A l’occasion des obsèques du père Jacques HAMEL, lâchement assassiné par des terroristes déstructurés, l’AFS s’associe au nombreux messages d’indignation et de solidarité, émanant de la collectivité nationale et internationale et des associations syriennes ou franco-syriennes.
Nous nous sommes interrogés sur la question de savoir s’il était nécessaire de mêler, une fois de plus, notre colère à celle unanime du monde entier.
Nous avons préféré rester dans un silence compassionnel.
Cette fois-ci c’est au cœur même de l’Eglise que le terrorisme a frappé en France, comme il a frappé encore plus durement en Syrie d’une manière indiscriminée, les communautés chrétiennes et musulmanes.
Cependant, nous ne manquons pas de nous interroger sur les raisons pour lesquelles le Peuple français, s’est si bien mobilisé encore une fois, contre cet odieux assassinat d’un modeste prêtre de 86 ans mais qui n’a pas autant manifesté lors des massacres en Syrie depuis plus de 5 ans commis par toutes les parties en présence !
Par toutes les parties, nous entendons le Gouvernement syrien qui porte une responsabilité particulière, mais également les nombreux Groupes terroristes y compris les rebelles dits « modérés », s’il en existe encore, alors qu’il ne fait pas de doute pour les observateurs sérieux, qu’ils sont considérés à juste titre comme tels par la communauté internationale, pour avoir partie-liée avec des groupes djihadistes.
La neutralité qui caractérise la doctrine de notre Association n’empêche pas une critique lucide de la situation.
L’ensemble des spécialistes et des dirigeants politiques sérieux s’accordent
à reconnaitre, qu’il n’y aura pas d’issue du conflit en Syrie par la guerre.
Or, les différentes parties en présence continuent à faire la guerre d’une manière particulièrement cruelle et alors que, les puissances occidentales et orientales y contribuent, à n’en point douter.
Nous avons maintes fois appelé à la cohérence des politiques internationales menées par les grandes puissances et les puissances régionales, mais également les belligérants eux-mêmes.
Si ces puissances et les parties en cause mettaient autant d’énergie pour faire la paix qu’ils mettent pour faire la guerre, il y aurait bien longtemps qu’une solution aurait été trouvée pour arrêter le conflit, en tout cas, entre les forces régulières syriennes et les opposants armés non djihadistes.
Seuls les Russes, les Iraniens et le Hezbollah parlent avec Bachar El Assad, pourquoi leur laisser cet avantage stratégique ? pourquoi ne pas reprendre la main et parler directement avec lui et son Gouvernement ainsi qu’avec ces mêmes Russes et Iraniens, pour tenter de trouver une solution commune au conflit.
Le rétablissement des relations diplomatiques entre la France et la Syrie permettrait de dialoguer, ce dont cette crise manque cruellement.
Ce dialogue est fondamental pour comprendre la réelle position de chacun, ce qui éviterait de se perdre en accusations et en interprétations hasardeuses.
Il serait important de faire la différence entre ceux qui veulent faire la paix et entamer la reconstruction du pays, pour épargner le peuple syrien dont nombreux d’entre eux risquent d’être assassinés, comme l’a été le Père Hamel.
Un tel positionnement permettrait de lutter contre le terrorisme d’une manière plus ordonnée et sortir ainsi, d’une certaine ambiguité.
L’ambiguité et le jeu à plusieurs bandes mènent toujours à plus de drames.
Les grandes puissances s’honoreraient de sortir de leur propre ambiguité et les puissances régionales seraient mises au pied du mur, car il ne faut pas s’y tromper, les syriens et les français sont victimes de cette ambiguité mortifère.
Au nom de l’amitié séculaire entre la France et la Syrie et en tant que défenseur de cette amitié, nous appelons à un sursaut, une rupture avec les politiques dogmatiques et la reprise du dialogue direct, pour mener à un processus de médiation digne de ce nom.
Le Docteur Elias Lahham, Président du Forum National Syrien, nous rappelait à juste titre, lors de son dernier séjour en France que, sur les 2 millions de chrétiens que comptait la Syrie, il n’en reste plus qu’environ400.000 dans la zone contrôlée par les autorités de Damas et que dans cette zone, environ 12 millions de syriens y vivent à majorité musulmane sunnite, protégés par le Gouvernement du Président Bachar Al Assad.
Cependant tous les jours tombent sur Damas des obus tirés par des rebelles djihadistes ou non, qui font des victimes d’une manière indiscriminée.
La vie continue à être difficile pour les Damascènes et les Syriens de toute la Syrie, sans parler des atrocités qui se passent à Alep.
La médiation, en tant qu’instrument diplomatique de règlement des conflits, a connu depuis la fin de la guerre froide un renouveau en lien avec les transformations de l’Ordre international.
Il est cependant à déplorer que ce processus de médiation reste encore embryonnaire, qui serait pour certains, l’instrument des faibles qui auront choisi le « soft power », alors qu’il est clair que c’est le seul moyen digne de faire la paix.
La France, dotée des instruments de la puissance, ne semble pas avoir ressenti le besoin de s’investir dans ce processus.
Or la France, ancienne puissance mandataire, aurait pu jouer un rôle majeur dans un tel processus de médiation, montrant aux yeux du monde, qu’il existe pour le pays des droits de l’homme, une autre voie que celle de la guerre alors et surtout que ses alliances n’apportent pas la démonstration de la cohérence par rapport à nos fondamentaux démocratiques.
Alors, la France peut-elle jouer encore un rôle pour enclencher de façon déterminée ce processus de médiation en coordination avec les Nations unies, les Etats-Unis et la Russie ?
Pourquoi se satisfaire de la rupture des pourparlers à Genève dans le cadre des négociations menées par Staffan de Mistura ?
Une médiation neutre et indépendante se doit d’entreprendre toute démarche, afin que le dialogue ne soit pas rompu.
Alors reprenons au plus vite le chemin de la table des négociations et que les belligérants entrent véritablement dans ce processus de médiation.
La France pourrait jouer un rôle moteur dans une vraie médiation, même si elle a été marginalisée par les Russes et par les Américains.
Les Aleppins, et tous les syriens en général, attendent que l’on redouble d’effort pour mettre fin à ces massacres.
Cette guerre est insupportable, cette guerre n’a pas de sens, il faut s’employer à l’arrêter au plus vite.
Assez de guerre et de souffrance en Syrie !
Patrice Mouchon
Président de ! ‘Association d’Amitié France Syrie