Destruction de l’Arc de Triomphe par l’E.I. à Palmyre

« Toute la Cité est désormais en danger » avertit Dr Maamoun Abdul Karim, Directeur Général de la DGAM. 
Encore une destruction à Palmyre ! On pourrait se demander quelle justification pourraient cette fois inventer les djihadistes de Daesh ?
Il ne s’agit pourtant ni d’idoles ni de tombes. Iront-ils inventer un “tyran” dont le souvenir serait à éradiquer ?
En tout cas, tout ce qui peut rattacher le peuple syrien à un passé qui n’est pas celui qu’ils se réinventent leur est abominable.
Ne parlons pas non plus de leur provocation délibérée à l’égards des amoureux du patrimoine et des opinions occidentales.
A tout détruire petit à petit, que restera-t-il de Palmyre ? C’était un impressionnant champs de ruines, bientôt il n’en restera plus qu’un vaste amas de pierrailles. Triste XXIe siècle.

L’ÉTAT ISLAMIQUE ET LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL ARABE CIVIL ET RELIGIEUX

Nous reproduisons l’intégralité d’un article rédigé par Christian Lochon, administrateur de l’Association d’Amitiés France-Syrie, paru dans le Bulletin de l’Oeuvre d’Orient No 779 d’Avril 2015 sur la destruction du Patrimoine arabe.

C’est parce que le Proche-Orient est connu de beaucoup de nos lecteurs que les événements dramatiques qui s’y succèdent les interpellent à double titre; le christianisme y est né, y a triomphé avec Byzance puis a subi tant d’épreuves jusqu’à nos jours que les adhérents à l’Oeuvre d’Orient se mobilisent pour que nos Frères chrétiens demeurent là où leurs ancêtres ont tant lutté. Nous aurons à plusieurs reprises l’occasion au cours de ce modeste rappel de montrer les points de convergence, de rapprochement, d’échanges, de civilisations croisées entre les rives septentrionale et orientale de la Méditerranée. Mgr Pascal Gollnisch, nous rappelle constamment ses souhaits pour que ce pluralisme culturel et linguistique, que ce pluriconfessionalisme, traditionnels dans la région, demeurent car ils sont le substrat de toute citoyenneté.

A) ELEMENTS INTRODUCTIFS

Charia et interprétations coraniques
Le journaliste Yassin Al Haj Saleh, dans un numéro de Mars 2015 du quotidien arabophone Al Hayat, édité à Londres et très lu, consacre un article aux extrémistes musulmans qui aspirent à établir durablement le règne de l’islam en niant toute évolution historique, n’ayant aucune vision d’avenir. Il précise que «certains points adoptés par Daech sont aussi communément acceptés par les musulmans modérés comme l’interdiction de changer de religion s’il s’agit de l’islam, l’adoption de la charia qui entraînerait la coercition et le refus d’un État de droit ou la nostalgie d’un Califat qui unirait toute l’Oumma. Aussi grâce à des campagnes de communication très efficaces, Daech attire des milliers de volontaires étrangers qu’il associe à ses campagnes d’intimidation et de terreur, multipliant les attentats, les exécutions, les vols, les autodafés.» La lecture du Coran est intangible pour ces ignorants auxquels on a assuré que le texte dicté par Allah lui-même n’est pas susceptible d’adaptation à l’évolution de la civilisation islamique. Évoquant les destructions de Daech en Syrie, le Pr. Maamoun Abdulkarim, Directeur général des Antiquités et des Musées de Syrie les attribue «aux affrontements militaires, aux groupes mafieux mais aussi aux groupes extrémistes QUI VEULENT EFFACER TOUTE DIVERSITE CULTURELLE AINSI QUE LES REPERES PATRIMONIAUX».
En plusieurs endroits du monde musulman, on a assisté à des opérations de destruction de tout ce qui était préislamique, édifices et biens culturels; en Afghanistan, en 2001, lors des tirs au canon sur les Bouddhas de Bamyan (sculptés il y a 1500 ans); en Tunisie au Musée du Bardo en mars 2015 le saccage des antiquités phénico-carthaginoises s’accompagna de l’exécution d’étrangers «athées». Cette éradication comprend aussi les mosquées-mausolées et les centres confrériques sunnites, les mosquées chiites; au Mali avec la destruction de mausolées de saints musulmans et de manuscrits à Tombouctou (mai et décembre 2013); en Libye avec la démolition des mausolées très populaires des Cheikhs Al Chaab à Tripoli et Abdessalam al Asmar à Zliten, haut lieu confrérique. En Tunisie avec le vandalisme effectué sur le Mausolée de Sidi Ben Youssef à Hammamet et sur une soixantaine d’autres. A Koweït-City, le deuxième vendredi de Ramadan 2015, un jihadiste sunnite saoudien fait exploser son véhicule dans le périmètre de la Grande Mosquée chiite de la ville, tuant 27 fidèles et en blessant 200.
Les sanctuaires chrétiens au Pakistan, en Indonésie, aux Philippines et bien sûr au Proche-Orient comme on va le voir plus loin, sont également dévastés. La manière dont sont vilipendés les non-alliés musulmans de Daech laisse prévoir comment sont traités les non-musulmans et particulièrement les chrétiens. Sébastien de Courtois a vu une religieuse chaldéenne enlevée à Mossoul puis libérée; alors que ses geôliers irakiens la respectaient, les miliciens venus d’Europe l’auraient sauvagement exécutée imaginant sans doute que les chrétiens orientaux sont des musulmans convertis; d’autres témoignages de chrétiens enlevés montrent que les salafistes les plus cruels sont les Tchétchènes, les Belges et les Français. Comme la Russie soutient le Régime d’Assad et, au nom de la politique étrangère de l’empire russe, les Chrétiens orthodoxes de Syrie, ces derniers sont assimilés aux Russes par le millier de mercenaires venus de Grozny et dirigés par un homme de main de Baghdadi, Omar Chichani de mère géorgienne et de père tchétchène. Le massacre de Maaloula en Syrie (voir plus loin) où de jeunes chrétiens refusèrent de se convertir et furent exécutés est révélateur de la haine profonde qu’entretiennent des mercenaires Daech envers les chrétiens. On pourra se reporter pour essayer de comprendre les motifs de ces tortionnaires aux articles intitulés Les Chrétiens orientaux et la charia (Bulletins de l’Oeuvre d’Orient avril et juillet 2014, Nos 775 et 776)
Colloques récents sur le Patrimoine arabe religieux et civil
Le monde scientifique et les mouvements chrétiens se mobilisent à Paris depuis plusieurs mois pour alerter l’opinion sur la destruction du patrimoine architectural moyen-oriental. Le 28 Mars 2015, au Colloque à l’École Normale Supérieure de Paris pour la protection des sites archéologiques syriens, organisé par le Professeur Leriche et avec le soutien du Directeur de l’École, les témoignages de deux archéologues syriens doctorants en France furent édifiants. MM Human Saad et Karim Abdallah, ayant rappelé que leur patrimoine était leur identité et que leur avenir était lié à leur passé, décrivirent comment les employés du Département des Antiquités syriennes et la population locale s’étaient efforcés de cacher les objets antiques lorsqu’ils n’avaient pas pu les expédier vers Damas sur des camions de l’armée nationale; cela s’est produit à l’occasion du déménagement des musées de Deir Ezzor, d’Alep et plus récemment de Palmyre; des gardiens de sites qui participaient à la sauvegarde ont été tués par Daech. Le 15 avril 2015, à l’auditorium de l’Institut du monde Arabe, un colloque sur le Patrimoine des Chrétiens d’Orient était animé par M.Alain Desrémaux (CNRS), Mgr Pascal Gollnisch, le Père dominicain Nagib Michaïl qui sauva les manuscrits de Mossoul et Sébastien de Courtois. Le 22 avril 2015, à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris, une Table-ronde était consacrée au «Patrimoine culturel de Syrie et d’Irak en péril», à laquelle participèrent MM Bruno Favel (Ministère de la Culture), Samir Abdulac du Groupe de Travail Icomos pour la sauvegarde du patrimoine syrien et irakien, Mounir Bouchenaki (UNESCO), Chérif Khaznadar (Maison des Cultures du Monde). Le 6 mai 2015, l’UNESCO organisait une conférence sur le thème « Pour le Patrimoine Irak-Syrie et autres conflits». Le 10 juin 2015, au Centre Culturel de la Goutte d’Or (Paris 18e), Madame Nada Al Hassan traitait d’un thème semblable «Le Patrimoine syrien et irakien en danger». Les 18 et 19 juin 2015, un Colloque à l’UNESCO envisageait «La Reconstruction post-conflit de l’ancienne ville d’Alep».
Expositions sur la culture chrétienne au Proche-Orient
A Paris, deux remarquables expositions se sont tenues sur le patrimoine chrétien irakien; l’une intitulée «Mésopotamie, carrefour des cultures, grandes heures des Manuscrits irakiens» au Musée des Archives Nationales» (Hôtel de Soubise) du 20 mai au 24 août 2015; l’autre à la Mairie de Paris V «Mossoul métropole chrétienne dans la plaine de Ninive» grâce au fonds photographique du Couvent dominicain de Mossoul du 29 mai au 2I juin 2015; cette exposition, confiée à l’Oeuvre d’Orient pour cinq ans, pourra être prêtée à des paroisses dans le cadre de conférences consacrées aux Chrétiens d’Orient. D’autre part, l’Institut du monde arabe serait disposé à organiser également une grande exposition sur ce thème.
A) MONUMENTS ANTIQUES ET ISLAMIQUES D’IRAK
Philippe Flandrin dans Le Pillage de l’Irak dévoilait, avant la création de Daech, les déprédations occasionnées aux sites sumériens et assyriens aussi bien qu’aux Musées de Bagdad, de Mossoul, de Nasseriyah par la famille de Saddam Hussein, notamment son fils Oudaï pour laquelle le trafic des antiquités était source de revenus importante puis, au moment de l’occupation de l’Irak par l’armée américaine, la ville d’Our, par exemple, lieu de naissance d’Abraham, était incluse dans un périmètre militaire américain. A Bagdad, la Bibliothèque Nationale vit ses milliers de tablettes antiques, ses manuscrits bouyides, abbassides et ottomans emportés. Au Musée National de la capitale, des milliers d’objets , dérobés par des bandes de délinquants que le peuple appelait «Ali Baba» conduits par des spécialistes, allaient être vendus à New York et à Tokyo, comme cela s’était passé auparavant au Musée de Kaboul en 1993. Les responsables américains essayèrent de relativiser les faits après que l’UNESCO les ait accusés d’impéritie, voire de complicité. Aujourd’hui, est venue l’ère des exécutions de minoritaires religieux et des pillages de la richesse architecturale par la nouvelle composante islamiste Daech indûment appelée État Islamique.
Daech détient sur son territoire 1800 des 12000 sites archéologiques irakiens, dont trois sites classés à l’UNESCO, Assour, Hatra et Samarra. Les premières villes et l’écriture y apparaissent vers -3500; le Code d’Hammurabi (qui a inspiré plusieurs versets juridiques coraniques) a été élaboré pendant ce règne (-1792 à -1750); l’Empire assyrien dure de -1000 à -609; Cyrus le Grand y règne en -539, suivi des successeurs d’Alexandre, des Romains, des Parthes et à nouveau des Perses. L’arabisation commence en +534. Daech détruit tout ce qui contredit le projet de tradition iconoclaste mais aussi vend le produit des pillages sur le marché international de l’art et encourage la population en partie bédouine et qui considère le sol comme terrain clanique, à faire de même en percevant 20% de la valeur marchande. L’ICOM, Conseil International des Musées, surveille ce trafic, les missions archéologiques étrangères ne pouvant encore opérer qu’au Kurdistan ou au sud de Bagdad.
ASSOUR (Qalaat Sharqat), première capitale assyrienne en pierres (XXVIe siècle avant J.C.) On y a découvert le grand temple d’ Achour, dieu suprême assyrien et ceux d’Erbil, Hadad, Ishtar qui recelaient de nombreuses tablettes de prières aujourd’hui au Musée de Bagdad, des ziggourats et des palais. Ces cités en pierre ne se trouvent que dans le Nord irakien et opposent une résistance plus efficace aux dynamitages de Daech que les cités du centre et du sud bâties en briques cuites au soleil, comme les ziggurats, les minarets , donc moins faciles à protéger.

HATRA, à 110 km Sud-Ouest de Mossoul, sur la rive droite du Tigre, avait été fouillée à partir de 1950; son enceinte circulaire de 2 km de diamètre protégeait le siège d’une principauté arabe qui se battit vaillamment contre les Romains et fut occupée par les Sassanides à partir de 240; on y voyait ainsi des monuments d’influence mésopotamienne, parthe, iranienne, grecque bien conservés en 1969 lorsque je la visitais avec l’archéologue Paolo Costa; elle fut la première cité antique irakienne à être inscrite au Patrimoine mondial. Le 7 mars dernier 2015, ses temples du Soleil (-IIe siècle à +IIIe siècle), ses tours des morts (comme à Palmyre), ses statues de rois (comme «Volagèse, roi des Arabes») ou de dieux (Shamash, Poseidon, Apollon, Hermès) sont systématiquement détruits en utilisant explosifs et bulldozers; devant les protestations de l’Unesco qui dénonça cet acte comme «crime de guerre», le porte-parole de Daech répliqua «On va détruire toutes vos pièces archéologiques, vos sites, vos idoles, votre patrimoine et l’État Islamique va gouverner vos pays»(sic). Hatra était une étape de la «Route de la Soie», en relation avec Palmyre, Petra, Baalbeck, construite par des tribus nomades arabes
KHORSABAD, à 18km au Nord-Est de Mossoul, abrite les vestiges de Dour-Sharroukin, capitale assyrienne de Sargon II (-721-705); en 1843, les consuls français à Mossoul, nommés pour la protection des chrétiens de la région, Paul-Emile Botta puis Victor Place, y entreprirent des fouilles gigantesques avec peu de moyens, croyant qu’il s’agissait du site de Ninive; ils expédieront par la voie du Tigre jusqu’à Bassorah les fameux Lions ailés que le Louvre recueillera, à la demande de Louis-Philippe et qui inaugureront le Département des Antiquités assyriennes.
MOSSOUL, à 350Km de Bagdad, comptait en 2014 une population de deux millions d’habitants qui appartenaient aux communautés confessionnelles sunnite (majoritaire), chiite, chrétienne, yézidie(mazdéenne), chabak (chiite kurdophone) et ethniques, arabe, kurde, turcomane, araméenne. En investissant Mossoul, les miliciens daechis s’en sont pris aux églises, aux temples yézidis, aux mosquées chiites mais aussi à la Mosquée sunnite Younes (Jonas), ancienne église du VIIe siècle transformée en mosquée et que Tamerlan avait épargnée à cause de la sépulture du Patriarche nestorien Hanisho qui y était attestée. La dernière restauration de ce haut lieu de culte, objet de pèlerinages musulmans, datait de 1393. La mise à sac du Musée archéologique de Mossoul, le 26 février 2015, a été filmée; on y voit les miliciens briser les copies en plâtre d’originaux rapatriés au Musée de Bagdad depuis 2003 tandis que les objets précieux dissimulés dans les réserves ont été vendus hors du pays pour alimenter le trésor de l’État islamique. En janvier et en février 2015, les Daechis se livrèrent à des autodafés publics de milliers d’ouvrages de la Bibliothèque Centrale de la ville qui ne concernaient pas l’islam traditionnel.
NINIVE, en face de Mossoul, sur la rive gauche du Tigre, fut la dernière capitale assyrienne. Elle était entourée d’un long et massif mur de 12 km percé de quatre portes monumentales dédiés aux dieux Shamash, Adad, Nergal, Maski La colline de Kouyoumdjik recouvre le centre de la métropole avec ses palais, dont celui d’Assourbanipal (-668-626) où les fouilles commencées en 1842 révélèrent une collection de 25 000 tablettes consacrées à des textes littéraires (l’épopée de Gilgamesh dont on retrouvera des passages dans la Bible et la mythologie grecque), mais aussi des temples et de multiples statues. Le tell Nabi Younès dans la partie sud, couvre les restes du palais d’Essahardon (-681-660); la Mosquée du prophète Jonas qui y était érigée, a été détruite par Daech pour le fait qu’elle était devenue un lieu de pèlerinage; curieusement le terme «Ninua» devenue Niniwa (Ninive) a le sens de «poisson» en sumérien, allusion au mythe de Jonas(?). La porte de Nergal avait été reconstituée le plus exactement possible et flanquée de deux taureaux ailés androcéphales du VIIIe siècle avant J.C. On aura vu, en février 2015, des sbires daechis en train de détruire ces vénérables statues à la perceuse électrique!
NIMRUD (34km Sud de Mossoul) fut la deuxième capitale de l’Assyrie; son enceinte de 8 km de long protégeait le palais d’Assurzanipal (-885-850) resté célèbre pour avoir organisé en -879 un banquet offert à 70 000 hôtes ainsi qu’une ziggourat dotée d’une rampe hélicoïdale, laquelle inspirera l’architecte irakien du IXe siècle qui construisit sur ce modèle le minaret de la Mosquée de Samarra, reproduit au Caire dans la mosquée Ibn Touloun. Toutes ces références culturelles, qui font comprendre toutes les interinfluences de l’humanité en marche, ont été balayées le 5 mars 2015 par les miliciens daïchis filmés en train de déposer des charges de dynamite au pied des colonnes et des murailles du Palais de Sargon ou du temple de Ninurta, minutieusement étudiés en 1930 par l’archéologue Max Mallowan sous les yeux de son épouse Agatha Christie; le reste a été détruit au marteau-piqueur tandis qu’une voix off commentait la scène de carnage en ces termes :«Nous faisons disparaître tout objet ou statue voulus comme rivaux de Dieu».
SAMARRA, située à 120 km au Nord de Bagdad, fut capitale de l’Empire abbasside de 836 à 892; la Grande Mosquée (chiite) du Vendredi, flanquée de son minaret hélicoïdal exceptionnel comme vu plus haut, le Palais califal, les tombes des 10e et 11e Imams, ont été dévastés.
La résolution 2199 du Conseil de Sécurité pointait précisément « le pillage et la contrebande d’objets appartenant au patrimoine de l’Irak et de la Syrie.
B) MONUMENTS CHRETIENS D’IRAK
Dans cette région, la vie monastique, qui atteint son apogée aux VIe et VIIe siècles, s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. L’enseignement théologique mais aussi littéraire et scientifique se répandit en dehors de la Mésopotamie; il est l’objet aujourd’hui d’un renouvellement des études qui lui sont consacrées dans les les universités occidentales. Les sanctuaires de l’Irak septentrional ont conservé des témoignages architecturaux anciens et leurs bibliothèques des manuscrits inestimables. Cependant, depuis 1915, un siècle de persécutions, de massacres envers les ressortissants chrétiens et le saccage systématique des lieux de culte ont considérablement appauvri leur influence locale.

MAR BEHNAM On est très inquiet des destructions opérées dans le monastère de Saint-Behnam à 35 km à l’est de Mossoul et qui était merveilleusement décoré; les Mongols l’avaient épargné parce qu’il était consacré à Saint-Georges assimilé au «Khodr» coranique Restauré en 1164, il demeura longtemps un foyer de culture syriaque surtout lorsque les Patriarches syriaques non-chalcédoniens y résidèrent. Le Jubilé de l’An 2000 y avait réuni 12 000 pèlerins et il était redevenu un centre de rayonnement spirituel mondial de la culture syriaque.On trouve une reproduction des hauts-reliefs des lions de la décoration de l’église dans l’une des chapelles du Monastère de Guegard en Arménie, montrant ainsi les relations séculaires entre les chrétientés monophysites arménienne et syriaque. Le Groupe de l’Oeuvre d’Orient conduit par Mgr Gollnisch qui visita la région en 2013 rencontra des moines maronites venus faire leurs recherches sur la patristique syriaque..
MAR DJORDJIS (Saint-Georges), couvent syriaque du XVIIe siècle, proche de Mossoul, où se réunissaient à chaque retour du printemps une foule de fidèles, a été transformé en prison par Daech.
MAR MATTI (Saint-Mathieu), fondé au IVe siècle, principal monastère fortifié syriaque monophysite, à 35 km de Mossoul et à 1200 mètres d’altitude, a accueilli de nombreuses familles qui vivent chichement dans les cellules des moines, dans la peur d’une attaque de Daech.
NOTRE-DAME DES MOISSONS domine la ville d’Al Qosh, menacée par Daech. A proximité, le superbe Couvent RABBAN HORMEZ en partie troglodytique qui fut le siège des Patriarches biphysites, fut détruit à plusieurs reprises par les voisins kurdes ou le Turkmène Nader Shah en 1743. Ses précieux manuscrits ont pu être sauvegardés en territoire kurde; le Groupe de l’Oeuvre d’Orient cité plus haut le visita et fut impressionné par le site et la résistance des moines.
MOSSOUL avait une minorité chrétienne importante (20% de la population) au XVIIe siècle; Rome y envoya des Capucins en 1636, des Dominicains italiens en 1726 puis français en 1750 qui ouvrirent des couvents. Ces derniers créent une imprimerie (en caractères arabes et syriaques) en 1854 pour la diffusion de bibles et de livres religieux ainsi que le Séminaire syro-chaldéen (1878- 1972) qui formera des générations de francophones. La bibliothèque des Pères dominicains rassemblera de nombreux manuscrits recueillis dans les couvents et les églises de la région. Le Gouvernement français ouvrit un consulat dans la ville dont la mission consistait surtout à essayer de protéger la communauté chrétienne. Le couvent dominicain devra être abandonné en 2014; ses locaux servent aujourd’hui de prison où sont torturés les opposants à Daech tandis que l’archevêché syriaque non-chalcédonien est devenu un des des sièges administratifs de l’État islamique. L’évêché syriaque catholique a été brûlé; certaines des vingt autres églises souvent médiévales ont été transformées en mosquées. Les couvents possédaient des manuscrits que le Père dominicain irakien Nagib Mikhaîl , conservateur formé en France, s’était efforcé de collationner pour les numériser au Couvent de Mossoul. En 2007, devant la menace islamiste, le religieux transporta ses collections à Qaraqoche (20 km de Mossoul) dans une annexe du Couvent moins exposée. Le Père Nagib continua son travail jusqu’en juin 2014; c’est à Erbil, dans la province kurde qu’il expédia les précieux manuscrits en juillet; le reste fut acheminé à la hâte le 6 août lors de la prise de Qaraqoche par les Daechis. Conservés dans un endroit sûr en Irak, le Père, soutenu par l’Oeuvre d’Orient , a réalisé un certain nombre de fac-similés des 809 manuscrits concernant des textes littéraires,liturgiques ou médicaux afin de les exposer aux Archives Nationales de France dans le cadre de l’ exposition citée plus haut, intitulée «Mésopotamie, Carrefour des cultures».
TIKRIT, où naquirent Saladin et Saddam Hussein, eut un long passé chrétien, c’est là que résida le Maphrien mot d’origine syriaque désignant «Le Maître» qui était le Numéro II de l’Église syriaque non-chalcédonienne et chargé des missionnaires et des églises en Asie; pour des raisons de sécurité, ce dignitaire résida à partir du XIIIe siècle à Qaraqoch et Mar Behnam. Daech, en septembre 2014, détruisit leur basilique restée depuis lors.On trouve encore aujourd’hui des membres de cette Église dans l’État de Kerala en Inde, qui reconnaissent la suprématie du Patriarche de cette communauté, en résidence à Damas.


C) MONUMENTS ANTIQUES DE SYRIE

Depuis la période mandataire (1922-1947), la France a été très présente dans le domaine archéologique de la Syrie; la destruction du patrimoine archéologique depuis le début de la guerre civile (2011) par les miliciens du Front Nosrah apparenté à Al Qaïda et de ceux de l’État islamique, ont conduit les archéologues syriens et français à rechercher comment préserver le patrimoine de ce pays. M.Maamoun Abdelkarim, cité plus haut, Directeur général des Antiquités et des Musées de Syrie, kurde et syriaque par sa mère, arménien par son père, a fait mettre à l’abri dans les réserves du Musée de Damas, les pièces rares (nombreuses tablettes) des musées de Deir Ezzor (16 000 objets), Alep, Palmyre, Homs parfois transportées par l’armée dans des tanks. Il avait constaté que les sites situés près des frontières étaient plus exposés dans la mesure où des filières bien organisées assurent l’exportation des objets antiques par la Turquie, le Liban et la Jordanie.

Sites archéologiques de l’Ouest syrien
ALEP a été détruite à 60%; c’est la plus grande catastrophe subie depuis la seconde guerre mondiale ; les souks centenaires sont démolis de fond en comble et la Citadelle, haut lieu stratégique a été l’objet de bombardements intensifs, mettant en péril les fouilles en cours qui mettaient à jour au-dessous des vestiges byzantins le temple du dieu phénicien Adad. Le minaret du XIe siècle de la Mosquée des Omeyyades a été lourdement atteint.
APAMEE est truffée de 14000 fosses creusés à la pelleteuse sur 2 ou 3 mètres de profondeur comme l’ont montré les images satellites; les fouilles sauvages se sont poursuivies sans interruption le long de la célèbre colonnade d’un kilomètre depuis mars 2011.
BOSRAH ainsi que le Théâtre fortifié de Bosrah occupé depuis le 25 mars 2015 par le Front Nosrah contient beaucoup d’objets antiques dont on craint l’éparpillement frauduleux.
EBLA abandonnée par ses gardiens, est livrée aux pillards
Le KRAK DES CHEVALIERS, superbe forteresse médiévale prise aux Hospitaliers par le Sultan mamelouk Baïbars au XIIIe siècle, est tour à tour occupée par l’armée syrienne et les miliciens du front Nosrah qui bombardent les villages chrétiens en contrebas (Wadi Annassara). Les dégâts sont très importants.
MAARET NAAMAM est la ville natale du grand penseur syrien libre-penseur du IXe siècle Al Maari; son tombeau installé dans le Centre culturel a été plastiqué par les miliciens du Front Al Nosra; de courageux volontaires locaux ont essayé de défendre un caravansérail médiéval proche qui abrite de superbes mosaïques paléo-chrétiennes, provenant du Monastère de Saint-Siméon et de 80 autres monastères du Ve siècle dans le massif calcaire du Nord de la Syrie.


Sites archéologiques de l’Est syrien

DOURA-EUROPOS, appelée par les Romains «Pompéi du désert» marquait la limite de l’Empire romain séparé par l’Euphrate de l’Empire parthe, qui s’en empara en 256 et la ville fut livrée depuis aux vents et aux sables. La synagogue exceptionnellement décorée de fresques a été transportée au Musée National de Damas; l’équipe archéologique franco-syrienne du Professeur Pierre Leriche s’est consacrée à dégager les nombreux monuments (19 temples, plusieurs palais) de cette cité bâtie sur une falaise qui dominait le fleuve de 40 mètres. Malgré des campagnes de fouilles qui n’ont pas cessé depuis 1920, une petite partie seulement du site a révélé de nombreux documents qui mettent en valeur le rapprochement helleno-oriental. Aussi, depuis que les miliciens de Daech occupent la région, on peut imaginer le pillage de ce lieu exceptionnel.

MARI, plus au Sud, a été fouillé à partir de 1933 par André Parrot dont on peut voir la maquette du site au Louvre; Jean-Claude Margueron y consacra une grande partie de sa vie et Pascal Butterlin qui lui succéda y resta jusqu’en 2013; ce dernier organisa à l’Institut du Monde Arabe une très belle et émouvante exposition en 2014 sur cette cité qu’Hammourabi détruisit en 1750 avant J.C.; proche de la frontière irakienne, le site est également pillé par les mercenaires daechis.
PALMYRE, à 240 km au Nord-Est de Damas, était une cité caravanière très riche liée à Bassorah qui importait les produits indiens revendus vers l’Europe. Les colonnades avaient été réédifiées ainsi que des éléments de l’agora, du camp de Dioclétien, des tombeaux à tours ou souterrains, et ces ruines grandioses associées au souvenir de la Reine Zénobie, d’origine «arabe» étaient célèbres dans le monde. Le site.a été occupé le 21 mai 2015; le drapeau noir de l’État islamique hissé le même jour sur le château attribué à l’Émir libanais Fakhreddine (XVIe siècle). Le théâtre romain a servi dans les jours qui ont suivi à l’exécution publique des militaires syriens faits prisonniers. Si l’archéologue syrien Michel Al Maqdissi, ancien Directeur Général des Antiquités syriennes jusqu’à 2012, estime que les constructions massives peuvent résister aux déprédations, les nécropoles, fouillées seulement à 20% et où chaque mort a son buste, sont certainement pillées et les statues et bas-reliefs vendus à l’étranger. Déjà, 1300 pièces volées ainsi que huit statues ont été repérées hors du pays Les déprédations ont commencé avec la destruction de la statue du lion d’Al lat (Athéna), pesant 3 tonnes et mesurant 3 mètres de haut. qui se trouvait à l’entrée du Musée de Palmyre, dont les collections heureusement ont été acheminées vers Damas par les véhicules et les avions de l’armée nationale syrienne. La prise de Palmyre a été ressentie très fortement par la population syrienne, comme l’a souligné Monsieur Maamun Abdelkarim, en déclarant récemment au cours d’une conférence de presse à Paris;«Avant la prise de Palmyre, nous subissions une guerre civile; après, c’est devenu une guerre internationale.»

RAQQA, qui fut une capitale abbasside pour quelques années, possédait encore les restes d’un palais et d’une mosquée califals; devenue le chef-lieu syrien de l’État islamique, c’est de là que partent les expéditions punitives de Daech
RASSAFA , à proximité de Raqqa, fut une métropole byzantino-arabe contenant plusieurs églises, et qui avait été peu fouillée. L’aspect chrétien antique du site ne l’aura certainement pas fait épargner des destructions sauvages.

D) MONUMENTS CHRETIENS DE SYRIE

Depuis 2013, des membres du clergé de chaque ville syrienne ont été maltraités, enlevés, tués; ainsi à Qaryatayn, entre Palmyre et Damas, un prêtre syriaque catholique a été kidnappé le 22 mai 2015.
ALEP, qui fur la deuxième ville la plus importante de l’Empire ottoman après Istanbul développa un quartier chrétien au XVIe siècle qui se dota de nombreuses églises. Les bombardements particulièrement orientés vers cette partie de la ville depuis 2011 et plus particulièrement en avril et mai 2015, ont gravement endommagé les cathédrales maronite, melkite, arménienne catholique et complètement détruit l’église arménienne grégorienne des 40 Martyrs qui avait de superbes icônes. L’église évangélique a été détruite par explosifs. De nombreux enlèvements de citoyens chrétiens a réduit cette communauté à 50 000 personnes. Les évêques syriaque non-chalcédonien et grec-orthodoxe ont été enlevés depuis deux ans sans que l’on ait de nouvelles d’eux, de même que des centaines de paroissiens.
HOMS fut longtemps un lieu de pèlerinage à Saint Jean-Baptiste auquel on avait élevé un sanctuaire. Les Syriaques non-chalcédoniens y possèdent depuis le Ive siècle une église où aurait été recueillie la ceinture de la Vierge et d’ailleurs le Patriarche de cette communauté y résida au début du XXe siècle avant de s’installer à Damas; l’église de la Vierge fut reconstruite au XIXe siècle dans le style« seljouqide» caractérisé par l’alternance de pierres noires et blanches («ablaq») ; cette basilique s’est hélas effondrée sous les bombardements récents. La plupart des autres églises ont été endommagées , Notre Dame des Pères Jésuites, Saint-Antoine et Saint-Georges des Orthodoxes, la cathédrale syriaque-catholique et le temple protestant. Le Jésuite néerlandais Frans Van der Lugt (75 ans), en Syrie depuis 1966 a été froidement exécuté devant sa maison; son confrère syrien Ziad anime une équipe de volontaires qui assurent la scolarisation de 3500 enfants chrétiens et musulmans et prodiguent l’aide sociale
A KASSAB, au Nord-Ouest de la Syrie, à proximité de la frontière turque dont ils étaient venus, des miliciens du Front Al Nosra s’emparèrent de cette petite ville montagneuse où étaient établies des familles arméniennes descendant des victimes du génocide 1915; les habitants s’enfuirent à Lattaquieh. Al Nosra est constitué, comme Daech, de miliciens étrangers venus de Libye, Turquie, Tchétchénie, de Belgique et de France; ces derniers venus d’Europe, sont les plus acharnés contre les Chrétiens syriens.
MAALOULA à 55 km au Nord de Damas, a une population mixte (2/3 de Chrétiens et 1/3 de Musulmans); le couvent melkite Saint-Serge et Saint-Bacchus conserve un autel du IVe siècle et des icônes précieuses et surplombe l’agglomération; en contrebas, le couvent orthodoxe de Sainte-Thècle, est un lieu de pèlerinage traditionnel pour tous les orthodoxes arabophones. Le Front Al Nosra occupa Maaloula au début de septembre 2013; les miliciens saccagèrent les deux couvents, décapitèrent la statue de la Vierge, emmenant en otages à Yabroud dix-huit religieuses qui ne seront libérées au Liban qu’en mars 2014 qu’après la libération de 150 prisonnières islamistes; ce qui créa dans tout le pays une émotion considérable; trois jeunes Chrétiens ayant refusé d’apostasier furent exécutés. L’armée syrienne reprit la ville le 11 septembre et les lieux de culte ont été reconstruits
MAR MOUSSA, (Saint-Moïse) à proximité de Homs, est un couvent appartenant aux Syriaques catholiques; il était à l’abandon lorsque le Père jésuite Paolo Dall’Oglio s’y installa au cours des années 1980 et avec l’aide de restaurateurs italiens en dégagea des fresques aux superbes couleurs du VIe siècle; une Communauté y prit le nom d’Al Khalil (Abraham) et organisa des sessions de dialogue islamo-chrétien qui eurent un grand succès; malheureusement le Père Paolo a disparu à Raqqa en 2013 au cours d’un échange présumé d’otages et la Communauté n’a pas pu se maintenir étant donné l’insécurité dans la région.
QALB LOZE et MOUCHABBAK sont des basiliques à trois nefs du VIe siècle reconnues par l’archéologue Melchior de Voguë en 1862 dans son ouvrage La Syrie Chrétienne, comme le prototype lointain des façades de nos églises d’Occident. Il écrit de cet art dit «roman» qui sera adopté en Occident au moment des Croisades «L’enseignement oriental a précédé les Croisades et préparé de longue main le mouvement architectural qui s’est produit aux XI et XIIe siècles en Occident… C’est à l’abside qu’apparaît de manière plus évidente ce lien de parenté qui unit les églises de la Syrie centrale à celles de l’Occident».
SAINT-SIMEON était devenu au Moyen-Age un lieu de pèlerinage consacré au stylite et thaumaturge Siméon, qui s’y était fixé sur une colonne en 415 et qui y mourut en 459. Ce sanctuaire, le plus vaste d’Orient avant l’érection de Sainte-Sophie de Constantinople, couvrait 12000 m2. L’ Itinéraire rédigé par un pèlerin anonyme de Bordeaux au Ve siècle montre que les pèlerins occidentaux se rendaient à Alexandrie par bateau puis au Sinaï avant de gagner Jérusalem et de revenir par l’Anatolie en passant à Saint-Siméon, doté de trois hôtelleries et de la fameuse église cruciforme élevée par l’Empereur Zénon autour de la base de la colonne du saint stylite. Les miliciens du Front Al Nosra se sont livrés en l’occupant à de nombreuses déprédations.
SEDNAYA, à 80 km au Nord de Damas, dans le massif du Qalaoun, est depuis longtemps un lieu de pèlerinage à la Vierge, dont une église possède une ancienne icône dissimulée aux regards. On venait à Sednaya de toute la Syrie, du Liban, de Jordanie et d’Irak. Les moniales orthodoxes, que l’on appelle «hajja» comme si elles étaient musulmanes, accueillaient de nombreuse familles chrétiennes et musulmanes venues prier la Vierge. La Mère Supérieure envoya, en 1988, au Président Chirac une représentation de l’icône et je fus chargé, étant en poste à Damas, de lui transmettre la lettre de remerciement du Président français. Le couvent offrait des chambres aux familles de pèlerins venues se ressourcer.
YABROUD, lieu de naissance d’ intellectuels et de savants melkites, aujourd’hui comme hier (Nicolas Sarkis, spécialiste du pétrole, Boutros Hallaq) avait de belles églises anciennes. L’occupation par le Front Nosra qui en fit son Quartier Général a fait partir la plupart des habitants et causé d’énormes dommages aux églises et à leur mobilier; les icônes ont été envoyées à Damas pour être réparées.
L’Est de la Syrie, occupé par Daech, a vu ses populations fuir vers la Turquie ou l’Ouest syrien dans des conditions inhumaines; quant aux édifices religieux, ils ont été saccagés ou même démolis.

DEIR EZZOR, les Daechis y ont dynamité le 22 septembre 2014 le mausolée du Mémorial arménien du génocide ottoman sans doute pour faire plaisir au Gouvernement turc actuel.
HASSAKE est assiégé depuis plusieurs mois dans le but de «vider la ville des Chrétiens», comme l’annoncent par hauts-parleurs tous les jours les mercenaires de Daesh; les habitants sont les descendants des Assyriens irakiens massacrés par l’armée irakienne en 1933 et accueillis par des officiers français en Syrie, dont le futur Général Pierre Rondot; deux villes furent crées au cordeau pour les accueillir, Hassaké et Qamechlié. Dans les environs, le long de l’Euphrate et du Khabour, 34 villages assyriens s’échelonnaient et qui se sont vidés de leurs habitants à cause de l’insécurité occasionnée par les bandes armées de «takfiris» (islamistes). La Turquie a fermé ses frontières proches aux réfugiés chrétiens rendant difficile leur fuite; le Groupe de pèlerins de l’Oeuvre d’Orient en 2014 avait rencontré à Erevan des citoyens syriens de ces villes, dont le Chorévêque Mgr Antoine Ayzazian, de confession arménienne catholique qui avaient pu gagner l’Arménie en traversant la Turquie et même en soudoyant les attaquants daechis. Sur les 5000 déplacés de la région, 2000 ont été accueillis à Sarcelles, où se trouve une paroisse assyro-chaldéenne. Le Patriarche Sako a justement dit à ce propos qu’il fallait regrouper Assyriens et Chaldéens sous une seule appellation «Église d’Orient» , telle qu’elle était connue au Moyen-Age quand ses missionnaires atteignirent Pékin en ayant parcouru la Route de la Soie et converti des centaines de milliers d’Asiatiques.
RAQQA Quant aux Chrétiens de Raqqa,il leur est interdit de sonner les cloches de l’église et ils doivent payer la jizya s’élevant à 17 grammes d’or pour les plus riches par individu et à 4,5 grammes d’or pour les pauvres mais ils n’ont pas été expulsés comme ceux de Mossoul et ils semblent avoir provisoirement conservé leurs biens.

X X X

Les événements qui, en 2011, avaient pu paraître comme une révolte intérieure contre le Régime Assad, se sont mués en affrontement international L’armée de Bachar se serait déjà effondrée sans l’appui technique de la Russie et le transfert incessant de militaires iraniens, de miliciens du Hizbollah venus du Liban et de formations populaires chiites venues d’Irak. Moscou a a annoncé son intention de protéger les citoyens orthodoxes de Syrie, reprenant ainsi la mission que s’était confiée Catherine II à la fin du XVIIIe siècle au nom des «Capitulations». Conserver la base navale de Tartous fait aussi partie des préoccupations russes. Téhéran, en aidant le clan alaouite au pouvoir s’oppose à l’Arabie Saoudite, à la Turquie et au Qatar qui soutiennent les Syriens sunnites. En Irak aussi, le pays se fragmente et s’installe dans des zones réservées au Nord aux Kurdes, au Sud aux Chiites et dans la partie occidentale conquise provisoirement par l’État islamique aux Sunnites.
On voit bien que les pays occidentaux ne sont plus en mesure de peser sur ce conflit régional qui d’ailleurs peut menacer l’Europe. Les alliés et partenaires économiques arabes de l’Occident paraissent de plus en plus menaçants à son égard en soutenant l’extrémisme sunnite.
Tant qu’aux citoyens syriens ou irakiens non-musulmans, tant qu’on ne les reconnaîtra pas comme citoyens ayant les mêmes droits que les musulmans, ils demeureront soumis à toutes les formes d’oppression. Les citoyens français se doivent de ne pas l’oublier.

CHRISTIAN LOCHON

ELEMENTS BIBLIOGRAPHIQUES

ABDULKARM Maamoun, les Villages antiques du massif calcaire du Nord de la Syrie (Beyrouth, Institut Français du Proche-Orient 2011)
ALDEEB ABU SAHLIEH Sami Awad, Non-Musulmans en pays d’islam, Fribourg 1973
ALDEEB ABU SAHLIEH Sami Awad, Les Musulmans face aux droits de l’homme, Bochum Verlag Dr Dieter Winkler, 1994
BAR HAEBRAUS L’histoire du monde d’Adam à Kubilai Khan, Bruxelles Éditions EME 2013
BENRAAD Myriam, Irak de Babylone à l’État islamique, Le Cavalier Bleu 2015
BENRAAD Myriam, Irak la revanche de l’histoire, Paris Vendémiaire 2015
BURGAT F. PAOLI B. directeurs, Pas de printemps pour la Syrie, Paris La Découverte
CHABOT J.B., Littérature syriaque, Paris Blond et Gay 1935
COURTOIS Sébastien de, Chrétiens d’orient sur la Route de la Soie, Paris La Table Ronde 2007
COURTOIS Sébastien de, Sur les fleuves de Babylone,
DESREUMAUX Alain, Répertoire des bibliothèques et des catalogues de manuscrits syriaques, Paris CNRS 1992
EDELBY Mgr Néophyte, Notre Vocation de Chrétiens d’Orient, Proche Orient Chrétien tome III fasc III 1953
FIEY Jean Maurice, Assyrie chrétienne, 3 tomes, Beyrouth Imprimerie Catholique 1965-1967
FIEY Jean Maurice, Jalons pour une Histoire des Chrétiens en Irak, Louvain GNCO 1970
FIEY Jean Maurice, Mossoul chrétienne, Beyrouth Imprimerie Catholique
FIEY Jean Maurice, In Memoriam 1914-1995, Beyrouth Université Saint Joseph 1997

FLANDRIN Philippe,

Hommage : KHALED AL ASSAAD ou l’itinéraire exemplaire d’un grand palmyrénien

La direction générale des Antiquités et des musées en Syrie publie une biographie du savant chercheur et martyr, M. Khaled El-Assaad, l’ancien directeur des antiquités et des musées de Palmyre et cela à l’occasion d’une cérémonie commémorative organisée à l’occasion de l’Anniversaire du 40e jour du décès.

Nous publions ci-joint l’hommage qui lui est rendu par Samir Abdulac.*

En 1963, Khaled al Assaad était nommé directeur des antiquités de Palmyre. Il n’avait que 29 ans et c’était aussi sa première prise de responsabilité. Le directeur général des antiquités et des musées de Syrie à l’époque tenait à nommer dans les provinces du pays des personnes qui en étaient issues, faisant le pari qu’elles sauraient plus que d’autres s’y investir et inscrire leurs actions dans la durée. C’était un pari qui avait déjà été gagné par exemple à Bosra avec Faysal Moqdad.

Khaled al Assaad aura non seulement accompli toute sa carrière à Palmyre, mais il y aura poursuivi ensuite ses activité pendant plus d’une quinzaine d’années après sa prise de retraite. Il développera ses talents d’archéologue au contact des missions scientifiques étrangères qui se succéderont au fil des années à Palmyre. Elles seront américaine, austro-allemande, française, italienne, japonaise, norvégienne, polonaise, suisse et bien entendu syriennes. De plus il apprendra le palmyrénien et il en deviendra expert. Rien d’important ne se sera déroulé à Palmyre en 50 ans sans qu’il n’y ait participé d’une manière ou d’une autre. Il était également là pour recevoir les hommes d’état étrangers en visite. Il participait également à la vie de la cité moderne de Palmyre comme de nombreux membres de sa famille.

J’ai personnellement rencontré Khaled al Assaad un jour d’hiver 1993. J’étais accompagné d’une autre consultante de l’UNESCO et du regretté Nassib Saliby. La question posée était celle de la protection des colonnes du site qui semblaient s’effriter avec le vent. La réponse était que l’effritement se situait à une hauteur régulière, celle d’où émergeaient les colonnes qui étaient autrefois partiellement enterrées. Le coupable avait été l’humidité du sol et non les vents de sable. Nous avions été lui rendre visite à travers les salles froides du musée archéologique. Nous étions passés par un couloir sombre avant d’arriver dans son bureau encombré de livres et de papiers. Nous avions ensuite déjeuné dans un petit restaurant en face et avions notamment parlé de l’inauguration du musée en 1961. Nous étions bien d’accord sur la date précise, à un jour près. Khaled al Assaad m’avait dédicacé l’un de ses ouvrage et je ne crois pas que nous nous soyons revus depuis.

Khaled al Assaad se sentait appartenir entièrement à Palmyre. Peut-être est-ce pour cela qu’il a refusé d’entendre les appels pressants pour la quitter en mai 2015 devant l’avance des troupes de Daech. On se demandera longtemps encore quelles étaient les

calculs tortueux des bourreaux de Daech quant ils l’ont assassiné aussi cruellement. Mettre à mort un « directeur des idoles », « un participants à des congrès aux côtés des infidèles » était-il sensé renforcer la popularité des nouveaux maîtres de Palmyre ? Fallait-il le punir de ne pas avoir divulgué l’emplacement d’une invraisemblable cachette d’or ? On peut au contraire se demander si son exécution juste avant le dynamitage des temples de Baalshamin puis de Bel, avant la destruction des tour funéraires, ne visait pas plutôt à plonger la population de Palmyre dans la terreur et l’empêcher de réagir.

L’assassinat de Khaled al Assaad a provoqué une énorme émotion au niveau international, que ce soit dans les milieux scientifiques ou dans le grand public. On ne compte plus le nombre d’articles qui ont été écrit sur lui à travers le monde. Pour lui des drapeaux ont été mis en berne en Italie. Dans les cercles professionnels, comme au sein de l’ICOMOS, les propositions se multiplient quant à la meilleure manière d’honorer sa mémoire.

Est-ce dû au respect de l’âge ou à la reconnaissance du savoir ? D’autres victimes de Daech n’ont pas bénéficié de cette triste célébrité, comme Abdallah al Humaid, gardien d’un site sur les bords de l’Euphrate, égorgé pour être resté sur son lieu de travail, ou l’avocate Samira al Nuaimi, torturée puis exécutée à Mossoul pour avoir critiqué les destructions des monuments de sa ville. Le courage de ces femmes et de ces hommes de devoir met en tout cas en lumière l’engagement de ceux qui en Syrie et dans la région restent œuvrer jusqu’au bout à la sauvegarde du patrimoine culturel pour les générations actuelles et à venir. Le dévouement et l’esprit de sacrifice des agents de la direction générale des antiquités et des musées de Syrie ne sont plus à démontrer.

La triste besogne de Daech visait-elle à couper les palmyréniens de plusieurs millénaires d’histoire et de gloire ? Voulait-elle empêcher les palmyréniens d’aujourd’hui et de demain de bénéficier de leurs échanges traditionnels et du tourisme ?

La barbarie de Daech aura en tout cas fait de Khaled al Assaad le palmyrénien le plus célèbre après Zénobie et Odeinat. C’est une mince consolation certes, mais les membres de la famille al Assaad pourront partout porter son nom la tête haute.

*Samir ABDULAC
Docteur en urbanisme, Architecte DPLG
Président, Groupe de travail de l’ICOMOS pour la sauvegarde du patrimoine culturel en Syrie et en Irak Vice-président, Comité scientifique international des villes et villages historiques de l’ICOMOS

 Rappel : Un lien vers l’article de Maurice Sartre paru dans la revue Historia : « Palmyre, chronique d’une destruction programmée » 

Conférence et Exposition de photos sur « les monuments d’Alep exposés au combat » par Manar Hammad à Langres

– L’exposition se tiendra du 28 Sept au 31 Octobre au Musée d’Art et d’Histoire de Langre

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– La conférence aura lieu le 5 Octobre 2015 à 14 h 30 au même endroit :

 

Thématique :  

La violence déchaînée en Syrie prélève un lourd tribut sur les hommes et les choses. La mobilité des premiers leur permet souvent d’éviter le pire. L’immobilité des bâtiments les laisse exposés dans la durée. Si certains sont atteints par inadvertance, d’autres subissent le tir car l’une des parties a cru bon de s’en servir ou de s’y abriter. D’autres bâtiments sont délibérément visés par une rage destructrice non aveugle. Ils ne sont pas détruits pour atteindre physiquement un groupe qui les occupe, ils sont visés au titre de monuments ayant une valeur pour un groupe. Ils sont pris pour l’expression d’entités dont on voudrait effacer et la présence et la trace.

Alep est une ville ancienne, dont l’occupation a été continue depuis plus de quatre millénaires. L’homogénéité de son tissu urbain traditionnel, la pierre de ses murs et de ses venelles, et le nombre de bâtiments anciens qui y sont conservés en faisaient un véritable musée en plein air. Elle subit, depuis trois ans, un combat qui lui a été imposé. Cette exposition lui rend hommage.

Les bâtiments photographiés ne forment pas un inventaire comme ils n’établissent pas un constat de dégâts. Il ne s’agit que d’une sélection de monuments atteints ou menacés par le combat. Dans certains cas, la destruction a été totale et irrémédiable. Dans d’autres, elle est partielle et réparable. D’autres édifices sont en danger et leur sort inconnu: nous les avons retenus pour leur qualité esthétique et leur signification.

Les photographies de l’ancien centre urbain forment la majeure partie de l’exposition. La Grande Mosquée, qui occupe l’emplacement de l’antique Agora, était le noyau religieux, politique et intellectuel de la ville. Au douzième siècle, Nur ed-Din Zanki élut résidence à la citadelle, suivi en cela par les Ayyoubides et les Mamluks. Devant la barbacane de l’entrée, la Place aux Chevaux devint le nouveau centre militaire, politique et judiciaire. Les fondations d’enseignement, qui formaient les élites urbaines, furent installées en fonction de ces deux pôles et du réseau des aqueducs restaurés et étendus par Nur ed-Din. Les Ayyoubides développèrent Alep et la marquèrent pour longtemps dans les domaines militaire, religieux et éducatif. L’apport des Mamluks est visible dans les domaines des équipements commerciaux et sanitaires. De la période Ottomane, la ville conserve des suqs, des caravanserails, et de belles demeures patriciennes.

Toutes les photographies ont été prises par nos soins avant les combats. Elles témoignent de l’architecture telle qu’elle se présentait ces dernières années.

Manar Hammad

Chercheur, Architecte

Poursuite des destructions à Palmyre par l’E.I.

L’E.I. a poursuivi son oeuvre destructrice en mettant à terre le 1er septembre 2015 le Temple de Baal
à Palmyre :

http://dgam.gov.sy/?d=314&id=1794

Les réactions internationales à l’événement :
Le 4 septembre, six tours funéraires tombaient sous les explosifs de l’E.I.

Destruction d’une partie du Temple de Bel à Palmyre

La Direction Générale des Antiquités et des Musées de Syrie a confirmé la destruction partielle du
Temple de Bel à Palmyre http://dgam.gov.sy/index.php?d=314&id=1792
Pour une dernière visite du Temple de Bel :
Un Rappel des destructions de Daesh « De Hatra à Palmyre » paru dans le Figaro  :

Exécution du Directeur général des Antiquités de Palmyre

Le groupe Etat islamique (EI) a décapité l’ancien directeur des Antiquités de la cité antique de Palmyre, , le 18 août  sur une place devant des dizaines de personnes.

« Daech (acronyme du groupe Etat islamique) a exécuté un des plus éminents experts du monde antique », a déploré M. Maamoun Abdelkarim, Directeur Général des Antiquités de Syrie. Des images montrant le corps de M. al-Assaad accroché à un poteau ont circulé sur des sites jihadistes. Une pancarte attachée au corps identifie la victime comme étant M. Assaad, accusé par les jihadistes d’être un partisan du régime pour avoir représenté la Syrie à des conférences à l’étranger.

Né en 1934, Khaled el Assaad a été un édile de Palmyre, le responsable des antiquités et des musées de la ville, un savant. Il a poursuivi ses activités sur place malgré sa retraite. Il a rencontré toutes les célébrités qui se sont succédées à Palmyre depuis les années soixante, tous les archéologues et bien sûrs tous les DG des antiquités et des musées. Tous ceux qui l’ont approché gardent de lui un excellent souvenir. Il était devenu une légende vivante.

Il aurait probablement pu accompagner l’évacuation des collections du musée à Damas. Se croyait-il protégé par son environnement social ? Pour que Daech s’en prenne à une personne aussi inoffensive que lui, c’est peut-être pour faire un exemple, prouver que rien d’archéologique n’est sacré pour eux et que ceux qui portent des valeurs culturelles seront ses premières victimes.

Paix à son âme et toutes nos condoléances à sa famille et à ses collègues.
Quand les troupes de Daech sont entrées à Palmyre elles ont menacé de mort les employés des Antiquités s’ils ne révélaient pas l’emplacement des “trésors” enterrés. Espérons qu’ils sauront échapper à un sort tragique…
Nous adressons également nos condoléances  à l’occasion du décès tragique de Qassem Yehya à la citadelle de Damas où il restaurait des mosaïques, par suite d’un tir d’obus.

La préservation du patrimoine archéologique syrien Le 28 mars 2015

Le patrimoine syrien est actuellement gravement menacé. Il est temps que le monde scientifique se mobilise pour le défendre et pour réfléchir à l’avenir de cette part importante du patrimoine de l’humanité. C’est dans cet esprit que la Direction de l’Ecole Normale Supérieure de Paris et le Laboratoire d’Archéologie et Philologie AOROC (CNRS-ENS), organisent une rencontre sur La préservation du patrimoine archéologique syrien le 28 mars 2015.

9h00 à 18h30
A l’Ecole Normale Supérieure, Salle Jean Jaurès, 29 rue d’Ulm, 75005 Paris

Au cours de cette journée, des responsables scientifiques et acteurs de terrain des pays concernés se rencontreront pour évaluer la situation actuelle du patrimoine syrien et établir les conditions de sa préservation et, éventuellement, de sa mise en valeur.

PROGRAMME PROVISOIRE

1re session : Présentation de la contribution des principales missions archéologiques franco-syriennes au patrimoine archéologique syrien au cours de ces trente dernières années. Cette présentation sera accompagnée d’une exposition de posters.

2e session : La destruction et le pillage du patrimoine syrien à ce jour 

3e session : L’activité scientifique au service du patrimoine syrien 

4e session : Discussion

Table ronde : La communauté scientifique européenne face aux menaces sur le patrimoine syrien

Si vous souhaitez assister à cette rencontre veuillez nous contacter à l’adresse suivante :

patrimoinesyrie@yahoo.fr