Que reste-t-il des entreprises françaises en Syrie

Nous publions ci-joint un article paru dans Le Monde du 17/03/2015,

Quatre ans de guerre, un effondrement des investissements, des entreprises qui mettent la clé sous la porte. En 2009, le total des investissements étrangers en Syrie avoisinait 2,6 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros environ), et l’intérêt des investisseurs ne semblait pas prêt de s’émousser. Le conflit a depuis entraîné une baisse drastique des investissements directs étrangers (IDE) jusque dans les pays voisins, et notamment en Jordanie et au Liban, grand partenaire économique de la France dans la région.

En 2013, alors qu’une intervention incluant la France était pressentie, nous faisions un tour d’horizons des intérêts français en Syrie. Près de deux ans après, s’il est difficile d’obtenir des statistiques fiables, quelles entreprises sont encore présentes dans le pays ?

Lire l’éditorial : Syrie : un désastre sans précédent

Pétrole : la production presque évanouie

Investissement étranger numéro 1 dans le pays : le pétrole. Total, première entreprise française à s’être intéressée au pays, a fini par se résoudre à cesser toute activité et rapatrier son personnel en décembre 2011, après l’annonce des sanctions européennes à l’encontre du régime de Bachar Al-Assad, qui interdisent d’exporter vers la Syrie des équipements à destination de l’industrie gazière et pétrolière.

Le pétrolier, implanté via un consortium avec l’entreprise publique Syrian Petroleum Company depuis 1988, reconnaît toutefois, dans son document de référence 2013, maintenir « localement un bureau uniquement pour des besoins non opérationnels. En 2013, Total a versé aux organisations gouvernementales syriennes un montant d’environ 0,5 million d’euros [2 millions en 2012] sous la forme d’impôts et de contributions au titre des services rendus par le secteur public syrien afférent au maintien de ce bureau et de son personnel ».

Comme le détaille Bercy dans sa dernière publication économique sur le pays :

« Les sanctions pétrolières sont efficaces, la Syrie ne parvenant plus à exporter de pétrole, alors que ces exportations représentaient 25 % des revenus du régime. Selon le ministre syrien du pétrole, Souleimane Al-Abbas, la production pétrolière s’est effondrée de 96 % depuis le début de la crise. Le régime syrien dépend aujourd’hui de l’Iran pour ses importations de brut. »

Repli au Liban ou en Egypte

Le fromager Bel, qui était l’un des premiers industriels français à avoir implanté une unité de production dans le pays (en 2005), a transféré ses équipements et les productions de l’usine de Damas sur plusieurs autres sites au Proche et Moyen Orient. « En juillet 2012, la situation difficile en Syrie a conduit à la fermeture temporaire du site de production », explique l’entreprise. Les bâtiments ont toutefois été conservés. Si le siège de l’entreprise dans la région reste à Beyrouth, un recentrage semble en cours, puisque l’Egypte a été rattachée à sa zone Proche et Moyen Orient (Bel possède par ailleurs un site de production en Iran et en Turquie).

Air Liquide, qui a installé une unité de production d’oxygène près de Damas en 2010, aurait également gardé un bureau dans la capitale. L’usine d’Adraa, produisant également de l’azote et de l’argon liquides, devait contribuer à alimenter le marché des gaz industriels dans toute la région du Levant.

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Schneider Electric, qui a ouvert un bureau dans la capitale syrienne en 1998, y avait une activité assez intense jusqu’au début des années 2000 : « Pour renforcer le système d’alimentation de la ville de Damas, PEEGT, la régie d’électricité publique syrienne, a choisi Schneider Electric pour fournir des sous-stations et des transformateurs pour trois niveaux de tension : 230 kV, 66 kV et 20 kV. Les précédentes réalisations de Schneider Electric dans ce pays, notamment les sous-stations des centrales électriques de Jandar et Alep, ont motivé ce choix », vantait l’entreprise dans son rapport annuel de 1999.

Aujourd’hui, Schneider Electric assure n’y avoir que des clients distributeurs et avoir replié certains de ses anciens employés de Damas à Beyrouth. Mais d’après un dossier de présentation de ses activités dans la région (page 95), il y avait encore récemment (le document date de 2014) une quinzaine de projets en cours en Syrie, dont l’ambassade iranienne, des grands hôtels et un centre Carrefour.

Le leader français de la grande distribution a en effet annoncé l’ouverture d’un hypermarché en Syrie en 2008 : on trouve d’ailleurs la trace de ce projet dans les rapports annuels 2009 et 2010, précisant qu’il s’agit d’une franchise. Le dernier rapport annuel montre qu’une activité était toujours en cours en 2013 : l’hypermarché a fermé l’an dernier, affirme la direction du groupe.

Ce n’est qu’en septembre dernier que Lafarge, qui garde toutefois actif son site Internet avec une adresse syrienne, ainsi qu’un bureau à Damas, s’est résolu à suspendre ses activités. Les actifs concernés sont évalués à environ 450 millions d’euros. Sa cimenterie de Kobané s’est retrouvée au centre des combats entre les Kurdes et l’Etat islamique depuis septembre. C’est l’un des plus gros investissements étrangers en dehors du pétrole – le site devait générer un millier d’emplois sur l’ensemble de la région d’Alep, au nord du pays.

Un PIB divisé par deux

De toute façon, il n’y a plus d’interlocuteur pour les entreprises françaises en Syrie, la mission économique de Damas ayant déménagé au Liban voisin (la fiche Internet de la mission économique renvoie d’ailleurs directement sur la fiche du Liban). L’ambassade et les services consulaires sont fermés depuis mars 2012.

« La crise intérieure, l’isolement régional et les sanctions économiques décidées par l’Union européenne et les Etats-Unis ont conduit à une dégradation de la situation économique en Syrie. Un certain nombre d’hommes d’affaires ont pris leurs distances avec le régime. Les finances publiques sont extrêmement dégradées, et la livre syrienne a été dépréciée de plus de 200 % depuis le début de la crise », détaille la fiche pays de Bercy.

Le produit intérieur brut s’est écroulé de moitié entre 2010 et 2013 : il est passé d’environ 60 milliards de dollars (en dollars constants 2010) à 33,5 milliards en 2013 et 31,9 en 2014, selon les calculs.

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