autres endroits » par des habitants de retour dans leur ville.
« Certains ont été tués à l’arme blanche, d’autres par balle », a ajouté le directeur de l’OSDH.
D’après ses sources, la plupart des victimes ont été tuées au cours des deux jours précédant la débâcle de l’EI à al-Qaryatayne.
L’agence officielle Sana a publié lundi des images tournées dans la ville, montrant un hôpital saccagé et en partie incendié, ainsi que des routes recouvertes de gravats.
Le gouverneur de la province de Homs, Talal Barazai, apparaît sur la vidéo remerciant les habitants pour leur « ténacité » face à l’EI et s’engageant à rester à leur côté. Des dizaines de personnes faisaient la queue pour recevoir de l’aide humanitaire distribuée par le Croissant rouge syrien.
L’EI avait capturée al-Qaryatayne une première fois en août 2015 avant d’en être chassé moins d’un an plus tard. Puis, le 1er octobre, les jihadistes s’étaient à nouveau emparé de cette ville qui compte une minorité chrétienne et plusieurs églises, dont certaines ont été saccagées.
Le régime a pris le contrôle de la ville samedi, « après le retrait de plus de 200 membres de l’EI en direction de la Badiya », le grand désert du centre syrien, selon l’OSDH.
Avec la récente perte de Raqa, le dernier bastion urbain de l’EI en Syrie est la ville de Boukamal, située à la frontière de l’Irak, dans la province de Deir Ezzor (est). Cette région pétrolière était quasi totalement entre les mains de l’organisation extrémiste il y a encore quelques mois, mais les jihadistes n’en contrôlent plus que 40% aujourd’hui.
Des combats s’y poursuivent, et l’EI se trouve confronté à deux offensives distinctes: l’une menée par le régime syrien et son allié russe, l’autre par l’alliance arabo-kurde des Forces démocratiques syriennes (FDS), appuyée par les Etats-Unis.
Toujours dans la province de Deir Ezzor, l’EI contrôle par ailleurs, selon l’OSDH, quelque 8% de la capitale éponyme, soit une poignée de quartiers de cette cité qui comptait initialement plus de 100.000 habitants.
Dans tous les territoires dont il s’était emparé en 2014, l’EI a mené les pires exactions, orchestrant exécutions de masse, décapitations et autres atrocités.
En décembre 2014, les corps de 230 personnes exécutées par l’EI sont découverts par leurs proches dans une fosse commune dans la province de Deir Ezzor. En juin 2015, les jihadistes ont tué en trois jours plus de 200 civils, dont des femmes et des enfants, dans la ville de Kobané (nord), avant d’être repoussés par des forces kurdes.
En Irak, les jihadistes font subir à la minorité kurdophone yazidie des traitements particulièrement cruels, exécutant des hommes et réduisant des femmes à l’état d’esclaves sexuelles. L’ONU estime que les attaques de l’EI contre cette communauté « pourraient constituer un génocide ».

 

Macron et le roi de Jordanie en accord sur la Syrie et le terrorisme

AFS: Est-ce le début d’un infléchissement de la politique de la France en Syrie?

 » Nous souhaitons construire une solution diplomatique inclusive dans la région qui permette cette stabilité ». a déclaré le Président Emmanuel Macron.
Le président Emmanuel Macron et le roi de Jordanie Abdallah II (g), lors d’une rencontre à l’Elysée, le 19 juin 2017 à Paris (afp)

Emmanuel Macron et le roi de Jordanie Abdallah II ont souligné lundi leur « vision commune sur les défis du Moyen-Orient », avec comme « premier sujet la lutte contre le terrorisme et la radicalisation » ainsi que la crise en Syrie.

« Je veux exprimer au roi mon admiration sur sa façon de préserver la Jordanie qui reste un pôle de stabilité dans la région, alors que des fractures nombreuses aurait pu toucher votre pays », a déclaré le président français devant la presse, à l’issue d’un entretien à l’Elysée.
« La Jordanie est un membre important de la coalition internationale contre Daech et accueille une partie de notre dispositif militaire », a-t-il rappelé. « L »engagement de la France au côté de la Jordanie restera entier dans la lutte contre le fléau terroriste ».
Quant à la crise syrienne, « nous partageons le même sentiment d’urgence de construire les moyens d’une stabilisation militaire dans le sud de la Syrie et nous souhaitons construire une solution diplomatique inclusive dans la région qui permette cette stabilité ».
« La France est fortement impliquée dans cette action diplomatique, à travers le dialogue avec plusieurs puissance de la région » ainsi que la Russie et la Turquie, a-t-il dit.
Les deux chefs d’Etat ont aussi évoqué le dossier israélo-palestinien. « Je réitère ma condamnation de l’attaque vendredi à Jérusalem mais aussi la poursuite de la colonisation qui menace une solution à deux Etats », a dit M. Macron.
Il a enfin rendu hommage au journaliste irakien tué et aux trois journalistes français blessés à Mossoul, exprimant « la solidarité de la France et du chef de l’Etat à l’égard de ces hommes et ces femmes qui font leur travail et auprès desquels nous serons constamment ».
De son côté, le roi de Jordanie a dit vouloir « continuer le partenariat stratégique » avec la France. « Les défis économiques, sécuritaires ou le terrorisme doivent nous conduire à agir ensemble dans la région ». Faute de solution, « le terrorisme va continuer à se répandre », a-t-il averti.
« C’est également dans l’intérêt de l’Europe, c’est pour cela que nous avons accordé autant d’importance à nos relations avec les pays européens et la France », a-t-il poursuivi. Le dirigeant jordanien a aussi souligné les conséquences humanitaires et économiques du flux de réfugiés syriens en Jordanie, et espéré que les investissements français en Jordanie — premier pays investisseur non-arabe dans la pays — allaient se poursuivre.